Différences entre les versions de « Pier Paolo Pasolini »

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Version du 4 juin 2022 à 22:30

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Citations

« [...] Le refus a toujours été un geste essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels, les rares qui ont fait l’histoire sont ceux qui ont dit non, pas les courtisans et les assistants des cardinaux. »

— Pier Paolo Pasolini, « Nous sommes tous en danger » (1er novembre 1975), dans Entretiens (1949-1975), trad. Marie-Ange Patrizio, éd. Delga, 2021, Interview accordée à Furio Colombo le 1er novembre 1975, publiée par Tuttolibri (supplément culturel du quotidien La Stampa), 8 novembre 1975, p. 130
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« L’école obligatoire est une école d’initiation à la qualité de la vie petite-bourgeoise. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 202


« [...] aujourd’hui on assiste à la revanche et au triomphe des “fils à papa”. Ce sont eux qui représentent aujourd’hui le modèle-guide. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 184


« Entre 1961 et 1975, quelque chose d’essentiel a changé : il y a eu un génocide. On a détruit culturellement une population.

Si aujourd’hui je voulais tourner à nouveau Accattone, je ne pourrais plus le faire. Je ne trouverais plus un seul jeune qui soit semblable dans son “corps”, même vaguement, aux jeunes qui se sont représentés eux-mêmes dans Accattone. Je ne trouverais plus un seul jeune sachant dire, avec cette voix-là, ces répliques-là. Non seulement il n’aurait pas l’esprit et la mentalité lui permettant de les dire : il ne les comprendrait même pas. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 182-183


« La cause première de cette séparation entre le Palais et le pays, et de la séparation des phénomènes qui s’ensuit à l’intérieur du Palais et du pays, est le changement radical du “mode de production” (énorme quantité, caractère transnational, fonction hédoniste). »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 129-130


« La société préconsumériste avait besoin d’hommes forts, donc chastes. La société de consommation a besoin au contraire d’hommes faibles, donc luxurieux. Au mythe de la femme enfermée et séparée (dont l’obligation de chasteté impliquait la chasteté de l’homme) s’est substitué le mythe de la femme ouverte et proche, toujours à disposition. Au triomphe de l’amitié entre hommes et de l’érection s’est substitué le triomphe du couple et de l’impuissance. Les hommes jeunes sont traumatisés par l’obligation, que leur impose la permissivité, de faire tout le temps et librement l’amour. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 121


« Cette révolution capitaliste, du point de vue anthropologique, c’est-à-dire quant à la fondation d’une nouvelle “culture”, exige des hommes dépourvus de liens avec le passé (qui comportait l’épargne et le moralisme). Elle exige que ces hommes vivent, du point de vue de la qualité de vie, du comportement et des valeurs dans un état d’impondérabilité — ce qui leur permet de privilégier comme le seul acte existentiel possible, la consommation et la satisfaction de ses exigences hédonistes. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 90-91


« [...] la Démocratie chrétienne est un néant idéologique qui tient tout à fait de la mafia : une fois perdue la référence à l’Église, elle peut se mouler elle-même, telle une cire malodorante, dans les formes exigées par une référence plus directe au Pouvoir économique réel, c’est-à-dire au nouveau mode de production (caractérisé par l’énorme quantité et par le superflu) et à son idéologie hédoniste implicite (qui est à l’exact opposé de la religion). »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 90


« Hors d’Italie, dans les pays “développés” — surtout en France — les jeux sont faits depuis déjà un bon bout de temps. Il y a longtemps que le peuple n’existe plus, anthropologiquement. Pour les bourgeois français, le peuple est formé de Marocains ou de Grecs, de Portugais ou de Tunisiens. Et ceux-ci, les pauvres diables, n’ont qu’à apprendre au plus vite à se comporter comme les bourgeois français. C’est ce que pensent les intellectuels aussi bien de gauche que de droite, tout à fait pareillement. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 85


