Différences entre les versions de « Friedrich Nietzsche »

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'''Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus !''' »
 
'''Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus !''' »
*[http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche Friedrich Nietzsche], ''Ainsi parlait Zarathoustra'', in ''Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche'', vol. 9, trad. Henri Albert, éd. Société du Mercure de France, 1903 [sixième édition], pp. 66-67
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*[http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche Friedrich Nietzsche], ''Ainsi parlait Zarathoustra'' (1885), in ''Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche'', vol. 9, trad. Henri Albert, éd. Société du Mercure de France, 1903 [sixième édition], pp. 66-67
  
 
"'''God is dead'''. God remains dead. And we have killed him. Yet his shadow still looms. How shall we comfort ourselves, the murderers of all murderers? What was holiest and mightiest of all that the world has yet owned has bled to death under our knives: who will wipe this blood off us? What water is there for us to clean ourselves? What festivals of atonement, what sacred games shall we have to invent? Is not the greatness of this deed too great for us? Must we ourselves not become gods simply to appear worthy of it?"
 
"'''God is dead'''. God remains dead. And we have killed him. Yet his shadow still looms. How shall we comfort ourselves, the murderers of all murderers? What was holiest and mightiest of all that the world has yet owned has bled to death under our knives: who will wipe this blood off us? What water is there for us to clean ourselves? What festivals of atonement, what sacred games shall we have to invent? Is not the greatness of this deed too great for us? Must we ourselves not become gods simply to appear worthy of it?"
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« Qu’on appelle « civilisation », ou « humanisation », ou « progrès » ce qui distingue aujourd’hui les Européens ; qu’on appelle cela simplement, sans louange ni blâme, avec une formule politique, le mouvement démocratique en Europe : derrière tous les premiers plans politiques et moraux, désignés par une telle formule, s’accomplit un énorme processus physiologique, dont le mouvement grandit chaque jour, — le phénomène du rapprochement des Européens, des Européens qui s’ éloignent de plus en plus des conditions qui font naître des races liées par le climat et les mœurs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage de tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans les âmes et dans les corps, avec les mêmes revendications, — donc la lente apparition d’une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinctif, possède, physiologiquement parlant, un maximum de faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être et grandira en véhémence et en profondeur — l’impétuosité toujours vivace du « sentiment national » en fait partie, de même l’anarchisme montant — : ce phénomène aboutira probablement à des résultats que les naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres de l’ « idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de compte. Ces mêmes conditions nouvelles qui aboutiront en moyenne au nivellement et à l’abaissement de l’homme — de la bête de troupeau homme, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à produire des êtres d’exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante. Car, tandis que cette faculté d’assimilation qui traverse des conditions sans cesse variantes, et qui commence un nouveau travail avec chaque génération, presque tous les dix ans, rend impossible la puissance du type ; tandis que l’esprit général de ces Européens de l’avenir sera probablement celui de ces ouvriers bavards, pauvres de volonté et très adroits qui ont besoin du maître et du chef comme du pain quotidien ; donc, tandis que la démocratisation de l’Europe aboutira à la création d’un type préparé à l’esclavage, au sens le plus subtil, dans les casuniques et exceptionnels, l’homme fort deviendra nécessairement plus fort et plus riche qu’il ne l’a peut-être jamais été jusqu’à présent, — grâce au manque de préjugés de son éducation, grâce aux facultés multiples qu’il possédera dans l’art de dissimuler, et les usages du monde. Je voulais dire : '''la démocratisation en Europe et en même temps une involontaire préparation à faire naître des tyrans''', — ce mot entendu dans tous les sens, même au sens le plus intellectuel. »
 
