« Il y a quelque part encore des peuples et des troupeaux, mais ce n’est pas chez nous, mes frères : chez nous il y a des États.

État ? Qu’est-ce, cela ? Allons ! Ouvrez les oreilles, je vais vous parler de la mort des peuples.

L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. »

C’est un mensonge ! [...]

Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits.

Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’État et il le déteste comme le mauvais œil et une dérogation aux coutumes et aux lois. [...]

Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal ; et, dans tout ce qu’il dit, il ment — et tout ce qu’il a, il l’a volé.

Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux. Feintes sont même ses entrailles. [...]

Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! »

  • Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra (1885), in Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 9, trad. Henri Albert, éd. Société du Mercure de France, 1903 [sixième édition], pp. 66-67

"God is dead. God remains dead. And we have killed him. Yet his shadow still looms. How shall we comfort ourselves, the murderers of all murderers? What was holiest and mightiest of all that the world has yet owned has bled to death under our knives: who will wipe this blood off us? What water is there for us to clean ourselves? What festivals of atonement, what sacred games shall we have to invent? Is not the greatness of this deed too great for us? Must we ourselves not become gods simply to appear worthy of it?"

« L'insensé. - N'avez-vous pas entendu parler de cet homme insensé qui, ayant allumé une lanterne en plein midi, courait sur la place du marché et criait sans cesse : "Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu !" - Et comme là-bas se trouvaient précisément rassemblés beaucoup de ceux qui ne croyaient pas en Dieu, il suscita une grande hilarité. L'a-t-on perdu ? dit l'un. S'est-il égaré comme un enfant ? dit un autre. Ou bien se cache-t-il quelque part ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarqué ? A-t-il émigré ? - ainsi ils criaient et riaient tout à la fois. L'insensé se précipita au milieu d'eux et les perça de ses regards. "Où est Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tué - vous et moi ! Nous tous sommes ses meurtriers ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier ? Qu'avons-nous fait, à désenchaîner cette terre de son soleil ? Vers où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Loin de tous les soleils ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et cela en arrière, de côté, en avant, vers tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne fait-il pas nuit sans cesse et de plus en plus nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes dès le matin ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ont enseveli Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la putréfaction divine ? - les dieux aussi se putréfient ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous, les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde avait possédé jusqu'alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux - qui essuiera ce sang de nos mains ? Quelle eau pourra jamais nous purifier ? Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cette action n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour paraître dignes de cette action ? Il n'y eut jamais d'action plus grande - et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l'histoire jusqu'alors !" - Ici l'homme insensé se tut et considéra à nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient sans comprendre. Enfin il jeta sa lanterne au sol si bien qu'elle se brisa et s'éteignit. "J'arrive trop tôt, dit-il ensuite, mon temps n'est pas encore venu. Ce formidable événement est encore en marche et voyage - il n'est pas encore parvenu aux oreilles des hommes. Il faut du temps à la foudre et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, après leur accomplissement pour être vus et entendus. Cette action-là leur est encore plus lointaine que les astres les plus lointains - et pourtant ce sont eux qui l'ont accomplie !" On raconte encore que ce même jour l'homme insensé serait entré dans différentes églises où il aurait entonné son Requiem aeternam Deo. Jeté dehors et mis en demeure de s'expliquer, il n'aurait cessé de repartir : "Que sont donc ces églises, si elles ne sont les caveaux et les tombeaux de Dieu ?" »
„Gott ist tot!“

« Qu’on appelle « civilisation », ou « humanisation », ou « progrès » ce qui distingue aujourd’hui les Européens ; qu’on appelle cela simplement, sans louange ni blâme, avec une formule politique, le mouvement démocratique en Europe : derrière tous les premiers plans politiques et moraux, désignés par une telle formule, s’accomplit un énorme processus physiologique, dont le mouvement grandit chaque jour, — le phénomène du rapprochement des Européens, des Européens qui s’ éloignent de plus en plus des conditions qui font naître des races liées par le climat et les mœurs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage de tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans les âmes et dans les corps, avec les mêmes revendications, — donc la lente apparition d’une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinctif, possède, physiologiquement parlant, un maximum de faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être et grandira en véhémence et en profondeur — l’impétuosité toujours vivace du « sentiment national » en fait partie, de même l’anarchisme montant — : ce phénomène aboutira probablement à des résultats que les naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres de l’ « idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de compte. Ces mêmes conditions nouvelles qui aboutiront en moyenne au nivellement et à l’abaissement de l’homme — de la bête de troupeau homme, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à produire des êtres d’exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante. Car, tandis que cette faculté d’assimilation qui traverse des conditions sans cesse variantes, et qui commence un nouveau travail avec chaque génération, presque tous les dix ans, rend impossible la puissance du type ; tandis que l’esprit général de ces Européens de l’avenir sera probablement celui de ces ouvriers bavards, pauvres de volonté et très adroits qui ont besoin du maître et du chef comme du pain quotidien ; donc, tandis que la démocratisation de l’Europe aboutira à la création d’un type préparé à l’esclavage, au sens le plus subtil, dans les casuniques et exceptionnels, l’homme fort deviendra nécessairement plus fort et plus riche qu’il ne l’a peut-être jamais été jusqu’à présent, — grâce au manque de préjugés de son éducation, grâce aux facultés multiples qu’il possédera dans l’art de dissimuler, et les usages du monde. Je voulais dire : la démocratisation en Europe et en même temps une involontaire préparation à faire naître des tyrans, — ce mot entendu dans tous les sens, même au sens le plus intellectuel. »

  • Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal (1886), in Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, éd. Mercure de France, trad. Henri Albert, 1913 [dixième édition], vol. 10, p. 259


"un jour viendra la lutte pour la souveraineté du monde"

"Tous ces hommes profonds et d'esprit large qu'a vu ce siècle ont tendu vers ce but le travail secret de leur pensée. Tous ont en commun la même aspiration, à savoir l'âme de l'Europe unie qui, sous la prodigieuse diversité des formules, fait effort vers autre chose, vers une chose d'avenir et plus élevée."