« Entre les deux il y a eu justement la fin d’un univers. Des millions et des millions de paysans et même d’ouvriers — dans le Sud et dans le Nord —, qui depuis un temps bien plus long certainement que les deux mille ans du catholicisme étaient restés égaux à eux-mêmes, ont été détruits. Leur “qualité de vie” a changé radicalement. D’une part ils ont émigré en masse vers les pays bourgeois, de l’autre ils ont été atteints par la civilisation bourgeoise. Leur nature a été anéantie par la volonté des producteurs de marchandise. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 76


« [...] la plupart des intellectuels laïques et démocratiques italiens se donnent de grands airs, parce qu’ils se sentent virilement “dans” l’histoire. Ils acceptent, dans un esprit réalistes, les transformations qu’elle opère sur les réalités et les hommes, car ils croient fermement que cette “acceptation réaliste” découle de l’usage de la raison. [...] Je ne crois pas en cette histoire et en ce progrès. Il n’est pas vrai que, de toute façon, l’on avance. Bien souvent l’individu, tout comme les sociétés, régresse ou se détériore. Dans ce cas, la transformation ne doit pas être acceptée : son “acceptation réaliste” n’est en réalité qu’une manœuvre coupable pour tranquilliser sa conscience et continuer son chemin. C’est donc tout le contraire d’un raisonnement, bien que souvent, linguistiquement, cela en ait l’air. La régression et la détérioration ne doivent pas être acceptées, fût-ce avec une indignation ou une rage qui, dans ce cas précis, et contrairement aux apparences, sont des mouvements profondément rationnels. Il faut avoir la force de la critique totale, du refus, de la dénonciation désespérée et inutile. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 33


« [...] le fond de mon enseignement consistera à te convaincre de ne pas craindre la sacralité et les sentiments, dont le laïcisme de la société de consommation a privé les hommes en les transformant en automates laids et stupides, adorateurs de fétiches. »

— Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes (1975), trad. Anna Rocchi Pullberg, éd. Seuil, coll. « Points », 2002 (ISBN 9782020533041), p. 28


« Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé “la société de consommation”, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. Dans le film de Naldini, on voit que les jeunes étaient encadrés et en uniforme... Mais il y a une différence : en ce temps là, les jeunes, à peine enlevaient-ils leurs uniformes et reprenaient-ils la route vers leurs pays et leurs champs, qu’ils redevenaient les Italiens de cinquante ou de cent ans auparavant, comme avant le fascisme.

Le fascisme avait en réalité fait d’eux des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de l’âme, dans leur façon d’être. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation, a profondément transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette “civilisation de consommation” est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot de “fascisme” signifie violence du pouvoir, la “société de consommation” a bien réalisé le fascisme. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 268-269


« Il existe aujourd’hui une forme d’antifascisme archéologique qui est en somme un bon prétexte pour se décerner un brevet d’antifascisme réel. Il s’agit d’un antifascisme facile, qui a pour objet et objectif un fascisme archaïque qui n’existe plus et qui n’existera plus jamais. [...] Voilà pourquoi une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui ou, du moins, de ce que l’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide, soit prétextuel et de mauvaise foi ; en effet, elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique, qui ne peut plus faire peur à personne. C’est, en somme, un antifascisme de tout confort et de tout repos. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 267-268


« [...] qui accepte le divorce est un bon consommateur. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 265


« [...] la droite veut le “développement” (pour la simple raison qu’elle le fait) ; la gauche veut le “progrès”. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 227


« Le nouveau pouvoir de consommation permissif s’est purement et simplement servi de nos conquêtes mentales de laïques, d’intellectuels éclairés, de rationalistes, pour édifier son voligeage de faux laïcisme, de fausse intelligence éclairée, de fausse rationalité. Il s’est servi de nos déconsécrations pour se libérer d’un passé qui, avec toutes ses sottes et atroces consécrations, ne lui servait plus. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 177-178