« Qu’on appelle « civilisation », ou « humanisation », ou « progrès » ce qui distingue aujourd’hui les Européens ; qu’on appelle cela simplement, sans louange ni blâme, avec une formule politique, le mouvement démocratique en Europe : derrière tous les premiers plans politiques et moraux, désignés par une telle formule, s’accomplit un énorme processus physiologique, dont le mouvement grandit chaque jour, — le phénomène du rapprochement des Européens, des Européens qui s’ éloignent de plus en plus des conditions qui font naître des races liées par le climat et les mœurs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage de tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans les âmes et dans les corps, avec les mêmes revendications, — donc la lente apparition d’une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinctif, possède, physiologiquement parlant, un maximum de faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être et grandira en véhémence et en profondeur — l’impétuosité toujours vivace du « sentiment national » en fait partie, de même l’anarchisme montant — : ce phénomène aboutira probablement à des résultats que les naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres de l’ « idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de compte. Ces mêmes conditions nouvelles qui aboutiront en moyenne au nivellement et à l’abaissement de l’homme — de la bête de troupeau homme, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à produire des êtres d’exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante. Car, tandis que cette faculté d’assimilation qui traverse des conditions sans cesse variantes, et qui commence un nouveau travail avec chaque génération, presque tous les dix ans, rend impossible la puissance du type ; tandis que l’esprit général de ces Européens de l’avenir sera probablement celui de ces ouvriers bavards, pauvres de volonté et très adroits qui ont besoin du maître et du chef comme du pain quotidien ; donc, tandis que la démocratisation de l’Europe aboutira à la création d’un type préparé à l’esclavage, au sens le plus subtil, dans les casuniques et exceptionnels, l’homme fort deviendra nécessairement plus fort et plus riche qu’il ne l’a peut-être jamais été jusqu’à présent, — grâce au manque de préjugés de son éducation, grâce aux facultés multiples qu’il possédera dans l’art de dissimuler, et les usages du monde. Je voulais dire : '''la démocratisation en Europe et en même temps une involontaire préparation à faire naître des tyrans''', — ce mot entendu dans tous les sens, même au sens le plus intellectuel. »
*[http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche Friedrich Nietzsche], ''Par-delà le bien et le mal'' (1886), trad. Henri Albert, ''Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche'', éd. Mercure de France, 1913 [dixième édition], vol. 10, p. 259
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*[http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche Friedrich Nietzsche], ''Par-delà le bien et le mal'' (1886), in ''Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche'', éd. Mercure de France, trad. Henri Albert, 1913 [dixième édition], vol. 10, p. 259
 
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Version du 8 février 2017 à 09:34

Citationes

« Il y a quelque part encore des peuples et des troupeaux, mais ce n’est pas chez nous, mes frères : chez nous il y a des États.

État ? Qu’est-ce, cela ? Allons ! Ouvrez les oreilles, je vais vous parler de la mort des peuples.

L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. »

C’est un mensonge ! [...]

Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits.

Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’État et il le déteste comme le mauvais œil et une dérogation aux coutumes et aux lois. [...]

Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal ; et, dans tout ce qu’il dit, il ment — et tout ce qu’il a, il l’a volé.

Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux. Feintes sont même ses entrailles. [...]

Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! »

  • Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra (1885), in Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 9, trad. Henri Albert, éd. Société du Mercure de France, 1903 [sixième édition], pp. 66-67

"God is dead. God remains dead. And we have killed him. Yet his shadow still looms. How shall we comfort ourselves, the murderers of all murderers? What was holiest and mightiest of all that the world has yet owned has bled to death under our knives: who will wipe this blood off us? What water is there for us to clean ourselves? What festivals of atonement, what sacred games shall we have to invent? Is not the greatness of this deed too great for us? Must we ourselves not become gods simply to appear worthy of it?"

« L'insensé. - N'avez-vous pas entendu parler de cet homme insensé qui, ayant allumé une lanterne en plein midi, courait sur la place du marché et criait sans cesse : "Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu !" - Et comme là-bas se trouvaient précisément rassemblés beaucoup de ceux qui ne croyaient pas en Dieu, il suscita une grande hilarité. L'a-t-on perdu ? dit l'un. S'est-il égaré comme un enfant ? dit un autre. Ou bien se cache-t-il quelque part ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarqué ? A-t-il émigré ? - ainsi ils criaient et riaient tout à la fois. L'insensé se précipita au milieu d'eux et les perça de ses regards. "Où est Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tué - vous et moi ! Nous tous sommes ses meurtriers ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier ? Qu'avons-nous fait, à désenchaîner cette terre de son soleil ? Vers où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Loin de tous les soleils ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et cela en arrière, de côté, en avant, vers tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne fait-il pas nuit sans cesse et de plus en plus nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes dès le matin ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ont enseveli Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la putréfaction divine ? - les dieux aussi se putréfient ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous, les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde avait possédé jusqu'alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux - qui essuiera ce sang de nos mains ? Quelle eau pourra jamais nous purifier ? Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cette action n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour paraître dignes de cette action ? Il n'y eut jamais d'action plus grande - et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l'histoire jusqu'alors !" - Ici l'homme insensé se tut et considéra à nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient sans comprendre. Enfin il jeta sa lanterne au sol si bien qu'elle se brisa et s'éteignit. "J'arrive trop tôt, dit-il ensuite, mon temps n'est pas encore venu. Ce formidable événement est encore en marche et voyage - il n'est pas encore parvenu aux oreilles des hommes. Il faut du temps à la foudre et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, après leur accomplissement pour être vus et entendus. Cette action-là leur est encore plus lointaine que les astres les plus lointains - et pourtant ce sont eux qui l'ont accomplie !" On raconte encore que ce même jour l'homme insensé serait entré dans différentes églises où il aurait entonné son Requiem aeternam Deo. Jeté dehors et mis en demeure de s'expliquer, il n'aurait cessé de repartir : "Que sont donc ces églises, si elles ne sont les caveaux et les tombeaux de Dieu ?" »
„Gott ist tot!“

