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Citations

« [...] il n’existe aucune raison “objective” pour préférer la science et le rationalisme occidental à d’autres traditions. [...] toutes les cultures ont des raisons “objectives” en leur faveur. »

— Paul Feyerabend, Adieu la Raison (1987), trad. Baudoin Jurdant, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1996 (ISBN 9782020300575), p. 338


Ce phénomène international, c’est « l’expansion régulière du “progrès” et du “développement” occidentaux, qui se confondent avec la diffusion du business, de la science et de la technologie. »

— Paul Feyerabend, Adieu la Raison (1987), trad. Baudoin Jurdant, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1996 (ISBN 9782020300575), p. 8


« La séparation de la Science et de l’État peut être notre seule chance de vaincre la barbarie forcenée de l’âge technico-scientifique et d’accéder à l’humanité dont nous sommes capables, sans l’avoir jamais pleinement réalisée. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 338


« Ainsi, la science est beaucoup plus proche du mythe qu’une philosophie scientifique n’est prête à l’admettre. C’est l’une des nombreuses formes de pensée qui ont été développées par l’homme, mais pas forcément la meilleure. La science est indiscrète, bruyante, insolente ; elle n’est essentiellement supérieure qu’aux yeux de ceux qui ont opté pour une certaine idéologie, ou qui l’ont acceptée sans avoir jamais étudié ses avantages et ses limites. Et comme c’est à chaque individu d’accepter ou de rejeter des idéologies, il s’ensuit que la séparation de l’État et l’Église doit être complétée par la séparation de l’État et de la Science : la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. Une telle séparation est sans doute notre chance d’atteindre l’humanité dont nous sommes capables, mais sans l’avoir jamais pleinement réalisée. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 332


« Lakatos s’inquiète de la pollution intellectuelle. Je partage cette inquiétude. Des livres d’illettrés et d’incompétents inondent le marché ; un verbiage creux, aux termes bizarres et ésotériques prétend exprimer des vues profondes ; des “experts” sans cervelle, sans caractère, et sans le moindre tempérament intellectuel, stylistique et émotionnel nous parlent de nos “condition” et des moyens de l’améliorer ; et ils ne se contentent pas de nous faire des sermons, à nous, qui pourrions les démasquer, mais ils sont lâchés sur nos enfants, et libre de les entraîner dans les bas-fonds de leur propre misère intellectuelle. Ces “maîtres” utilisent les examens de la peur de l’échec pour façonner les cerveaux de nos enfants jusqu’à leur faire perdre tout parcelle d’imagination. C’est une situation désastreuse et difficilement remédiable. Mais je ne vois pas en quoi la méthodologie de Lakatos peut ici nous aider. En ce qui me concerne, je dirai que le premier problème et le plus pressant est de retirer l’éducation des mains des “éducateurs professionnels”. La contrainte des diplômes, des concours, des examens réguliers, doit disparaître, et nous devons aussi séparer l’enseignement de la préparation à un métier particulier. J’admets que dans les affaires, les religions, les professions spéciales telles que la science ou la prostitution, on puisse avoir le droit de demander que les participants et / ou les praticiens se conforment à des normes qu’on juge importantes de façon à pouvoir garantir leur compétence. J’admets aussi que cela implique la nécessité de types spéciaux d’éducation préparant un homme ou une femme aux “examens” correspondants. Les normes enseignés ne doivent pas nécessairement être rationnelles ou raisonnables, quoi que cela veuille dire, même si elles sont habituellement présentées comme telles. Il suffit qu’elles soient acceptées par les groupes auxquels on veut se joindre, que ce soit par exemple la Science, ou les Affaires, ou la Religion une et véritable. Après tout, dans une démocratie, la “raison” a tout autant le droit d’être entendue ou de s’exprimer que la “déraison”, surtout si l’on considère que la “raison” d’un homme est la folie d’un autre. Mais il faut à tout prix éviter ceci : on ne doit pas permettre aux normes particulières définissant des domaines particuliers et des professions particulières de s’insinuer dans l’éducation générale, et de constituer les qualités définissant l’“honnête homme”. Une éducation générale devrait préparer un citoyen à choisir entre les normes, ou à trouver son chemin dans une société dont les groupes fonctionnent selon des normes diverses, mais il ne doit sous aucune condition plier son esprit à se conformer aux normes d’un groupe particulier. On présentera les normes, on les discutera, les enfants seront encouragés à acquérir une compétence dans les sujets les plus importants, mais seulement comme on acquiert une compétence dans un jeu, c’est-à-dire sans engagement sérieux et sans enlever à l’esprit sa capacité de jouer tout aussi bien à d’autres jeux. Ayant été préparé de cette manière, un jeune pourrait décider de consacrer le reste de sa vie à une profession particulière, et désormais commencer à la prendre au sérieux. Cet “engagement” serait alors le résultat d’une décision consciente, basée sur une connaissance assez complète des voies différentes et non sur une conclusion a priori.