« [...] être inconditionnellement favorable à l’avortement garantit un brevet de rationalité, d’intelligence éclairée et de modernité, etc. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 176


« Et puis cette société impose une précocité génératrice de névroses. Gamins et gamines à peine pubères ont — dans l’espace obligé d’une permissivité qui rend la normalité paroxystique — une expérience du sexe qui leur enlève tout exaltation dans ce domaine, toute possibilité de sublimation dans les autres. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 175


« Il faut lutter avant tout contre la “fausse tolérance” du nouveau pouvoir totalitaire de la consommation, en s’en écartant avec toute l’indignation du monde ! »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 150-151


« Et les mariages : autrefois, c’était des fêtes, et leur caractère d’institution — si stupide et sinistre — était moins fort du fait qu’il était institué par, précisément, un processus heureux et joyeux. Aujourd’hui, [...], les mariages ressemblent à de hâtifs rites funèbres. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 148


« La légalisation de l’avortement est, en effet — c’est indubitable — une énorme commodité pour la majorité. Surtout parce qu’elle rendrait encore plus facile le coït — l’accouplement hétérosexuel — pour lequel il n’y aurait pratiquement plus d’obstacles. Mais cette liberté du coït du “couple” ainsi qu’il est compris par la majorité — cette merveilleuse permissivité à son égard ! — qui l’a tacitement voulue, tacitement promulguée et faite entrer, de façon désormais irréversible, dans les habitudes ? Le pouvoir de la consommation, le nouveau fascisme. Il s’est emparé des exigences de liberté, disons, libérales et progressistes et, en les faisant siennes, il les a rendues vaines et en a changé la nature.

Aujourd’hui, la liberté sexuelle de la majorité est en réalité une convention, une obligation, un devoir social, une anxiété sociale, une caractéristique inévitable de la qualité de vie du consommateur. Bref, la fausse libération du bien-être a créé une situation tout aussi folle et peut-être davantage que celle du temps de la pauvreté. En effet :

1° Le résultat d’une liberté sexuelle “offerte” par le pouvoir est une véritable névrose générale. La facilité a créé l’obsession ; parce qu’il s’agit d’une obsession “induite” et imposée, qui dérive du fait que la tolérance du pouvoir concerne uniquement l’exigence sexuelle exprimée par le conformisme de la majorité. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 145


« Je suis pourtant traumatisé par la législation de l’avortement, parce que je la considère, comme beaucoup, comme une légalisation de l’homicide. Dans mes rêves et dans mon comportement quotidien — c’est quelque chose de commun à tous les hommes — je vis ma vie prénatale, mon heureuse immersion dans les eaux maternelles : je sais que là, j’étais vivant. Je me contente de dire cela parce que, au sujet de l’avortement, j’ai des choses plus urgentes à dire. Que la vie est sacrée, c’est évident : c’est un principe encore plus fort que tout principe démocratique et il est inutile de le répéter. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 143-144


« La consommation et la prolifération des industries tertiaires ont détruit le monde champêtre en Italie et sont en train de le détruire partout dans le monde [...]. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 129


« C’est possible, mais ceci est certain : si les fautes de l’Église ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d’accepter passivement d’être liquidée par un pouvoir qui se moque de l’Évangile. Dans une perspective radicale, peut-être utopiste ou, c’est le moment de le dire, millénariste, ce que l’Église devrait faire pour éviter une fin sans gloire est donc bien clair : elle devrait passer à l’opposition et, pour passer à l’opposition, se nier elle-même. Elle devrait passer à l’opposition contre un pouvoir qui l’a si cyniquement abandonnée en envisageant sans gêne de la réduire à du pur folklore. Elle devrait se nier elle-même, pour reconquérir les fidèles (ou ceux qui ont un “nouveau” besoin de foi) qui l’ont abandonnée à cause justement de ce qu’elle est.

