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Citations

« L’empire absolu de Dieu sur les grands événements historiques qu’il opère et qu’il permet est sa prérogative incommunicable : l’histoire est comme le miroir où Dieu regarde extérieurement ses desseins ; quand l’homme affirme que c’est lui qui fait les événements et qui tisse la trame merveilleuse de l’histoire, sa prétention est donc insensée : tout ce qu’il peut faire est de tisser pour lui seul la trame de celles de ses actions qui sont contraires aux divins commandements, et d’aider à tisser la trame de celles qui sont conformes à la volonté divine. De même, la supériorité de l’Église sur les sociétés civiles est conforme à la droite raison, car la raison nous dit que le surnaturel est au-dessus du naturel, le divin au-dessus de l’humain ; et c’est pourquoi toute tentative de l’État pour absorber l’Église, se séparer de l’Église, prévaloir sur l’Église, ou seulement s’égaler à l’Église, est une tentative anarchique provocatrice de conflits et grosse de catastrophes. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre au Cardinal Fornari » (19 juin 1852), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 182-183


« Lorsqu’on nie l’existence de Dieu, on nie tout du gouvernement, et on lui refuse jusqu’au droit d’exister. À ces époques de malédiction surgissent et se propagent avec une épouvantable rapidité les idées anarchiques des écoles socialistes.

Enfin, lorsque l’idée de la Divinité et celle de la création se confondent dans cette affirmation que les choses crées sont Dieu, et que Dieu est l’universalité des choses créées, alors le communisme prévaut dans les régions politiques, comme le panthéisme dans les régions religieuses, et la justice de Dieu met l’homme à la merci d’abjects et abominables tyrans. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre au Cardinal Fornari » (19 juin 1852), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 178


« [...] le grand empire antichrétien sera un empire démagogique colossal, gouverné par un plébéien de grandeur satanique, l’homme de péché. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre au Cardinal Fornari » (19 juin 1852), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 177


« Il me semble évident que le communisme, de son côté, procède des hérésies panthéistes et de celles qui leur sont parentes. Lorsque tout est Dieu et que Dieu est tout, Dieu est surtout démocratie et multitude : les individus, atomes divins et rien de plus, sortent du tout qui les engendre perpétuellement pour rentrer dans le tout qui perpétuellement les absorbe. Dans ce système, ce qui n’est pas le tout n’est pas Dieu, quoique participant de la Divinité, et ce qui n’est pas Dieu n’est rien, parce qu’il n’y a rien hors de Dieu, qui est tout. De là le superbe mépris des communistes pour l’homme et leur négation insolente de la liberté humaine ; de là ces aspirations immenses à la domination universelle par la future démagogie, qui s’étendra sur tous les continents et jusqu’aux dernières limites de la terre ; de là ces projets d’une folie furieuses, qui prétend mêler et confondre toutes les familles, toutes les classes, tous les peuples, toutes les races d’hommes, pour les broyer ensemble dans le grand mortier de la révolution, afin que de ce sombre et sanglant chaos sorte un jour le Dieu unique, vainqueur de tout ce qui est divers ; le Dieu universel, vainqueur de tout ce qui est particulier ; le Dieu éternel, sans commencement ni fin, vainqueur de tout ce qui naît et passe ; le Dieu Démagogie annoncé par les derniers prophètes, astre unique du firmament futur, qui apparaîtra porté par la tempête, couronné d’éclairs et servi par les ouragans. La démagogie est le grand Tout, le vrai Dieu, Dieu armé d’un seul attribut, l’omnipotence, et affranchi de la bonté, de la miséricorde, de l’amour, ces trois grandes faiblesses du Dieu catholique. À ces traits, qui ne reconnaîtrait le Dieu d’orgueil, Lucifer ? »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre au Cardinal Fornari » (19 juin 1852), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 176-177


« Ce que toutes ces erreurs sociales ont de monstrueux tient à la profondeur des erreurs religieuses, où elles ont leur explication et leur origine. Les socialistes ne se contentent pas de reléguer Dieu dans le ciel ; ils vont plus loin, ils font profession publique d’athéisme, ils nient Dieu en tout. La négation de Dieu, source et origine de toute autorité, étant admise, la logique exige la négation absolue de l’autorité même ; la négation de la paternité universelle entraîne la négation de la paternité domestique ; la négation de l’autorité religieuse entraîne la négation de l’autorité politique. Quand l’homme se trouve sans Dieu, aussitôt le sujet se trouve sans roi et le fils sans père. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre au Cardinal Fornari » (19 juin 1852), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 176


