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Citations

« En même temps, le sexe joue dans le maintien de la mécanicité de la vie un rôle énorme. Tout ce que font les gens est en liaison avec le sexe : la politique, la religion, l’art, le théâtre, la musique, tout est “sexe”. Croyez-vous que les gens vont à l’église pour prier, ou au théâtre pour voir quelque pièce nouvelle ? Non, ce ne sont là que des prétextes. Le principal, au théâtre aussi bien qu’à l’église, c’est que l’on y peut trouver des femmes ou des hommes. Voilà le centre de gravité de toutes les réunions. Qu’est-ce qui amène les gens dans les cafés, les restaurants, les fêtes de toutes sortes ? Une seule chose : le Sexe. Voilà la principale source d’énergie de toute la mécanicité. Tous les sommeils, toutes les hypnoses en découlent. »

— Georges Gurdjieff cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 359


« “S’éveiller”, “mourir”, “naître”. Ce sont trois stades successifs. Si vous étudiez les Évangiles avec attention, vous verrez qu’il y est souvent question de la possibilité de “naître”, mais les textes ne parlent pas moins de la nécessité de “mourir”, et ils parlent aussi très souvent de la nécessité de “s’éveiller” : “Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure...” Mais ces trois possibilités : s’éveiller (ou ne pas dormir), mourir, et naître, ne sont pas mises en rapport l’une avec l’autre. Là est cependant toute la question. Si un homme meurt sans s’être éveillé, il ne peut pas naître. Si un homme naît sans être mort, il peut devenir une “chose immortelle”. Ainsi, le fait de ne pas être “mort” empêche un homme de “naître” ; et le fait de ne pas s’être éveillé l’empêche de “mourir” ; et serait-il né avant d’être “mort”, ce fait l’empêcherait d’“être”. »

— Georges Gurdjieff cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 308


« L’homme est une organisation complexe. Il est formé de quatre parties qui peuvent être reliées, non reliées ou mal reliées. La voiture est reliée au cheval par les brancards, le cheval au cocher par les rênes, et le cocher à son maître par la voix de son maître. Mais le cocher doit entendre et comprendre la voix du maître, il doit savoir comment on conduit ; et le cheval doit être dressé à obéir aux rênes.

Quant à la relation du cheval avec la voiture, il doit être correctement attelé. Ainsi, entre les quatre parties de cette complexe organisation, existent trois relations, trois liaisons. Si une seule d’entre elles présente quelque défaut, l’ensemble ne peut pas se comporter comme un tout. Les liaisons ne sont donc pas moins importantes que les “corps”. Travaillant sur lui-même, l’homme travaille simultanément sur les “corps” et sur les “liaisons”. Mais il s’agit là de deux sortes de travail.

Le travail sur soi doit commencer par le cocher. Le cocher est l’intellect. Afin de pouvoir entendre la voix du maître, le cocher, avant tout, ne doit pas être endormi — il doit se réveiller. Ensuite, il peut arriver que le maître parle une langue que le cocher ne comprenne pas. Le cocher doit apprendre cette langue. Quand il la saura, il comprendra son maître. Mais cela ne suffit pas, il doit aussi apprendre à conduire le cheval, à l’atteler, à le nourrir, à le soigner, et à bien entretenir la voiture — parce qu’il ne servirait de rien qu’il comprenne son maître, s’il n’était pas en état de faire quoi que ce soit. Le maître donne l’ordre du départ. Mais le cocher est incapable de démarrer parce que le cheval n’a pas été nourri, il ne l’a pas attelé, et il ne sait pas où sont les rênes. Le cheval, ce sont les émotions. La voiture, c’est le corps. L’intellect doit apprendre à commander les émotions. Les émotions tirent toujours le corps après elles. C’est dans cet ordre que le travail sur soi doit être mené. Mais notez-le bien : le travail sur les “corps”, c’est-à-dire sur le cocher, le cheval et la voiture, est une chose. Et le travail sur les “liaisons”, c’est-à-dire sur la “compréhension du cocher” qui l’unit à son maître, sur les “rênes” qui le relient au cheval, sur les “brancards” et les “harnais” qui rattachent la voiture au cheval — c’est une tout autre chose. »

— Georges Gurdjieff cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 140


« Il y a, dans la vie de l’humanité, des périodes qui coïncident généralement avec le commencement du déclin des civilisations, où les masses perdent irrémédiablement la raison, et se mettent à détruire tout ce que des siècles et des millénaires de culture avaient créé. De telles périodes démentielles, concordant souvent avec des cataclysmes géologiques, des perturbations climatiques, et autres phénomènes de caractère planétaire, libèrent une très grande quantité de cette matière de la connaissance. Ce qui nécessite un travail de récupération, faute de quoi elle serait perdue. Ainsi, le travail de recueillir la matière éparse de la connaissance coïncide fréquemment avec le déclin et la ruine des civilisations. »