En reprenant une lutte qui d’ailleurs est dans sa tradition (la lutte de la papauté contre l’empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l’Église pourrait être le guide, grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent (c’est un marxiste qui parle, et justement en qualité de marxiste) le nouveau pouvoir de la consommation, qui est complètement irreligieux, totalitaire, violent, faussement tolérant et même, plus répressif que jamais, corrupteur, dégradant (jamais plus qu’aujourd’hui n’a eu de sens l’affirmation de Marx selon laquelle le Capital transforme la dignité humaine en marchandise d’échange). C’est donc ce refus que l’Église pourrait symboliser, en retournant à ses origines, c’est-à-dire à l’opposition et à la révolte. Faire cela ou accepter un pouvoir qui ne veut plus d’elle, ou alors se suicider. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 121


« Quand je dis que le récent petit discours de Castelgandolfo est historique, j’entends faire référence à tout le cours de l’histoire de l’Église catholique, c’est-à-dire de l’histoire humaine (eurocentrique et, c’est déjà ça, culturocentrique). Paul VI a en effet admis explicitement que l’Église a été vaincue par le monde ; que le rôle de l’Église est soudain devenu incertain et superflu ; que le Pouvoir réel n’a plus besoin de l’Église et l’abandonne donc à elle-même ; que les problèmes sociaux trouvent leurs solutions au cœur d’une société dans laquelle l’Église n’a plus de prestige : que n’existe plus le problème des “pauvres”, c’est-à-dire le problème le plus important pour l’Église, etc. [...] ces aveux marquent en effet la fin de l’Église ou, tout au moins, la fin du rôle traditionnel que l’Église a tenu de façon ininterrompue pendant deux mille ans. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 118-120


Il est dramatique de voir « ce que sont aujourd’hui fascisme et antifascisme face à l’idéologie massive, impénétrable et immense de la consommation, qui constitue l’idéologie “inconscience mais réelle” des masses, même si ses valeurs ne sont encore vécues qu’existentiellement. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 111


« [...] le totalitarisme de la consommation est pire que celui du vieux pouvoir. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 100


« [...] “le Pouvoir a décidé que nous sommes tous égaux”.

La fièvre de la consommation est une fièvre d’obéissance à un ordre non énoncé. Chacun, en Italie, ressent l’anxiété, dégradante, d’être comme les autres dans l’acte de consommer, d’être heureux, d’être libre, parce que tel est l’ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il doit “obéir” s’il se sent différent. Jamais la différence n’a été une faute aussi effrayante qu’en cette période de tolérance. L’égalité n’a, en effet, pas été conquise, mais est, au contraire, une “fausse” égalité reçue en cadeau. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 95


« [...] le fascisme de naguère, ne fût-ce qu’à travers la dégénérescence de la rhétorique, rendait différent, alors que le nouveau fascisme — qui est tout autre chose — ne rend plus différent : il n’est plus rhétorique sur le mode humaniste, mais pragmatique sur le mode américain. Son but est la réorganisation et le nivellement brutalement totalitaire du monde. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 82


« En vérité, nous avons eu une attitude fasciste envers les fascistes (je parle surtout des jeunes) : nous avons hâtivement et impitoyablement voulu croire qu’ils étaient prédestinés à être fascistes par leur race et que, face à cette détermination de leur destin, il n’y avait rien à faire. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 81


« Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a pas même, au fond, été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information (surtout, justement, la télévision), l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 52


« Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. [...] De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que “la tolérance” de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de l’histoire humaine. »

— Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires (1973-1975), trad. Philippe Guilhon, éd. Flammarion, 2009 (ISBN 9782081226623), p. 49


« Je monte au ciel,
avec un cœur simple, grand,
parce que grande est ma nation.
Adieu, monde de pères incertains
et d’enfants certains, adieu terre,
toi qui redonnes de la lumière au mot patrie.
Tout peu à peu devient étoile.