« Je crois, au contraire, pour ce qui est du droit : que le droit humain n’existe pas, et qu’il n’y a de droit que divin. En Dieu réside le droit et la concentration de tous les droits ; en l’homme, le devoir et la concentration de tous les devoirs. Ce que l’homme appelle son droit n’est que l’avantage qu’il retire de l’accomplissement par autrui de son devoir, si bien que le mot droit sur ses lèvres est une locution vicieuse. Que, poussant les choses, il transforme son vice d’expression en une théorie, et cette théorie n’en finit plus de déchaîner des tempêtes sur le monde. »

— Juan Donoso Cortés, Lettre adressée au directeur du journal El Heraldo, trad. André Coyné, 15 avril 1852


« En général, les gouvernements qui s’appuient sur les classes moyennes sont plus exposés que les autres à un abandon complet, ces classes sont incapables, par leur organisation intérieure, de tout ce qui ressemble au culte, à l’abnégation et au sacrifice. »

— Juan Donoso Cortés, « Ambassade d’Espagne à Paris. Communication n° 24 » (15 avril 1851), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 221


« Dieu a laissé un champ libre et étendu aux opinions humaines ; il a assigné un vaste empire au libre arbitre de l’homme ; il lui a donné le pouvoir de dominer la terre et les mers, de se révolter contre son Créateur, de faire la guerre au ciel, de conclure des traités et des alliances avec les puissances infernales, d’assourdir le monde du fracas des batailles, d’embraser les sociétés des feux de la discorde, de les épouvanter par les redoutables secousses des révolutions, de fermer son intelligence à la vérité et ses yeux à la lumière, d’accueillir l’erreur et de se plaire dans les ténèbres ; de fonder des empires et de les détruire, d’établir des républiques et de les renverser, de se lasser, et des républiques, et des empires, et des monarchies, de délaisser ce qu’il a voulu, de revenir à ce qu’il a laissé, d’affirmer tout, jusqu’à l’absurde, de nier tout, jusqu’à l’évidence, de dire : Il n’y a pas de Dieu, et : Je suis Dieu ; de se proclamer indépendant de toutes les puissances, et d’adorer l’astre qui l’éclaire, le tyran qui l’opprime, le reptile qui rampe sur la terre, la tempête qui remplit les airs de ses mugissements, la foudre qui le frappe, la nuée qui passe. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 410-411


« Les théories pénale des monarchies absolues, aux jours de leur décadence, ont donné naissance aux théories des écoles libérales, et celles-ci ont poussé les choses au point périlleux où nous les voyons. Derrière ces écoles arrivent les socialistes avec leur théorie des saintes insurrections et des crimes héroïques ; et ce n’est pas encore la fin : dans les horizons lointains commencent à poindre de plus sanglantes aurores. Le nouvel évangile du monde s’écrit peut-être dans un bagne. Le monde n’aura que ce qu’il mérite quand il sera contraint de subir ces nouveaux apôtres et leur évangile.

Ceux qui ont fait croire aux peuples que la terre peut être un paradis leur ont fait croire encore plus facilement que la terre doit être un paradis où le sang ne coulera jamais. Ce n’est pas dans cette illusion qu’est le mal ; mais, au jour et à l’heure où elle serait acceptée de tous, le sang jaillirait même des rochers, et la terre deviendrait un enfer. Dans cette basse et obscure vallée, l’homme ne peut aspirer à une félicité impossible sans perdre le peu de bonheur qui lui était laissé. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 361-362


« Les hommes ne sont pas moins durs les uns pour les autres que la nature ne l’est pour eux tous : partout où vous les trouvez réunis, vous voyez les faibles subir le joug des forts. Une femme distinguée par ses talents, voulant donner une preuve de son génie, se demanda un jour quel pouvait être le plus grand et le plus étrange de tous les paradoxes. Elle n’en trouva pas de plus grand et de plus étrange que d’affirmer du ton le plus convaincu que l’esclavage est chose moderne, et la liberté chose antique. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 317


« Croire à l’égalité de tous les hommes, lorsque je les vois tous inégaux ; croire à la liberté, lorsque je trouve la servitude établie partout ; croire que tous les hommes sont frères, lorsque l’histoire me les montre toujours divisés, toujours ennemis ; croire qu’il y a une masse commune de gloires et d’infortunes pour tous les mortels, lorsque je ne puis découvrir que des infortunes et des gloires individuelles ; croire que j’existe pour l’humanité, lorsque j’ai la conscience que je rapporte l’humanité à moi-même ; croire que cette même humanité est mon centre, quand je me fais le centre de tout ; enfin croire que je dois croire toutes ces choses, lorsque ceux qui me les proposent comme objet de ma foi affirment que je ne dois croire qu’à ma raison qui les rejette toutes, quelle inconcevable aberration ! quelle étrange folie !

