Différences entre les versions de « Joseph de Maistre »
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Version du 22 mai 2020 à 19:24
Citationes
« Chaque nation, comme chaque individu, a reçu une mission qu’elle doit remplir. »
« Les hommes ne peuvent être réunis pour un but quelconque, sans une loi ou une règle qui les prive de leur volonté : il faut être religieux ou soldat. »
« Un des plus grands crimes qu’on puisse commettre, c’est sans doute l’attentat contre la souveraineté, nul n’ayant des suites plus terribles. [...]
Il faut encore faire une observation importante : c’est que tout attentat commis contre la souveraineté, au nom de la nation, est toujours plus ou moins un crime national [...].
Or, tous les crimes nationaux contre la souveraineté sont punis sans délai et d’une manière terrible ; c’est une loi qui n’a jamais souffert d’exception. [...] Chaque goutte de sang de Louis XVI en coûtera des torrents à la France ; quatre millions de Français, peut-être, payeront de leurs têtes le grand crime national d’une insurrection anti-religieuse et anti-sociale, couronnée par un régicide. »
« Il était aisé de prévoir que l’abolition du catholicisme menait droit à celle du christianisme, et que le système des Réformateurs en dernière analyse se réduisait à la singulière prétention de vouloir tout à la fois maintenir les lois d’un empire et renverser le pouvoir qui les fait exécuter. »
« On ne s’exprime point exactement lorsque l’on dit que le protestantisme est, en général, favorable à la république ; il n’est favorable à aucun gouvernement : il les attaques tous ; mais comme la souveraineté n’existe pleinement que dans les monarchies, il déteste particulièrement cette forme de gouvernement, et il cherche les républiques où il a moins à ronger. Mais, là comme ailleurs, il fatigue la souveraineté et ne peut supporter le joug social. Il est républicain dans les monarchies et anarchiste dans les républiques. [...] l’union constitutionnelle du sceptre et de la crosse le fait rugir. Il sait bien qu’il ne peut les briser qu’en les séparant, et c’est à quoi il travaille sans relâche. »
« Les souverainetés surtout n’ont de force, d’unité et de stabilité qu’en proportion qu’elles sont divinisés par la religion. Or le christianisme, c’est-à-dire le catholicisme, étant le ciment de toutes les souverainetés européennes, le protestantisme, en leur enlevant le catholicisme sans leur donner une autre foi, a miné la base de toutes celles qui ont eu le malheur d’embrasser la Réforme : en sorte que, plus tôt ou plus tard, il doit les laisser en l’air.
Le mahométisme, le paganisme même auraient fait politiquement moins de mal, s’ils s’étaient substitués au christianisme avec leur espèce de dogmes et de foi. Car ce sont des religions, et le protestantisme n’en n’est point une. »
« Qu’est-ce qu’un protestant ? Il semble d’abord qu’il est aisé de répondre ; mais si l’on réfléchit, on hésite. Est-ce un anglican, un luthérien, un calviniste, un zwinglien, un anabaptiste, un quaker, un méthodiste, un morave, etc. (je suis las). C’est tout cela, et ce n’est rien. Le protestant est un homme qui n’est pas catholique, en sorte que le protestantisme n’est qu’une négation. [...]
Ainsi, le protestantisme est positivement, et au pied de la lettre, le sans-culottisme de la religion. L’un invoque la parole de Dieu ; l’autre, les droits de l’homme ; mais dans le fait c’est la même théorie, la même marche et le même résultat. Ces deux frères ont brisé la souveraineté pour la distribuer à la multitude. »
« Louis XIV foula au pied le protestantisme et il mourut dans son lit, brillant de gloire et chargé d’années. Louis XVI le caressa et il est mort sur l’échafaud. »
« [...] le principe fondamental de cette religion [le christianisme], l’axiome primitif sur lequel elle reposait dans tout l’univers avant les novateurs du XVIe siècle, c’était l’infaillibilité de l’enseignement d’où résulte le respect aveugle pour l’autorité, l’abnégation de tout raisonnement individuel, et par conséquent l’universalité de croyance.
Or ces novateurs sapèrent cette base : ils substituèrent le jugement particulier au jugement catholique ; ils substituèrent follement l’autorité exclusive d’un livre à celle du ministère enseignant plus ancien que le livre et chargé de nous l’expliquer.