  • Frederic Nietzsche

« Aucun peuple ne pourrait vivre sans évaluer les valeurs ; mais s’il veut se conserver, il ne doit pas évaluer comme évalue son voisin. »

« Ces maîtres de la terre doivent maintenant remplacer Dieu et se créer la confiance profonde et absolue de ceux qui sont dominés. En premier lieu : leur nouvelle sainteté, leur renoncement au bonheur et aux aises. Ils offrent aux inférieurs l’expectative du bonheur et, non pas à eux-mêmes. Ils sauvent ceux qui sont mal venus par la doctrine de la « mort rapide » ; ils offrent des religions et des systèmes selon la place dans la hiérarchie. »

« Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides. »

« Les grands méprisants sont aussi les grands vénérants. »

"Si l’Islam méprise le christianisme, il a mille fois raison: l’Islam suppose des hommes pleinement virils."

« Les Juifs ont réussi ce prodigieux renversement des valeurs qui, pour quelques millénaires, a donné à la vie terrestre un attrait nouveau et dangereux : leurs prophètes ont fondu en une seule notion celles de riche, impie, méchant, violent, sensuel, et pour la première fois ont donné un sens infamant au mot monde. Ce renversement des valeurs (qui veut aussi que « pauvre » soit synonyme de « saint » et « d’ami ») fait toute l’importance du peuple juif : avec lui commence dans l’ordre moral la révolte des esclaves. »

"Another century of newspapers and all words will stink."

« Encore un siècle de journalisme, et tous les mots pueront. »

« Nous avons l'art pour en pas périr de la vérité. »

« La principale objection au socialisme est qu'il veut donner des loisirs aux natures vulgaires. L'homme vulgaire, s'il est oisif, est à charge à lui-même et au monde. »

« Le socialisme est le fantastique frère cadet du despotisme presque défunt, dont il veut recueillir l’héritage ; ses efforts sont donc, au sens le plus profond, réactionnaires. Car il désire une plénitude de puissance de l’État telle que le despotisme seul ne l’a jamais eue, il dépasse même tout ce que montre le passé, car il travaille à l’anéantissement formel de l’individu : c’est que celui-ci lui apparaît comme un luxe injustifiable de la nature, qui doit être par lui corrigé en un organe utile de la communauté. »

« L'injustice ne se trouve jamais dans les droits inégaux, elle se trouve dans la prétention à des droits égaux. »

"The doctrine of equality! There exists no more poisonous poison: For it seems to be preached by justice itself, while it is the end of justice."

« L’Europe se fera au bord du tombeau. »

« Un animal grégaire, un être docile, maladif, médiocre, l'Européen d'aujourd'hui ! »

« [P]our qu'il y ait des institutions, il faut qu'il y ait une sorte de volonté, d'instinct, d'impératif, antilibéral jusqu'à la cruauté: la volonté de tradition, d'autorité, de responsabilité, étendue sur les siècles, de solidarité des chaînes des générations, en aval et en amont, in infinitum. Si cette volonté existe,c'est quelque chose comme l'Imperium Romanum qui se fonde, ou bien comme la Russie, la seule puissance qui ait actuellement la durée dans le sang, la seule qui puisse attendre, qui puisse encore promettre quelque chose. La Russie est l'antithèse du piteux particularisme, de la nervosité européenne, qui, avec la fondation du Reich allemand, est entrée dans une phase critique... L'occident tout entier a perdu ses instincts d'où naissent des institutions, d'où naît un avenir: rien qui aille plus à rebours de son esprit moderne. »

« Je donnerais tout le bonheur de l'Occident pour la tristesse russe. »

« Il existe aujourd’hui, dans presque toute l’Europe, une sensibilité et une susceptibilité maladives à la souffrance en même temps qu’une odieuse intempérance dans la plainte, un amollissement douillet qui à l’aide de la religion et de je ne sais quel bric-à-brac philosophique voudrait se faire passer pour quelque chose de plus élevé, - il existe un véritable culte de la souffrance. Ce qui, à mon sens, saute toujours d’emblée aux yeux, c’est le manque de virilité de ce que ces cercles d’échauffés baptisent du nom de "compassion". - Il faut proscrire avec la dernière rigueur cette forme récente du mauvais goût. »

« Il faut que les hommes supérieurs déclarent la guerre à la masse. Partout les médiocres se rassemblent pour devenir les maîtres. Tout ce qui amollit, tout ce qui adoucit, tout ce qui favorise le "peuple" ou les valeurs "féminines" agit en faveur du suffrage universel, c'est-à-dire en faveur de la domination de l'homme vil. »

« La liberté c'est savoir danser dans ses chaînes. »