Ma stupéfaction augmente encore quand j’entends ces mêmes hommes qui affirment la solidarité humaine, nier celle de la famille : n’est-ce pas affirmer que les ennemis sont frères et que les frères ne doivent pas l’être ? quand ces mêmes hommes qui affirment la solidarité humaine nient la solidarité politique : n’est-ce pas affirmer que je n’ai rien de commun avec mes concitoyens et que tout m’est commun avec les étrangers ? quand ces mêmes hommes, qui affirment la solidarité humaine, nient la solidarité religieuse : n’est-ce pas affirmer l’effet et nier la cause ? sans la solidarité religieuse, la solidarité humaine est-elle explicable ? Je vois donc clairement que les écoles socialistes sont à la fois illogiques et absurdes [...]. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 314-315


« Le mal, qui, selon votre doctrine, a son principe dans la société, est une essence ou un accident ; si c’est une essence, il ne suffit pas, pour le détruire, de bouleverser les institutions sociales, il faut en outre détruire la société même, puisqu’elle est l’essence qui le produit sous toutes ses formes ; si, au contraire, ce n’est qu’un accident, vous êtes obligés de faire ce que vous n’avez jamais fait, ce que vous ne faites pas, ce que vous ne pouvez faire : vous êtes obligé d’abord de m’expliquer en quel temps, par quelle cause, de quelle manière et en quelle forme est survenu cet accident, et ensuite par quelle série de déductions vous parvenez à faire de l’homme le rédempteur de la société, en lui donnant le pouvoir de la guérir de ses souillures, de laver ses péchés. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 253-254


« Dans l’hypothèse de la bonté innée et absolue de l’homme, l’homme, réformateur universel, est lui-même irréformable ; d’homme il devient Dieu ; son essence cesse d’être humaine pour être divine. Il est en soi absolument bon, et il produit hors de lui, par ses bouleversements, le bien absolu. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 248


« Le libéralisme, et c’est là son erreur fondamentale n’attache d’importance qu’aux questions de gouvernement ; or, comparées aux questions sociales et religieuses, elles n’en ont véritablement aucune. Et voilà pourquoi le libéralisme est toujours et partout si complètement éclipsé dès qu’apparaissent sur la scène les catholiques et les socialistes, posant au monde leurs redoutables problèmes et le sommant de choisir entre leurs solutions contradictoires. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 226-227


« Les écoles socialistes, abstraction faite des foules grossières qui les suivent, [...] l’emportent de beaucoup sur l’école libérale, précisément parce qu’elles vont droit à tous les grands problèmes et à toutes les grandes questions, et parce qu’elles proposent toujours une solution péremptoire et décisive. Le socialiste n’est fort que parce qu’il est une théologie ; il n’est destructeur que parce qu’il est une théologie satanique. Étant donné, d’une part, ce que les écoles socialistes ont de théologique de l’autre ce que l’école libérale a d’antithéologique et de sceptique, dans la lutte entre le socialisme et le libéralisme, le socialisme doit triompher ; mais ce qu’il de satanique le fera succomber devant l’école catholique, qui est à la fois théologique et divine. Sur ce point, du reste, l’instinct socialiste paraît s’accorder avec nos affirmations, car c’est pour le catholicisme qu’il réserve ses haines ; pour le libéralisme, il n’a que du dédain. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 223-224


« Quant à l’école libérale, je dirai seulement que, dans sa superbe ignorance, elle méprise la théologie. Ce n’est pas qu’elle ne soit théologienne à sa manière mais elle l’est sans le savoir. Cette école n’est pas encore arrivée à comprendre, et probablement elle ne comprendra jamais quel lien étroit unit entre elles les choses divines et les choses humaines, quelle est l’affinité des questions politiques avec les questions sociales, et des unes et des autres avec les questions religieuses, et comment tous les problèmes relatifs au gouvernement des nations dépendent de ces autres problèmes qui se rapportent à Dieu, législateur suprême de toutes les associations humaines. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 215


« Elle nous font voir pourquoi, lorsque Pilate lui donna le choix entre Barrabas et Jésus, le peuple juif livra Jésus aux bourreaux et délivra Barrabas ; pourquoi, ayant à choisir aujourd’hui entre la théologie catholique et la théologie socialiste, le monde prend la théologie socialiste et rejette la théologie catholique ; pourquoi les discussions humaines vont aboutir à la négation de l’évidence et à la proclamation de l’absurde. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 101