De là vient le caractère particulier de l’hérésie du XVIe siècle. Elle n’est point seulement une hérésie religieuse, mais une hérésie civile, parce qu’en affranchissant le peuple du joug de l’obéissance et lui accordant la souveraineté religieuse, elle déchaîne l’orgueil général contre l’autorité, et met la discussion à la place de l’obéissance. »
« [...] l’empire est sacré, la religion est civile ; les deux puissances se confondent ; chacune emprunte de l’autre une partie de sa force, et, malgré les querelles qui ont divisé ces deux sœurs, elles ne peuvent vivre séparées. »
« [...] depuis l’époque de de la Réformation, il existe en Europe un esprit d’insurrection qui lutte d’une manière tantôt publique, tantôt secrète, mais toujours réelle, contre toutes les souverainetés et surtout contre toutes les monarchies.
Le grand ennemi de l’Europe qu’il importe d’étouffer par tous les moyens qui ne sont pas des crimes, l’ulcère funeste qui s’attache à toutes les souverainetés et qui les ronge sans relâche ; le fils de l’orgueil, le père de l’anarchie, le dissolvant universel, c’est le protestantisme.
Qu’est-ce que le protestantisme ? C’est l’insurrection de la raison individuelle contre la raison générale [...]. »
« Jusqu’à présent les nations ont été tuées par la conquête, c’est-à-dire par voie de pénétration ; mais il se présente ici une grande question : — Une nation peut-elle mourir sur son propre sol sans transplantation, ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui font ce qu’elle est ? C’est un grand et redoutable problème. Si vous en êtes là, il n’y a plus de Français, même en France ; Rome n’est plus dans Rome, et tout est perdu. »
« La guerre est donc divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde. »
« Mais qu’est-ce qu’une nation mon cher ami ? C’est le souverain et l’aristocratie. Il faut peser les voix, et non les compter. Je ne sais combien tu as de domestiques ; mais quand tu en aurais cinquante, je prendrais la liberté d’estimer leurs voix réunies un peu moins que la tienne. Tu me dis un grand mot en me disant : Je sais qu’ils ont des amis dans la haute classe ; mais c’est précisément dans les hautes classes que résident les principes conservateurs et les véritables maximes d’État. »
« [...] l’homme en général, s’il est réduit à lui-même, est trop méchant pour être libre. »
« Mais les fausses opinions ressemblent à la fausse monnaie qui est frappée d’abord par de grands coupables, et dépensée ensuite par d’honnêtes gens, qui perpétuent le crime sans savoir ce qu’ils font. »
« Mais de tous les monarques, le plus dur, le plus despotique, le plus intolérable, c’est le monarque peuple. »
« Le peuple est souverain, dit-on ; et de qui ? — De lui-même apparemment. Le peuple est donc sujet. Il y a sûrement ici quelque équivoque s’il n’y a pas une erreur, car le peuple qui commande n’est pas le peuple qui obéit. Il suffit donc d’énoncer la proposition générale : le peuple est souverain, pour sentir qu’elle a besoin d’un commentaire. »
« [...] jamais le christianisme, si vous y regardez de près, ne vous paraîtra plus sublime, plus digne de Dieu, et plus fait pour l’homme qu’à la guerre. »
« [...] le glaive de la justice n’a point de fourreau ; toujours il doit menacer ou frapper. »
« La constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l’homme. Or, il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc., je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être Persan : mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien à mon insu.
[...] une constitution qui est faite pour toutes les nations, n’est faite pour aucune : c’est une pure abstraction, une œuvre scolastique faite pour exercer l’esprit d’après une hypothèse idéale, et qu’il faut adresser à l’homme dans les espaces imaginaires où il habite. »
« Plus on écrit, et plus l’institution est faible, la raison en est claire. Les lois ne sont que des déclarations de droits, et les droits ne sont déclarés que lorsqu’ils sont attaqués ; en sorte que la multiplicité des lois constitutionnelles écrites ne prouve que la multiplicité des chocs et le danger d’une destruction.
Voilà pourquoi l’institution la plus vigoureuse de l’antiquité profane fut celle de Lacédémone, où l’on n’écrivit rien. »
« Le peuple le mieux constitué est celui qui a le moins écrit de lois constitutionnelles ; et toute constitution écrite est NULLE. »
« Il y a dans la Révolution française un caractère satanique qui la distingue de tout ce qu’on a vu et peut-être de tout ce qu’on verra.
