Différences entre les versions de « Ernst von Salomon »

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== Bibliographia ==
 
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Version du 28 octobre 2019 à 06:58

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Citationes

« Au milieu de décembre les troupes allemandes rentrant du front traversèrent notre ville. Ce n’était qu’une division qui venait de la région de Verdun. [...]

Les unes après les autres les compagnies passaient, des groupes d’une petitesse pitoyable, mais qui apportaient avec eux un souffle redoutable, une atmosphère de sang, d’acier, de matières explosives et de décisions immédiates. Haïssaient-ils la révolution, marchaient-ils contre elle ? Se rangeront-ils, eux, ouvriers, paysans, étudiants, dans notre monde, deviendront-ils tels que nous, adopteront-ils nos soucis, nos volontés, nos luttes et nos buts ?

Et soudain la lumière se fit en moi : allons donc, ceux-là n’étaient pas des ouvriers, des paysans, des étudiants, ils n’étaient pas des artisans, des employés, des commerçants, des fonctionnaires, ils étaient des soldats ! Non pas des hommes déguisés, non pas des hommes qui obéissaient à un commandement, non pas les délégués d’autres hommes, ils étaient des hommes qui obéissaient à un appel intérieur, à l’appel secret du sang et de l’esprit, ils étaient des volontaires d’une façon ou d’une autre, des hommes qui avaient appris une rude fraternité et appris à connaître ce qu’il y a derrière les choses et qui avaient trouvé dans la guerre une patrie. Patrie, peuple, nation. Voilà de grands mots, mais quand nous les prononcions, ils sonnaient faux. Et c’était pour cela qu’ils ne voulaient pas être des nôtres, pour cela cette entrée muette, imposante, fantomale.

Car la patrie était en eux et en eux la nation. Ce que nos voix proclamaient, ce dont nous nous vantions devant le monde, avait revêtu chez eux un sens secret ; c’était pour cela qu’ils avaient vécu, c’était pour cela qui leur avait commandé de faire ce que nous plaisions à appeler le devoir. Subitement la patrie était en eux, elle avait changé de place, elle avait été saisie par le tourbillon gigantesque des dernières années et emportée au front. Le front, c’était leur pays, c’était la nation, la patrie. Et jamais ils n’en parlaient. Jamais ils n’avaient cru aux paroles, ils ne croyaient qu’en eux-mêmes. La guerre les tenait, la guerre les dominait, la guerre ne les laisserait jamais échapper et jamais ils ne pourraient revenir ni nous appartenir tout à fait. Ils auront toujours la guerre dans le sang, la mort toute proche, l’horreur, l’ivresse et le fer. Ce qui se passait maintenant, ce retour, cette rentrée dans le monde paisible, ordonné, bourgeois, c’était une transplantation, une fraude et qui ne pouvait pas réussir. La guerre est finie ; les guerriers marchent toujours. Et parce que la masse est ici debout, que la foule est ici debout, qu’ici le peuple allemand est en voie de réorganisation, en fermentation, maladroit, composé de mille petits désirs, de mille petits courants, contenant tous les éléments, c’est pour cela qu’eux les soldats marcheront pour la Révolution, pour une autre révolution, qu’ils le veuillent ou non, fouettés par des forces que nous ne pouvons prévoir. De simples mécontents s’ils se dispersent, une dynamite formidable s’ils restent unis. La guerre n’a pas apporté de réponse, elle n’a amené aucune décision ; les guerriers marchent toujours. »

— Ernst von Salomon, Les Réprouvés (1930), trad. Andhrée Vaillant et Jean Kuckenburg, éd. Omnia, coll. « Omnia poche », 2016 (ISBN 9782841006076), p. 34-43
Ernst von Salomon et Ernst Jünger à Winsen en Allemagne dans les années 1950

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