« Prenez donc une autre voie ; annoncez que vous avez un argument qui renverse telle ou telle vérité mathématique, par lequel vous allez démontrer, par exemple, que deux et deux ne font pas quatre, mais cinq : que Dieu n’existe pas, ou que l’homme est Dieu ; que le monde jusqu’à cette heure a vécu sous l’empire des plus honteuses superstitions ; que la sagesse des siècles n’est que pure ignorance ; que toute révélation est une imposture ; que tout gouvernement est une tyrannie et toute obéissance une servitude ; que le beau est le laid ; que le laid est le beau suprême ; que le mal est le bien et le bien le mal ; que le diable est Dieu et que Dieu est le diable ; qu’après cette vie il n’y a ni ciel ni enfer ; que le monde que nous habitons a été jusqu’à nos jours et est encore un enfer véritable, mais que l’homme peut en faire et en fera bientôt un vrai paradis ; que la liberté, l’égalité et la fraternité, sont des dogmes incompatibles avec la superstition chrétienne ; que le vol est un droit imprescriptible, et que la propriété est un vol ; qu’il n’y a d’ordre que dans l’an-archie, et que la véritable anarchie c’est l’ordre, etc. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 96-97


« Toute parole qui sort des lèvres de l’homme, et la parole même qui maudit ou qui nie Dieu est une affirmation de la Divinité. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 38


« [...] c’est pourquoi, lorsqu’une société, abandonnant le culte austère de la vérité, se livre à l’idolâtrie de l’esprit, il n’y a plus d’espérance ; à l’ère des discussions succède l’ère des révolutions ; derrière les sophistes apparaissent les bourreaux. »

— Juan Donoso Cortés, Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851), trad. Anonyme, éd. Dominique Martin Morin, 1986 (ISBN 9782856520864), p. 36-37


« Je ne sais, Messieurs, si je serai seul ; cela est possible ; mais, seul, absolument seul, ma conscience me dit que je suis très fort, non par ce que je suis, mais par ce que je représente. Je ne représente pas seulement les deux ou trois cents électeurs de mon district ; qu’est un district ? [...] Je ne représente pas seulement la nation ; qu’est-ce que la nation espagnole, ou toute autre, considérée dans une seule génération ou dans un seul jour d’élections générales ? Rien. Je représente quelque chose de plus grand, de beaucoup plus grand ; je représente la tradition par laquelle les nations sont ce qu’elles sont dans toute la durée des siècles. Si ma voix a quelque autorité, ce n’est pas, Messieurs, parce qu’elle est mienne, c’est parce qu’elle est la voix de vos pères. Vos votes me sont indifférents ; je ne me suis pas proposé de m’adresser à vos volontés, qui votent, mais à vos consciences, qui jugent ; je ne me suis pas proposé d’incliner vos volontés vers moi, mais d’obliger vos consciences à ne pas me refuser leur estime. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Espagne » (30 décembre 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 161-162


« C’est en vain que les philosophes s’épuisent en théories, c’est en vain que les socialistes s’agitent ; sans l’aumône, sans la charité, il n’y a pas, il ne peut y avoir de distribution équitable de la richesse. Dieu seul pouvait résoudre ce problème, qui est le problème de l’humanité et de l’histoire. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Espagne » (30 décembre 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 155


« Je ne sais, Messieurs, si votre attention a été frappée comme la mienne de la ressemblance, de la presque identité que l’on trouve entre les deux personnes au premier abord le plus distinctes et le plus contraires, de la ressemblance entre le prêtre et le soldat ? Ni le prêtre ni le soldat ne vit pour soi ; ni l’un ni l’autre ne vit pour sa famille ; pour l’un et pour l’autre la gloire est dans l’abnégation, dans le sacrifice. La charge du soldat est de veiller à l’indépendance de la société civile. La charge du prêtre est de veiller à l’indépendance de la société religieuse. Le devoir du prêtre est de mourir, de donner sa vie, comme le bon Pasteur, pour ses brebis. Le devoir du soldat est de donner, comme un bon frère, sa vie pour ses frères. Si vous considérez tout ce qu’a de laborieux et de pénible la vie sacerdotale, le sacerdoce vous paraîtra, et il l’est en effet, une véritable milice. Si vous considérez la sainteté du ministère du soldat, la milice vous paraîtra comme un véritable sacerdoce. Que deviendraient l’Europe, le monde, la civilisation, s’il n’y avait ni prêtres ni soldats ? »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 133-134


« Ce n’est pas mon opinion, cependant, que l’Europe n’ait rien à redouter de la Russie ; je crois tout le contraire ; mais, pour que la Russie accepte une guerre générale, pour que la Russie s’empare de l’Europe, il faut auparavant les trois événements que je vais dire, lesquels sont, remarquez-le, Messieurs, non seulement possibles, mais encore probables.