« Il n’y a plus de prêtres ; on les a chassés, égorgés, avilis ; on les a dépouillés ; et ceux qui ont échappé à la guillotine, aux bûchers, aux poignards, aux fusillades, aux noyades, à la déportation, reçoivent aujourd’hui l’aumône qu’ils donnaient jadis. [...] Les autels sont renversés ; on a promené dans les rues des animaux immondes sous les vêtements des pontifes ; les coupes sacrées ont servi à d’abominables orgies ; et sur ces autels que la foi antique environne de chérubins éblouis, on a fait monter des prostituées nues. »
« Enfin, plus on examine les personnages en apparence les plus actifs de la Révolution, et plus on trouve en eux quelque chose de passif et de mécanique. On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution, c’est la révolution qui emploie les hommes. On dit fort bien, quand on dit qu’elle va toute seule. »
« [...] le rétablissement de la Monarchie, qu’on appelle contre-révolution, ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la Révolution. »
« Or, ce qui distingue la révolution française, et ce qui en fait un événement unique dans l’histoire, c’est qu’elle est mauvaise radicalement ; aucun élément de bien n’y soulage l’œil de l’observateur : c’est le plus haut degré de corruption ; c’est la pure impureté. »
« Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. »
« [...] toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage. »
« Partout où vous verrez un autel, là se trouve la civilisation. »
« Je ne vis plus qu’à demi. D’autres épines encore s’enfoncent dans mon cœur, mon esprit s’en ressent : de petit il est devenu nul, hic jacet ; mais je meurs avec l’Europe, je suis en bonne compagnie. »
« Je crois de plus en mon âme et conscience que si l’homme pouvait vivre dans ce monde exempt de toute espèce de malheurs, il finirait par s’abrutir au point d’oublier complètement toutes les choses célestes et Dieu même. Comment pourrait-il, dans cette supposition, s’occuper d’un ordre supérieur, puisque dans celui-même où nous vivons, les misères qui nous accablent ne peuvent nous désenchanter des charmes trompeurs de cette malheureuse vie ? »
« [...] il n’y aurait rien de si infortuné qu’un homme qui n’aurait jamais éprouvé l’infortune : car jamais un tel homme ne pourrait être sûr de lui-même, ni savoir ce qu’il vaut. »
« Qu’on rie des idées religieuses, ou qu’on les vénère, n’importe : elles ne forment pas moins, vraies ou fausses, la base unique de toutes les institutions durables. »
« Il y a une règle sûre pour juger les livres comme pour les hommes, même sans les connaître : il suffit de savoir par qui ils sont aimés, et par qui ils sont haïs. Cette règle ne trompe jamais, et déjà je vous l’ai proposée à l’égard de Bacon. Dès que vous le voyez mis à la mode par les encyclopédistes, traduit par un athée et loué sans mesure par le torrent des philosophes du dernier siècle, tenez pour sûr, sans autre examen, que sa philosophie est, du moins dans ses bases générales, fausse et dangereuse. »
Citationes de Joseph de Maistre
« Joseph de Maistre disait, il y a plus d’un siècle, que l’homme est trop méchant pour mériter d’être libre.
Ce Voyant était un contemporain de la Révolution dont il contemplait, en prophète, la grandiose horreur, et il lui parlait face à face.
Il mourut dans l’épouvante et le mépris de ce colloque, en prononçant l’oraison funèbre de l’Europe civilisée.
Il n’aurait donc rien de plus à dire aujourd’hui, et les finales porcheries de notre dernière enfance n’ajouteraient absolument rien à la terrifiante sécurité de son diagnostic. »
« Les négations fascistes du socialisme, de la démocratie, du libéralisme, ne doivent cependant pas faire croire que le fascisme entend ramener le monde à ce qu’il était avant 1789, date qui est considérée comme l’année d’inauguration du siècle démo-libéral. On ne revient pas en arrière. La doctrine fasciste n’a pas choisi de Maistre pour prophète. »
Textus
- Jugement sur Voltaire - Joseph de Maistre
- Plaidoyer pour l’Inquisition - Joseph de Maistre
- Lettre à sa fille - Joseph de Maistre