— Georges Gurdjieff cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 66


« Fusion, unité intérieure, sont obtenues par “friction”, par la lutte du “oui” et du “non” dans l’homme. Si un homme vit sans conflit intérieur, si tout arrive en lui sans qu’il s’y oppose, s’il va toujours avec le courant, comme le vent le pousse, alors il restera tel qu’il est. Mais si une lutte intérieure s’amorce et surtout si, dans cette lutte, il suit une ligne déterminée, alors graduellement certains traits permanents commencent à se former en lui ; il commence à cristalliser. Pourtant, si la cristallisation est possible sur une base juste, elle ne l’est pas moins sur une base fausse. Par exemple, la peur du péché, ou une foi fanatique en une idée quelconque, peuvent provoquer une lutte terriblement intense du “oui” et du “non”, et un homme peut cristalliser sur de telles bases. Mais la cristallisation se fera mal, elle sera incomplète. Un tel homme perdra ainsi toute possibilité de développement ultérieur. Pour que la possibilité d’un développement ultérieur lui soit rendue, il devra être préalablement “refondu”, et cela ne peut s’accomplir sans des souffrances terribles. »

— Georges Gurdjieff cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 57


« Prends la compréhension de l’Orient et le savoir de l’Occident — et ensuite cherche. »

— Aphorisme inscrit sur le vélum du Study House au Prieuré

— Georges Gurdjieff, Gurdjieff parle à ses élèves (1914-1924), éd. Rocher, 1985 (ISBN 9782268003627), p. 354


Citations sur George Gurdjieff

« J’ai compris que c’est vrai et que rien d’autre n’est vrai. Vous savez que depuis longtemps je nous regardais tous sans exception comme des naufragés, perdus sur une île déserte, mais qui ne le savent pas encore. Eh bien, ceux qui sont ici le savent. Les autres, là-bas, dans la vie, pensent encore qu’un navire abordera demain pour les prendre, et que tout recommencera comme dans le bon vieux temps. Mais ceux qui sont ici savent déjà qu’il n’y aura plus jamais de bon vieux temps. Je suis si heureuse de pouvoir être ici. »

— Katherine Mansfield cité par Piotr Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu (1947), éd. Stock, 2003 (ISBN 9782234056251), p. 535


« J’ai cherché longtemps cette méthode non-verbale de connaissance active de soi. Enfin j’ai rencontré quelqu’un avec qui je travaille, qui a consacré toute sa vie à ce problème et peut aider d’autres à en poursuivre la solution. Il s’agit d’un travail avec son corps, ses instincts, ses sentiments, son intelligence, où l’homme s’expérimente et se réalise : les mots ne viennent qu’après l’expérience. »

— René Daumal, Extrait d’une note de Véra Daumal, éd. La Nouvelle Revue française, 1964, Lettre à un ami en 1936, p. 535


« Mon unique rencontre avec Gurdjieff. Il ricane et m’offre un oignon. J’eus peur de lui. Mon travail auprès de Mme de Salzmann. J’ai bu à la vérité. Je dois tout à l’Enseignement.

J’ai rencontré Gurdjieff une seule fois. C’est bien peu pour juger un homme, quand un esprit clairvoyant, après s’être fréquenté toute une existence, sait tout juste qu’il n’est qu’un petit tas de merde dont les luisances ça et là reflètent la lumière. Il faudrait résorber l’ordure, pour que le brin de lumière fût libéré. Mais l’homme, après s’être auto-dévoré à longueur d’années avec délectation, finit presque toujours, sans avoir fait le moindre progrès, par mourir simplement d’indigestion.

Tout cela est loin de l’enseignement de Gurdjieff. C’est seulement pour dire que je me garderai bien de porter sur lui non pas même un jugement, mais la moindre appréciation. Je l’ai rencontré à Paris, pendant l’occupation, à un de ces dîners auxquels il conviait ses élèves. Nous étions une dizaine à sa table. Il ricanait en nous regardant. Il faut reconnaître qu’il y avait de quoi. Comme il aimait décontenancer ceux qui l’approchaient pour la première fois, il m’offrit un oignon cru à manger. Il ignorait que je suis Provençal : un oignon, pour moi, c’est une friandise. Mais il était un peu pourri : ce fut quand même une épreuve.

Je ne retournai pas à ces dîners, et ne revis jamais Gurdjieff. Pourquoi ? Manque de temps, manque d’argent, manque de tickets d’alimentation, deux enfants en bas âge, des soucis matériels qui faisaient taire les soucis spirituels... Très mauvaises raisons, prétextes. En réalité, je crois aujourd’hui, après des années, que j’eus peur de lui... Je travaillais depuis longtemps avec une de ses disciples, à travers qui son enseignement m’arrivait décanté de sa personnalité. Et cet enseignement, cette doctrine, étaient aussi clairs que des mathématiques. Or quand je me trouvai en face de Gurdjieff, ce fut son tempérament qui me sauta dessus, un tempérament volcanique. Je tournai le dos à la montagne grondante, et retournai au ruisseau clair qui coulait d’elle...

Puis je quittai même les bords du ruisseau. Il y a longtemps de cela. Mais je sais que j’ai bu là la vérité, à cette source de vérité d’où coule toute la sagesse du monde, et où se sont formées les religions, fleuves qui s’éloignent chaque jour de leur source. Si je deviens un jour quelque chose de moins malodorant que l’étron fondamental, ce sera le résultat d’une longue et lente lutte que je n’aurais sans doute jamais entreprise si je n’avais pas rencontré le “groupe” Gurdjieff. C’est tout ce que je peux dire aujourd’hui, mais c’est une certitude. »

— René Barjavel cité par Louis Pauwels, Monsieur Gurdjieff, éd. Seuil, 1954, p. 


Bibliographie

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