Il faut d’abord que la révolution, après avoir dissous la société, dissolve les armées permanentes. En second lieu, que le socialisme, en dépouillant les propriétaires, éteigne le patriotisme, parce qu’un propriétaire dépouillé n’est pas et ne peut pas être patriote (dès que la question est poussée jusqu’à ce terme, jusqu’à cette angoisse, tout patriotisme meurt au cœur de l’homme). En troisième lieu, il faut que se réalise la confédération puissante de tous les peuples slaves sous l’influence et le protectorat de la Russie. Les nations slaves comptent, Messieurs, quatre-vingts millions d’habitants. Eh bien, lorsque la révolution aura détruit en Europe les armées permanentes ; lorsque les révolutions socialistes auront éteint le patriotisme en Europe ; lorsque, à l’orient de l’Europe, se sera accomplie la grande fédération des peuples slaves ; lorsque dans l’Occident il n’y aura plus que deux armées, celle des spoliés et celle des spoliateurs, alors l’heure de la Russie sonnera ; alors la Russie pourra se promener tranquillement, l’arme au bras, en Europe : alors le monde assistera au plus grand châtiment qu’ait enregistré l’histoire. [...]

De plus, Messieurs, la Russie, placée au milieu de l’Europe conquise et prosternée à ses pieds, absorbera par toutes ses veines le poison que l’Europe a bu et qui la tue ; puis elle ne tardera guère à tomber, elle aussi, en putréfaction. J’ignore, Messieurs, le remède universel que Dieu tiendra prêt pour cette universelle pourriture. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 129-130


« Entrons maintenant, Messieurs, dans la période que j’ai appelée négative, révolutionnaire. Dans cette période, trois négations correspondent aux trois affirmations précédentes. Première négation, ou bien, comme je l’appellerai, négation du premier degré dans l’ordre religieux : Dieux existe, Dieu règne, mais il est trop élevé pour gouverner les choses humaines. Voilà la première négation, la négation du premier degré dans cette période négative de la civilisation. Et dans l’ordre politique, quelle est la négation qui correspond à cette négation de la Providence ? Dans l’ordre politique, le parti progressiste, qui répond au déiste niant la Providence, se présente et dit : Le roi existe, le roi règne, mais le roi ne gouverne pas. Ainsi la monarchie constitutionnelle progressiste appartient à la civilisation négative du premier degré.

Seconde négation : Le déiste nie la Providence ; les partisans de la monarchie constitutionnelle, comme l’entendent les progressistes, nient le gouvernement ; alors, dans l’ordre religieux, le panthéiste s’avance et dit : Dieux existe, mais Dieu n’a pas d’existence personnelle, Dieu n’est pas une personne, et, n’étant pas une personne, il ne règne ni ne gouverne ; Dieu est tout ce que nous voyons, tout ce qui vit, tout ce qui se meut : Dieu, c’est l’humanité. Voilà ce qui dit le panthéiste ; de sorte que le panthéiste, bien qu’il ne nie pas l’existence absolue, nie l’existence personnelle, nie le règne de Dieu et la Providence.

Le républicain vient alors et dit : Le pouvoir existe, mais le pouvoir n’est pas une personne ; et, n’étant pas une personne, il ne règne ni ne gouverne ; le pouvoir est tout ce qui vit, tout ce qui existe, tout ce qui se meut ; dès lors c’est la multitude, dès lors il n’y a plus d’autre moyen de gouvernement que le suffrage universel, ni d’autre gouvernement que la république.

Ainsi le panthéisme, dans l’ordre religieux, correspond au républicanisme dans l’ordre politique. Une autre négation se présente qui est la dernière : en fait de négations il n’y a plus rien au-delà. Après le déiste, après le panthéiste, l’athée s’avance et dit : Dieu ne règne ni ne gouverne ; Dieux n’est ni une personne ni la multitude : Dieu n’existe pas. Et alors, Messieurs, paraît Proudhon, disant : Il n’y a pas de gouvernement. Ainsi, une négation appelle une négation, comme un abîme appelle un abîme. Au-delà de cette négation, qui est l’abîme, il n’y a rien, rien que ténèbres, et ténèbres palpables. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 126-127


« Tous ceux qui ont voyagé en France s’accordent à dire qu’aucun Français n’est républicain. Je puis témoigner aussi de cette vérité, car j’ai visité la France. Mais, demande-t-on, s’il n’y a pas de républicains en France, comment la République subsiste-t-elle ? Personne n’en donne la raison ; je la donnerai. La République subsiste en France, et je dis plus, la République subsistera en France parce qu’elle est la forme nécessaire du gouvernement chez les peuples qui sont ingouvernables. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 124


« Messieurs, les réformes économiques ne sont pas un remède suffisant à ce mal ; la chute d’un gouvernement et son remplacement par un autre gouvernement ne sont pas non plus un remède. L’erreur fondamentale en cette matière est de croire que les maux que souffre l’Europe viennent des gouvernements. Je ne nierai pas l’influence du gouvernement sur les gouvernés ; comment la nierais-je ? qui l’a jamais niée ? Mais le mal est beaucoup plus profond, beaucoup plus grave. Le mal n’est pas dans les gouvernements, le mal est dans les gouvernés : le mal vient de ce que les gouvernés sont devenus ingouvernables.