Il s’ensuit, naturellement, que nous devons empêcher les scientifiques de prendre en main l’éducation, c’est-à-dire d’enseigner comme “fait” et comme “seule véritable méthode” ce qui, par hasard, se trouve être le mythe du jour. L’accord avec la science, la décision de travailler selon les canons de la science, devrait être le résultat de l’examen et du choix, et non pas d’une manière particulière d’élever les enfants. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 240-241


« Une telle présentation rééquilibrée des faits devrait au total nous convaincre qu’il est plus que temps d’ajouter la séparation de l’État et de la Science à la séparation maintenant tout à fait courante de l’Église et de l’État. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 239


« Les associations libres dans lesquelles chacun agit selon ce qui convient le mieux à ses talents remplacent les institutions pétrifiées d’aujourd’hui ; aucune fonction ne doit être autorisée à se fixer [...]. L’enseignement doit être basé sur la curiosité et non sur l’obéissance, le rôle de l’enseignant est d’accentuer cette curiosité, et non de s’en remettre à des méthodes fixes. La spontanéité doit régner en maîtresse dans la pensée (perception) comme dans l’action. Cela dit, l’une des particularités remarquables de l’anarchisme politique — qui suit le siècle des Lumières — est sa foi en la “raison naturelle”, et son respect pour la science. Ce respect est rarement la démarche opportuniste qui reconnaît un allié et le complimente pour lui faire plaisir. Le plus souvent, il est basé sur la conviction sincère que la science pure et sans mélange donne une image véritable de l’homme et du monde, et produit des armes idéologiques puissantes dans la lutte contre les impostures de l’ordre présent. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 205-206


« La science étant donnée, le rationnel ne peut pas être universel ; et l’irrationnel ne peut pas être exclu. Ce caractère particulier du développement de la science est un argument très fort en faveur d’une épistémologie anarchiste.

Mais la science n’est pas sacro-sainte. Les restrictions qu’elle impose (et de telles restrictions sont nombreuses, bien qu’il ne soit pas facile d’en faire la liste) ne sont pas nécessaire pour avoir sur le monde des vues générales, cohérentes et adéquates. Il y a les mythes, les dogmes de la théologie, la métaphysique, et de nombreux autres moyens de construire une conception du monde. Il est clair qu’un échange fructueux entre la science et de telles conceptions non scientifiques du monde aura encore plus besoin d’anarchisme que la science elle-même. Ainsi l’anarchisme n’est-il pas seulement une possibilité, mais une nécessité, à la fois pour le progrès interne de la science et pour le développement de la culture en général. Et la Raison, pour finir, rejoint tous ces monstres abstraits — l’Obligation, le Devoir, la Moralité, la Vérité —, et leurs prédécesseurs plus concrets — les Dieux — qui ont jadis servi à intimider les hommes et à restreindre un développement heureux et libre ; elle dépérit... »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 196-197


« Ces “déviations”, ces “erreurs”, sont les conditions du progrès. Elles permettent à la connaissance de survivre dans le monde complexe et difficile que nous habitons, elles nous permettent de rester des agents libres et heureux. Sans “chaos”, point de savoir. Sans une destitution fréquente de la raison, pas de progrès. Les idées qui aujourd’hui forment la base même de la science n’existent que parce qu’il y a eu des préjugés, de la vanité, de la passion ; parce que ceux-là se sont opposés à la raison ; et parce qu’on les a laissés agir à leur guise. Nous devons conclure donc que même à l’intérieur de la science, la raison ne peut pas, et ne doit pas, avoir une portée universelle ; qu’elle doit souvent être outrepassée, ou éliminée, en faveur d’autres instances. Il n’y a pas une règle qui reste valide dans toutes les circonstances, et pas une seule instance à laquelle on puisse toujours faire appel. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 196


« On en conclura qu’il est souhaitable de laisser les inclinations aller à l’encontre de la raison dans n’importe quelles circonstances, car la science peut en tirer profit. »

— Paul Feyerabend, Contre la méthode (1975), trad. Baudoin Jurdant et Agnès Schlumberger, éd. Seuil, coll. « Points Sciences », 1988 (ISBN 9782020099950), p. 170