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Citationes

The concept of narcissism provides us not with a ready-made psychological determinism but with a way of understanding the psychological impact of recent social changes [...]. It provides us, in other words, with a tolerably accurate portrait of the “liberated” personality of our time, with his charm, his pseudo-awareness of his own condition, his promiscuous pansexuality [...], his hypochondria, his protective shailowness, his avoidance of dependence, his inability to mourn, his dread of old age and death.

Narcissism appears realistically to represent the best way of coping with the tensions and anxieties of modern life, and the prevailing social conditions therefore tend to bring out narcissistic traits that are present, in varying degrees, in everyone.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), Preface, p. 50
« Le narcissisme est un concept qui ne nous fournit pas un déterminisme psychologique tout fait, mais une manière de comprendre l’effet psychologique des récents changements sociaux [...]. En d’autres termes, ce concept nous donne un portrait passablement exact de la personnalité “libérée” de notre temps, avec son charme, la pseudo-conscience de sa propre condition, sa sexualité tous azimuts [...], son hypocondrie, sa superficialité défensive, sa crainte de la dépendance, son incapacité à s’affliger de la peine d’autrui, sa terreur de vieillir et de mourir.
De fait, le narcissisme semble représenter la meilleure manière d’endurer les tensions et anxiétés de la vie moderne. Les conditions sociales qui prédominent tendent donc à faire surgir les traits narcissiques présents, à différents degrés, en chacun de nous. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 24


“[...] the culture of competitive individualism [...] in its decadence has carried the logic of individualism to the extreme of a war of all against all the pursuit of happiness to the dead end of a narcissistic preoccupation with the self.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), Preface, p. xv
« [...] la culture de l’individualisme compétitif [...] dans sa décadence, a poussé la logique de l’individualisme jusqu’à l’extrême de la guerre de tous contre tous, et la poursuite du bonheur jusqu’à l’impasse d’une obsession narcissique de l’individu par lui-même. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 24


Many radicals still direct their indignation against the authoritarian family, repressive sexual morality, literary censorship, the work ethic, and other foundations of bourgeois order that have been weakened or destroyed by advanced capitalism itself. These radicals do not see that the “authoritarian personality” no longer represents the prototype of the economic man. Economic man himself has given way to the psychological man of our times—the final product of bourgeois individualism.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), Preface, p. xvi
« De nombreux radicaux s’insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme antisexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l’ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la “personnalité autoritaire” n’est plus le prototype de l’homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l’homme psychologique de notre temps — dernier avatar de l’individualisme bourgeois. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 24


The new narcissist is haunted not by guilt but by anxiety. He seeks not to inflict his own certainties on others but to find a meaning in life. Liberated from the superstitions of the past, he doubts even the reality of his own existence. Superficially relaxed and tolerant, he finds little use for dogmas of racial and ethnic purity but at the same time forfeits the security of group loyalties and regards everyone as a rival for the favors conferred by a paternalistic state. [...] He extols cooperation and teamwork while harboring deeply antisocial impulses. He praises respect for rules and regulations in the secret belief that they do not apply to himself.

The narcissist has no interest in the future because, in part, he has so little interest in the past.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), Preface, p. xvi
« Le nouveau Narcisse est hanté, non par la culpabilité mais par l’anxiété. Il ne cherche pas à imposer ses propres certitudes aux autres ; il cherche un sens à sa vie. Libéré des superstitions du passé, il en arrive à douter de la réalité de sa propre existence. Superficiellement détendu et tolérant, il montre peu de goût pour les dogmes de pureté raciale ou ethnique ; mais il se trouve également privé de la sécurité que donne la loyauté du groupe et se sent en compétition avec tout le monde pour l’obtention des faveurs que dispense l’État paternaliste. [...] Il prône la coopération et le travail en équipe tout en nourrissant des impulsions profondément antisociales. Il exalte le respect des règlements, secrètement convaincu qu’ils ne s’appliquent pas à lui. [...]
Si Narcisse ne se soucie pas de l’avenir, c’est, en partie, parce qu’il s’intéresse peu au passé. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 24-25