La vraie cause de ce mal grave et profond, c’est que l’idée de l’autorité divine et de l’autorité humaine a disparu. Voilà le mal qui travaille l’Europe, la société, le monde ; et voilà pourquoi, Messieurs, les peuples sont ingouvernables. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 123


« Nul homme, entre ceux qui sont arrivés à l’immortalité, n’a basé sa gloire sur la vérité économique ; tous ont fondé les nations sur la base de la vérité sociale, sur la base de la vérité religieuse. Cela ne veut pas dire, car je prévois les objections et je vais au-devant d’elles, cela ne veut pas dire qu’à mon avis les gouvernements doivent négliger les questions économiques, que les peuples doivent être mal administrés ; je ne suis pas assez dépourvu de raison et de cœur pour me laisser aller à une semblable extravagance. Je ne dis pas cela, mais je dis que chaque question doit être mise à son rang, et que le rang de ces questions est le troisième ou le quatrième, et non le premier : voilà ce que je dis.

Traiter ici ces questions, c’est, a-t-on prétendu, le moyen de vaincre le socialisme. Ah ! Messieurs, le moyen de vaincre le socialisme ! Qu’est-ce donc que le socialisme, si ce n’est une secte économique ? Le socialisme est le fils de l’économie politique, comme le vipereau est fils de la vipère, lequel, à peine né, dévore celle qui vient de lui donner la vie. Entrez dans ces questions économiques, mettez-les au premier rang, et je vous annonce qu’avant deux années vous aurez toutes les questions socialistes dans le parlement et dans la rue. On veut combattre le socialisme ? Le socialisme ne se combat pas, et cette opinion, dont les esprits forts auraient ri il y a quelque temps, ne fait plus rire en Europe ni dans le monde. Si l’on veut combattre le socialisme, il faut recourir à cette religion qui enseigne la charité aux riches, aux pauvres la patience ; qui enseigne aux pauvre à être résignés, et aux riches à être miséricordieux. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 120


« Mes tristes prévisions s’appliquaient à l’Europe en général ; aujourd’hui, par malheur, elles concernent aussi la nation espagnole. Je crois, Messieurs, je crois avec la conviction la plus profonde que nous entrons dans une période d’angoisses ; tous les symptômes l’annoncent à la fois : l’aveuglement des intelligences, l’animosité des esprits, les discussions sans objet, les luttes sans motif ; mais par-dessus tout, — j’étonnerai sans doute beaucoup l’Assemblée, — la fureur des réformes économiques. Quand cette fureur qui vous agite tous emporte les esprits, comme elle le fait à cette heure, on peut y voir le présage assuré de grandes catastrophes et de grandes ruines. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la situation de l’Europe » (30 janvier 1850), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 115-116


« Pour moi, l’idéal de la vie, c’est la vie monastique. Je crois que ceux qui prient font plus pour le monde que ceux qui combattent ; et que, si le monde va de mal en pis, c’est qu’il y a plus de batailles que de prières. »

— Juan Donoso Cortés cité par Arnaud Imatz, « Lettre à Monsieur Albéric de Blanche, marquis de Raffin » (21 juillet 1849), dans Théologie de l'histoire et crise de civilisation, trad. Arnaud Imatz, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, Introduction, p. 83


« Les sociétés modernes ont conféré à tous le pouvoir d’être journalistes, et aux journalistes la charge redoutable d’enseigner les nations, c’est-à-dire la charge même que Jésus-Christ confia à ses apôtres. Je ne veux pas, en ce moment, porter un jugement sur cette institution, je me borne à vous en faire remarquer la grandeur : votre profession est à la fois une sorte de sacerdoce civil et une milice. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre ouverte aux rédacteurs d’El País et d’El Heraldo » (16 juillet 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 212