« Qu’on appelle « civilisation », ou « humanisation », ou « progrès » ce qui distingue aujourd’hui les Européens ; qu’on appelle cela simplement, sans louange ni blâme, avec une formule politique, le mouvement démocratique en Europe : derrière tous les premiers plans politiques et moraux, désignés par une telle formule, s’accomplit un énorme processus physiologique, dont le mouvement grandit chaque jour, — le phénomène du rapprochement des Européens, des Européens qui s’ éloignent de plus en plus des conditions qui font naître des races liées par le climat et les mœurs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage de tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans les âmes et dans les corps, avec les mêmes revendications, — donc la lente apparition d’une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinctif, possède, physiologiquement parlant, un maximum de faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être et grandira en véhémence et en profondeur — l’impétuosité toujours vivace du « sentiment national » en fait partie, de même l’anarchisme montant — : ce phénomène aboutira probablement à des résultats que les naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres de l’ « idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de compte. Ces mêmes conditions nouvelles qui aboutiront en moyenne au nivellement et à l’abaissement de l’homme — de la bête de troupeau homme, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à produire des êtres d’exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante. Car, tandis que cette faculté d’assimilation qui traverse des conditions sans cesse variantes, et qui commence un nouveau travail avec chaque génération, presque tous les dix ans, rend impossible la puissance du type ; tandis que l’esprit général de ces Européens de l’avenir sera probablement celui de ces ouvriers bavards, pauvres de volonté et très adroits qui ont besoin du maître et du chef comme du pain quotidien ; donc, tandis que la démocratisation de l’Europe aboutira à la création d’un type préparé à l’esclavage, au sens le plus subtil, dans les casuniques et exceptionnels, l’homme fort deviendra nécessairement plus fort et plus riche qu’il ne l’a peut-être jamais été jusqu’à présent, — grâce au manque de préjugés de son éducation, grâce aux facultés multiples qu’il possédera dans l’art de dissimuler, et les usages du monde. Je voulais dire : la démocratisation en Europe et en même temps une involontaire préparation à faire naître des tyrans, — ce mot entendu dans tous les sens, même au sens le plus intellectuel. »

  • Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal (1886), in Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, éd. Mercure de France, trad. Henri Albert, 1913 [dixième édition], vol. 10, p. 259
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Citationes de Friedrich Nietzsche

« Si Nietzsche avait eu quelques années de répit supplémentaires, il aurait sans doute été forcé d'admettre que le Christ synthétisait en lui le modèle dionysiaque et son double inverti apollinien, ce qui forme la figure tragique propre au génie de la culture grecque telle que Nietzsche lui-même l'avait décryptée. Comprenant la nature profondément (kin)esthétique de l'expérience religieuse christique, il ressentait parfois, lors de brèves fulgurances, ses propres écrits en apportent la preuve, de réelles empathies avec l'homme Jésus de Nazareth, empathies qui ne faisaient qu'accentuer en retour sa haine structurée du christianisme comme religion de la Mort à travers la figure du Crucifié. »

« Nietzsche rêve de ces gentilshommes nouveaux, moitié penseurs, moitié hommes d’action, qui ne seront pas populaires, qui ne pourront que faire horreur par leur dureté, leur orgueil et leur morgue, dans un monde orienté tout autrement, mais qui mèneront leur groupe humain vers la grandeur. Ils auront à faire de rudes besognes d’épuration et d’émondage ; descendant dans les marécages de la pensée basse et vulgaire, de la dégénérescence physique et mentale, ils risqueront parfois de périr de dégoût et de pitié, si leur coeur trop tendre est encore capable de ce sentiment. »

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