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« L'homme privé de la liberté du mal ne saurait être qu'un automate du bien. »

« La liberté du mal peut être un plus grand bien qu'un bien forcé. »

« Notre génie populaire russe, d’essence païenne, a tendance à détruire l’armature chrétienne, à saper les bases du Christianisme. Ce trait nous est surtout sensible dans les manifestations que nous offrent nos sectes mystiques populaires. C’est grâce au Byzantinisme que s’est maintenue l’unité de notre religion. Trois éléments sont réellement forts chez nous : l’Orthodoxie byzantine, l’autocratie héréditaire et illimitée, et probablement la communauté rurale... Notre tsarisme, si fécond et salutaire pour nous, s’est fortifié sous l’influence de l’Orthodoxie, sous celle des idées et de la culture byzantine. Cet apport a consolidé la Russie à demi sauvage et il a fait d’elle un corps véritable... Sachons demeurer fidèles à cette consigne et nous pourrons résister aux assauts de l’Europe internationale, s’il lui venait un jour à l’idée – après avoir détruit tout ce qu’elle possédait de noble – de nous imposer la pourriture et la puanteur de ses lois nouvelles, son bien-être mesquin, et sa médiocrité radicale universelle. »

— Constantin Léontiev cité par Nicolas Berdiaev, Constantin Leontiev, trad. Hélène Iswolsky, éd. Berg International, coll. « Histoire des idées », 1993 (ISBN 9782900269855), p. 


« Toutes les idées de progrès sont primaires et grossières, elles sont à la portée de chacun. Tant qu’elles ne furent que l’apanage de quelques esprits d’élite, elles témoignèrent d’intelligence et de profondeur. Des hommes d’un grand savoir les ont ennoblies, grâce à leurs dons exceptionnels. Mais, en elles-mêmes, ces idées-là sont à la fois fausses, grossières et tout à fait repoussantes. Le bonheur terrestre est absurde et impossible ; le règne d’une justice universelle et égale pour tous, est pareillement une absurdité. Il est même une injustice et une insulte à l’égard de l’élite. En sa vérité, l’Évangile n’a pas promis la justice terrestre. Il n’a pas prêché la liberté juridique, mais seulement la liberté de l’esprit, laquelle est accessible même à ceux qui sont enchaînés. Les martyrs au nom de la foi ont existé sous le joug turc. Sous le régime de la Constitution belge, il n’y aura à peine que des bienheureux. »

— Constantin Léontiev cité par Nicolas Berdiaev, Constantin Leontiev, trad. Hélène Iswolsky, éd. Berg International, coll. « Histoire des idées », 1993 (ISBN 9782900269855), p. 


« Ô égalité haïssable ! Ô lâche monotonie ! Ô progrès trois fois maudit ! Ô montagne féconde, nourrie de sang, mais pittoresque, de l’histoire universelle ! Depuis le siècle dernier, te voilà déchirée par une naissance nouvelle, et tes entrailles martyres ont accouché d’une souris. Nous assistons à la venue au monde d’une caricature qui défigure l’image des anciens hommes : l’Européen rationnel moyen, avec son grotesque vêtement, que le miroir de l’art ne saurait même pas idéaliser ; un être à l’esprit mesquin qui se sustente d’illusions, frotté de vertu terrestre et de bonnes intentions pratiques ! Depuis le début de l’histoire, on n’avait point vu d’alliage plus monstrueux : jactance intellectuelle devant Dieu, et platitude morale devant l’idole humanitariste, uniforme et incolore. Humanité exclusivement travailleuse, impie, et dénuée de passions. Peut-on aimer une humanité pareille ? Ne doit-on pas haïr, non pas les hommes eux-mêmes, lesquels sont stupides et ont perdu le sens, mais l’avenir qu’ils se préparent ? Ne devons-nous pas le haïr de toutes les forces de notre âme, et même de notre âme chrétienne ? »

— Constantin Léontiev cité par Nicolas Berdiaev, Constantin Leontiev, trad. Hélène Iswolsky, éd. Berg International, coll. « Histoire des idées », 1993 (ISBN 9782900269855), p.