Je vole vers l’Occident, et mon vol
absorbe dans mon cœur généreux
le mal qui domine le monde.
Comme si j’étais seul, avec ma simple force de fiston
ici dans le ciel à en témoigner.
Romme se libère — vue de cette hauteur
qui est jugement moral — de l’obscurité de l’encens,
comme un gaz dispersé par la brise
d’un Esprit de purs sentiments.

Je vole vers l’Occident, et mon passage
est comme celui d’une simple hirondelle
qui annonce que mai arrive irrémédiablement.
Une civilisation, là-bas, triomphait :
soudain, j’en annonce l’agonie. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 108


« La classe propriétaire de la richesse.
Parvenue à une telle familiarité avec la richesse,
qu’elle confond la nature et la richesse.

Si perdue dans le monde de la richesse
qu’elle confond l’histoire et la richesse.

Si touchée par la grâce de la richesse
qu’elle confond les lois et la richesse.

Si adoucie par la richesse
qu’elle attribue à Dieu l’idée de la richesse. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 105


« Du monde antique et du monde future,
il ne restait que la beauté, et toi [...]. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 100


« La tradition, c’est une grandeur qui peut s’exprimer d’un geste. Mille pères l’ont vu, et à travers eux, au cours des siècles, il est devenu pur comme un vol d’oiseau, élémentaire comme le mouvement d’une vague. Mais seule la Révolution sauve le Passé. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 75


« Une nation qui recommence son histoire restitue avant tout aux hommes l’humilité de ressembler avec innocence aux pères. La tradition ! »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 75


« La joie de l’Américain qui se sent identique à un autre million d’Américains dans l’amour de la démocratie : voilà la maladie du monde futur ! Quand le monde classique sera épuisé — quand tous les paysans et les artisans seront morts — quand l’industrie aura rendu inarrêtable le cycle de la production et de la consommation — alors notre histoire prendra fin. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 70


« Mais, avec la vieille Europe qui se réinstalle dans ses gonds solennels, naît l’Europe moderne :
le Néo-capitalisme ;
le Marché Commun, les États-Unis d’Europe, les industriels éclairés et “fraternels”, les problèmes des relations humaines, du temps libre, de l’aliénation.

Le monde puissant du capital a, en guise d’impudent drapeau, un tableau abstrait. »

— Pier Paolo Pasolini, La Rage (1963), trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas, éd. Nous, 2020 (ISBN 9782370840868), p. 18


« Tradition et marxisme. Oui, j’y insiste : seul le marxisme sauve la tradition ; seuls les marxistes aiment le passé. »

— Pier Paolo Pasolini, « Vie nuove » (22 novembre 1962), dans Dialogues en public (1960-1965), trad. François Dupuigrenet Desroussilles, éd. Éditions du Sorbier, 1980, p. 130


« Je suis une force du Passé.
Mon amour ne réside que dans la tradition.
Je viens des ruines, des églises,
des retables, des villages
abandonnés dans les Apennins et les Préalpes,
où ont vécu les frères.
Je roule sur la Tuscolana comme un fou,
sur la Via Appia comme un chien sans maître.
Ou je regarde les crépuscules, les matins
sur Rome, sur la Ciociaria, sur le monde,
comme les premiers actes du Posthistorique
auquel j’assiste, par privilège d’ancienneté,
du bord extrême de quelque âge
enseveli. Monstrueux, celui qui est né
des entrailles d’une morte.
Et moi, fœtus adulte, je rôde
plus moderne que tout moderne
pour trouver des frères qui ne sont plus. »

— Pier Paolo Pasolini, « Poésies mondaines » (10 juin 1962), dans Poésie en forme de rose (1961-1964), trad. René de Ceccatty, éd. Rivages, 2019 (ISBN 9782743631635), p. 75-77
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Orson Welles et Pier Paolo Pasolini
Ezra Pound et Pier Paolo Pasolini, 26 octobre 1967, Venise

Bibliographie

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