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Citations

« L’époque et le monde, l’argent et le pouvoir, appartiennent aux êtres médiocres et fades. Quant aux autres, aux êtres véritables, ils ne possèdent rien, si ce n’est la liberté de mourir. Il en fut ainsi de tout temps et il en sera ainsi pour toujours. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 223


« Tu as raison, Loup des steppes, mille fois raison, et pourtant, tu dois disparaître. Tu es bien trop exigeant et affamé pour ce monde simple et indolent, qui se satisfait de si peu. Il t’exècre ; tu as pour lui une dimension de trop. Celui qui désire vivre aujourd’hui en se sentant pleinement heureux n’a pas le droit d’être comme toi ou moi. Celui qui réclame de la musique et non des mélodies de pacotille ; de la joie et non des plaisirs passagers ; de l’âme et non de l’argent ; un travail véritable et non une agitation perpétuelle ; des passions véritables et non des passe-temps amusants, n’est pas chez lui dans ce monde ravissant... »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 221


« La “bourgeoisie”, en tant que mode d’être constant d’une partie de l’humanité, n’est rien d’autre qu’une tentative de trouver une stabilité, une aspiration à atteindre un point d’équilibre entre les attitudes extrêmes et les oppositions innombrables qui caractérisent le comportement des hommes. Choisissons n’importe laquelle de ces oppositions ; par exemple, l’opposition entre le saint et le débauché ; cela rendra immédiatement intelligible l’image que nous venons d’employer. L’homme a la possibilité de se consacrer entièrement au spirituel, à une tentative de rapprochement avec le divin, à l’idéal du saint. À l’inverse, il peut aussi s’abandonner pleinement à ses instincts, aux exigences de ses sens et tendre tout entier vers la satisfaction de plaisirs immédiats. La première voie mène à la sainteté, au martyre de l’esprit, au renoncement à soi qui permet d’accéder à Dieu. L’autre voie conduit à la débauche, au martyre des sens, au renoncement à soi qui débouché sur la mort et la décomposition. Le bourgeois tente, pour sa part, de trouver une voie moyenne, modérée, entre ces deux possibilités. Jamais il ne renoncera à lui-même, il ne s’abandonnera à l’ivresse ou à l’ascèse ; jamais il ne sera un martyr ; jamais il ne consentira à son anéantissement. Bien au contraire. Son idéal n’est en effet aucunement le sacrifice, mais la préservation de sa personne. Il n’aspire ni à la sainteté ni à son opposé, et ne supporte pas l’absolu. Certes, il désire être au service de Dieu, mais aussi de ce qui est source de plaisir. Il veut bien être vertueux, mais aussi passer un peu de bon temps sur cette terre. En résumé, il essaie de trouver sa place entre les extrêmes, dans une zone médiane, tempérée et saine où n’éclatent ni tempêtes ni orages violents. Et il y parvient, même s’il renonce pour cela à l’intensité existentielle et affective que procure une vie axée sur l’absolu et l’extrême. On ne peut vivre intensément qu’aux dépens de soi-même. Or, pour le bourgeois, rien n’est plus précieux que le moi (un moi dont le degré de développement est en vérité rudimentaire). Ainsi assure-t-il sa préservation et sa sécurité au détriment de la ferveur. Il rejette la passion du divin au profit d’une parfaite tranquillité morale ; rejette le désir au profit d’un sentiment de bien-être ; la liberté au profit du confort ; une ardeur fatale au profit d’une température agréable. Le bourgeois apparaît ainsi par sa nature même comme un être sans grande vitalité, angoissé, craignant toute forme de renoncement à soi et facile à gouverner. Voilà pourquoi il a substitué le principe de majorité à celui du pouvoir concentré, la loi à la force, le vote à la responsabilité individuelle. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 80-82


« [...] je suis incapable de comprendre quels plaisirs et quelles joies les hommes recherchent dans les trains et les hôtels bondés, dans les cafés combles où résonne une musique oppressante et tapageuse, dans les bars et les music-halls des villes déployant un luxe élégant, dans les expositions universelles, dans les grandes avenues, dans les conférences destinées aux assoiffée de culture, dans les grands stades. Non, je ne suis pas capable de comprendre et de partager toutes ces joies qui sont à ma portée et auxquelles des milliers de gens s’efforcent d’accéder en se bousculant les uns les autres. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 49


« Hélas, il est bien difficile de trouver cette trace divine au sein de l’existence que nous menons ; au sein de notre époque tellement satisfaite, tellement bourgeoise, tellement décérébrée ; face à ces architectures, à ces magasins, à ce monde politique, à ces individus ! Comment ne pas devenir un loup des steppes et un ermite sans manières dans un monde dont je ne partage aucune des aspirations, dont je ne comprends aucun des enthousiasmes ? »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 48


« Je sens brûler en moi un désir sauvage d’éprouver des sentiments intenses, des sensations ; une rase contre cette existence en demi-teinte, plate, uniforme et stérile ; une envie furieuse de détruire quelque chose, un grand magasin, par exemple, une cathédrale, ou moi-même ; une envie de commettre des actes absurdes et téméraires, d’arracher leur perruque à quelques idoles vénérées [...] ou de tordre le cou à quelques représentants de l’ordre bourgeois. Car rien ne m’inspire un sentiment plus vif de haine, d’horreur et d’exécration que ce contentement, cette bonne santé, ce bien-être, cet optimisme irréprochable du bourgeois, cette volonté de faire prospérer généreusement le médiocre, le normal, le passable. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 44


« Un loup des steppes égaré chez nous, dans les villes où les gens mènent une existence de troupeau ; aucune autre image ne pouvait représenter de façon plus pertinente l’homme, son isolement farouche, son caractère sauvage, son anxiété, sa nostalgie d’une patrie perdue. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 32


« “La plupart des hommes ne veulent pas nager avant d’avoir appris à le faire.” Spirituel, n’est-ce pas ? Naturellement, ils refusent de nager ! Ils sont nés pour évoluer sur la terre ferme, non dans l’eau. Et naturellement, ils refusent aussi de penser ; ils ont été créés pour vivre, par pour penser ! En effet, celui qui réfléchit, celui qui confère à la pensée une importance primordiale, peut certes aller très loin dans son domaine, mais il quitte alors la terre ferme pour rejoindre l’eau et se noiera un jour. »

— Hermann Hesse, Le Loup des steppes (1927), trad. Alexandra Cade, éd. Le Livre de Poche, 2021 (ISBN 9782253002932), p. 30-31
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Bibliographie

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