« Si par raison on entend la faculté que Dieu a donnée à l’homme de recevoir et de comprendre ce qu’il lui révèle et de tirer ce qui lui est révélé des conséquences avantageuses pour la vie et pour la société, je respecte et vénère la raison humaine, comme un des chefs-d’œuvre de Dieu. Si par raison on entend la faculté d’inventer la vérité ou celle de découvrir, sans le secours de la révélation divine, les vérités fondamentales, mères de toutes les autres, alors non seulement je ne l’honore pas, je ne la révère pas, mais je la nie résolument. Ses adorateurs adorent une ombre, moins qu’une ombre réelle, une ombre vue en rêve. Entre les idées fondamentales de toutes les sciences et la raison il y a le même rapport qu’entre les objets extérieurs et la pupille de l’œil ; leur relation n’est pas une relation de causalité, mais une relation de coexistence. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre ouverte aux rédacteurs des journaux El País et El Heraldo » (16 juillet 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 209


« Voilà toute ma doctrine : le triomphe naturel du mal sur le bien, et le triomphe surnaturel de Dieu sur le mal. Là se trouve la condamnation de tous les systèmes de progrès au moyen desquels les modernes philosophes, trompeurs de profession, endorment les peuples, ces enfants qui ne sortent jamais de l’enfance. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre ouverte aux rédacteurs des journaux El País et El Heraldo » (16 juillet 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 206


« J’ai vu deux édifices gigantesques, deux tours babyloniennes, deux civilisations splendides, élevées au plus haut point par la sagesse humaine ; la première est tombée au son des trompettes apostoliques, et la seconde va s’écrouler au son des trompettes socialistes. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre ouverte aux rédacteurs des journaux El País et El Heraldo » (16 juillet 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 178


« Les révolutions sont les fanaux de la Providence et de l’histoire. »

— Juan Donoso Cortés, Lettre à Charles de Montalembert, 26 mai 1849


« [...] de ces deux civilisations, laquelle remportera la victoire dans le cours des temps ? Je réponds, sans que ma plume hésite, sans que mon cœur tremble, sans que ma raison se trouble : la victoire appartiendra incontestablement à la civilisation philosophique. L’homme a voulu être libre ? Il le sera. Il abhorre les liens ? Ils tomberont tous en poussière à ses pieds. Un jour, pour essayer sa liberté, il a voulu tuer son Dieu. Ne l’a-t-il pas fait ? Ne l’a-t-il pas crucifié entre deux voleurs ? Des légions d’anges sont-elles descendues du ciel pour défendre le juste mourant sur la terre ? Eh bien, pourquoi descendraient-elles aujourd’hui qu’il s’agit, non pas du crucifiement de Dieu, mais du crucifiement de l’homme par l’homme ? Pourquoi descendraient-elles aujourd’hui quand notre conscience nous crie si haut que, dans cette grande tragédie, personne ne mérite leur intervention, ni ceux qui doivent être les victimes, ni ceux qui doivent être les bourreaux ? [...]

Quant à moi, je tiens pour prouvé et évident qu’ici-bas le mal finit toujours par triompher du bien ; et que le triomphe sur le mal est réservé, si l’on peut s’exprimer ainsi, à Dieu personnellement. [...]

Et qu’on ne me dise pas que, si la défaite est certaine, la lutte est inutile. En premier lieu, la lutte peut atténuer, adoucir la catastrophe, et, en second lieu, pour nous qui nous faisons gloire d’être catholiques, la lutte est l’accomplissement d’un devoir, et non le résultat d’un calcul. »

— Juan Donoso Cortés, Lettre à Charles de Montalembert, 26 mai 1849


« Il s’agit de choisir entre la dictature qui vient d’en bas et la dictature qui vient d’en haut : je choisis celle qui vient d’en haut, parce qu’elle vient de régions plus pures et plus sereines. Il s’agit de choisir, enfin, entre la dictature du poignard et la dictature du sabre : je choisis la dictature du sabre, parce qu’elle est plus noble. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 113


« Les voies sont préparées pour un tyran gigantesque, colossal, universel ; tout est préparé pour cela. Remarquez-le bien, il n’y a déjà plus de résistance ni morales ni matérielles. Il n’y a plus de résistances matérielles : les bateaux à vapeur et les chemins de fer ont supprimé les frontières, et le télégraphe électrique a supprimé les distances. Il n’y a plus de résistances morales : tous les esprits sont divisés, tous les patriotismes sont morts. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 109


« J’ai vu, j’ai connu beaucoup d’hommes qui, après s’être éloignés de la foi, y sont revenus ; malheureusement je n’ai jamais vu de peuple qui soit revenu à la foi après l’avoir perdue. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 109


« Le monde marche à grands pas à la constitution d’un despotisme, le plus gigantesque et le plus destructeur que les hommes aient jamais vu. [...]

