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Citations

« “L’Europe viendra réellement frapper à notre porte, pour que nous nous levions et allions chez elle sauver l’ordre”, dit enfin Dostoïevsky.

Ne nous y trompons pas ; cet ordre ne sera pas celui auquel nous fûmes habitués ; ce sera un ordre scandaleux ; de même que le prince Myschkine casse le vase, chez le général, de même, chez Dostoïevsky, l’Esprit brisera la matière, au milieu de la stupéfaction de tous. Alors se découvrira le monde tel qu’il doit être. Au sentiment de l’humiliation, qui fait les révolutions, succédera l’humilité, qui fait les religions. Même en Russie, ceux qui ont cru se servir du Christ n’en auront été que les instruments.

Ainsi sera établi le règne de Dieu.

Nous ne sommes pas encore arrivés à cette heure-là. Il faudra d’abord descendre jusqu’au fond de notre “conscience nocturne” sous la pression totale du malheur et le poids “de la force des choses”.

“Si Dieu veut agir manifestement”, a dit, chez nous, l’homme le mieux fait pour comprendre Dostoïevsky, “il faudra bien qu’il agisse de lui-même”. L’auteur d’Humiliés et Offensés dirait de Léon Bloy qu’il est digne d’être orthodoxe. Quel étrange malaise n’éprouvons-nous pas en pensant à ces deux cœurs humiliés, à ces deux vies d’offensés...

Peut-être comprendrons-nous mieux l’avertissement de Dostoïevsky en nous rappelant les derniers mots de Léon Bloy dans Au seuil de l’Apocalypse : “J’attends les Cosaques et le Saint-Esprit.” »

— Paul Morand, L’Europe russe annoncée par Dostoïevsky (1948), éd. Pressédition, 1948, p. 69-70


« [...] il n’y aura plus de politique étrangère car aucun peuple ne sera plus étranger à un autre. »

— Paul Morand, L’Europe russe annoncée par Dostoïevsky (1948), éd. Pressédition, 1948, p. 9


« Personne ne supporte plus la solitude, ni le sur-place. Le sur-place nous donne un échauffement dans la vitesse est la purge. [...] C’est un des aspects de cette peur de mourir, erreur matérialiste du monde occidental, par quoi peut-être il périra. Tandis que les médecins veulent allonger la vie, les hommes veulent l’élargir en y faisant tenir de plus en plus de choses : vivre vite, c’est duper le sort, c’est vivre plusieurs fois ; les gens réagissent ainsi : puisque la mort c’est l’immobilité, le mouvement c’est la vie ; d’où beaucoup concluent que la grande vitesse, c’est la grande vie. »

— Paul Morand, Apprendre à se reposer (1937), éd. Flammarion, 1937, p. 


« Aujourd’hui que l’Occident, arrivé à l’avant-dernier degré de la surproduction, de la vitesse, de l’anémie et de la névrose entrevoit, comme remède unique à une prochaine catastrophe, la nécessité de ralentir le rythme de sa vie, de refréner ses besoins et de ne pas céder à toutes les exigences de la matière, il se tournerait volontiers vers l’Asie, lui demandant ses secrets d’antique sagesse. Mais l’Asie renonçante et apaisée a disparu ; le monde entier vit désormais sous le signe de la machine, de la machine inepte et sans vie, monstrueuse projection de l’âme polytechnicienne du constructeur [...]. Un jour viendra peut-être où il n’y aura même plus d’Orient et d’Occident, mais une seule misérable nation terrestre interrogeant l’espace interplanétaire à coups de signaux lumineux. »

— Paul Morand, Papiers d’identité (1931), éd. Grasset, 1931, « Orient contre Occident », p. 205-206


« La beauté affreuse de notre époque c’est que les races se sont mêlées sans se comprendre ni avoir eu le temps de se connaître et d’apprendre à se supporter. [...]

La terre cesse d’être un drapeau aux couleurs violentes : c’est l’âge sale du Métis. »

— Paul Morand, Rien que la Terre (1926), éd. Grasset & Fasquelle, coll. « Bibliothèque Grasset », 2006, p. 


Bibliographie

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