Il n’y a, Messieurs, que deux répressions possibles : l’une intérieure, l’autre extérieure ; la répression religieuse et la répression politique. Elles sont de telle nature, que, lorsque le thermomètre religieux s’élève, le thermomètre de la répression baisse, et que, réciproquement, lorsque le thermomètre religieux baisse, le thermomètre politique, la répression politique, la tyrannie, monte. C’est une loi de l’humanité, une loi de l’histoire. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 105-106


« C’est un fait historique, un fait connu, un fait incontestable, que la mission providentielle de la France est d’être l’instrument de la Providence pour la propagation des idées nouvelles, soit politiques, soit religieuses et sociales. Dans les temps modernes, trois grandes idées ont envahi l’Europe : l’idée catholique, l’idée philosophique, l’idée révolutionnaire. Or, dans ces trois périodes, toujours la France s’est faite homme pour propager ces idées. Charlemagne a été la France faite homme pour propager l’idée catholique ; Voltaire a été la France faite homme pour propager l’idée philosophique ; Napoléon a été la France faite homme pour propager l’idée révolutionnaire. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 102


« Les révolutions sont la maladie des peuples riches, des peuples libres. [...]

Non, Messieurs, le germe des révolutions n’est pas dans l’esclavage, n’est pas dans la misère ; le germe des révolutions est dans les désirs de la multitude surexcitée par les tribuns qui l’exploitent à leur profit. Vous serez comme les riches, telle est la formule des révolutions socialistes contre les classes moyennes. Vous serez comme les nobles, telle est la formule des révolutions des classes moyennes contre les classes nobiliaires. Vous serez comme les rois, telle est la formule des révolutions des classes aristocratiques contre les rois. Enfin, Messieurs : Vous serez comme des dieux, telle est la formule de la première révolte du premier homme contre Dieu. Depuis Adam, le premier rebelle, jusqu’à Proudhon, le dernier impie, telle est la formule de toutes les révolutions. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 100-101


« Quand la légalité suffit pour sauver la société, la légalité ; quand elle ne suffit pas, la dictature. »

— Juan Donoso Cortés, « Discours sur la dictature » (4 janvier 1849), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 95


« Je n’ignore pas que la génération actuelle, nourrie au sein de la révolution, affirme tout ce que je nie et nie tout ce que j’affirme. Je sais qu’elle admet et proclame comme une chose hors de doute le principe de la perfectibilité indéfinie de la société et de l’homme, quand je tiens pour vérifié que l’humanité est identique à elle-même dans toute la continuité des temps [...]. Je sais même davantage ; je sais que les idées que je me propose de combattre comme fausses, dangereuses, ou absurdes, ont le vent en poupe et triomphent de tous les obstacles. »

— Juan Donoso Cortés cité par Arnaud Imatz, « Histoire de la Régence de Marie-Christine » (1843), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Arnaud Imatz, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, Introduction, p. 29


« Quand un peuple montre cette horreur civilisatrice pour le sang, il reçoit aussitôt le châtiment de sa faute : Dieu change son sexe ; il le dépouille du signe public de la virilité, il le change en peuple femme et lui envoie des conquérants pour lui ravir l’honneur. »

— Juan Donoso Cortés, « Lettre adressée au journal El Heraldo » (10 septembre 1842), dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 226


« Le monde rêve d’une unité gigantesque que Dieu ne veut pas et qu’il ne permettra pas, parce qu’elle serait le temple de l’orgueil.

C’est là, en toutes choses, le péché du siècle. La folie de l’unité s’est emparée de tous en tout : unité de codes, unité de modes, unité de civilisation, unité d’administration, unité de commerce, unité d’industrie, unité de littérature, unité de langue.

Cette unité est réprouvée, elle ne sera que l’unité de la confusion. Le fils se hâte de quitter le foyer paternel pour se lancer dans la société, qui est l’unité supérieure de la famille. Le paysan abandonne son village et s’en va à la ville, pour échanger l’unité municipale contre l’unité nationale. Tous les peuples passent leurs frontières et se mêlent les uns aux autres. C’est la Babel de la Bible. »

— Juan Donoso Cortés, « Pensées », dans Théologie de l’histoire et crise de civilisation, trad. Anonyme, éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 236
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Citations sur Juan Donoso Cortés

« [...] la théologie est la science qui conditionne toutes les autres sciences humaines ; les erreurs des idéologies modernes ont toutes pour origine les deux mêmes principes : le déisme et le naturalisme qui s’opposent aux dogmes chrétiens que sont la providence de Dieu et le péché originel. »

— Résumé du thème centrale de la lettre du 19 juin 1852 de Juan Donoso Cortés au Cardinal Fornari

— Arnaud Imatz, Préface à « Théologie de l’histoire et crise de civilisation », éd. Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2013, p. 165


Bibliographie

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