“[...] the devaluation of the past has become one of the most important symptoms of the cultural crisis to which this book addresses itself, often drawing on historical experience to explain what is wrong with our present arrangements. A denial of the past, superficially progressive and optimistic, proves on closer analysis to embody the dispair of a society that cannot face the future.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), Preface, p. xviii
« [...] la dépréciation du passé est devenue l’un des symptômes les plus significatifs de la crise culturelle à laquelle ce livre est consacré. Je ferai souvent appel à l’expérience historique pour expliquer nos errements présents. Le refus du passé, attitude superficiellement progressiste et optimiste, se révèle, à l’analyse, la manifestation du désespoir d’une société incapable de faire face à l’avenir. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 27


To live for the moment is the prevailing passion—to live for yourself, not for your predecessors or posterity. We are fast losing the sense of historical continuity, the sense of belonging to a succession of generations originating in the past and stretching into the future. It is the waning of the sense of historical time [...].”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 5
« Vivre dans l’instant est la passion dominante — vivre pour soi-même, et non pour ses ancêtres ou la postérité. Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur. C’est le déclin de sens du temps historique. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 31


We live in a swirl of images and echoes that arrest experience and play it back in slow motion. Cameras and recording machines not only transcribe experience but alter its quality [...]. Life presents itself as a succession of images or electronic signals, of impressions recorded and reproduced by means of photography, motion pictures, television, and sophisticated recording devices. Modern life is so thoroughly mediated by electronic images that we cannot help responding to others as if their actions—and our own—were being recorded and simultaneously transmitted to an unseen audience or stored up for close scrutiny at some later time.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 47
« Nous vivons dans un tourbillon d’images et d’échos qui interrompt l’expérience et la rejoue au ralenti. Les caméras et les machines à enregistrer ne transcrivent pas seulement le vécu, elles en altèrent la qualité. [...] La vie se présente comme une succession d’images ou de signaux électroniques, d’impressions enregistrées et reproduites par la photographie, le cinéma et la télévision, et des moyens d’enregistrement perfectionnés. La vie moderne est si complètement médiatisée par les images électroniques qu’on ne peut s’empêcher de réagir à autrui comme si leurs actions — et les nôtres — étaient enregistrées et transmises simultanément à une audience invisible ou emmagasinées pour être scrutées plus tard. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 80


“[...] Robinson Crusoe embodied the ideal type of economic man, the hero of bourgeois society in its ascendancy [...].

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 53
« [...] Robinson Crusoé incarne le type idéal de l’homme économique, héros de la société bourgeoise ascendante [...]. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 87


The American cult of friendliness conceals but does not eradicate a murderous competition for goods and position; indeed this competition has grown more savage in an age of diminishing expectations.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 64
« Le culte américain de l’amabilité cache sans la supprimer une compétition meurtrière pour l’acquisition de biens ou de postes ; au contraire, cette compétition est devenue plus sauvage à notre époque de désenchantement. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 103


In some ways middle-class society has become a pale copy of the black ghetto, as the appropriation of its language would lead us to believe.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 67
« [...] la société bourgeoise américaine est devenue une pâle copie du ghetto noir, et l’appropriation de son langage peut paraître une illustration de cette mutation. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 103


Social conditions now approximate the vision of republican society conceived by the Marquis de Sade at the very outset of the republican epoch. In many ways the most farsighted and certainly the most disturbing of the prophets of revolutionary individualism, Sade defended unlimited self-indulgence as the logical culmination of the revolution in property relations—the only way to attain revolutionary brotherhood in its purest form.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 69
« De nos jours, les conditions sociales se rapprochent de la vision de la société républicaine élaborée par le marquis de Sade au tout début de la Ier République. De bien des façons, celui-ci s'est montré le plus clairvoyant, et certainement le plus troublant, des prophètes de l’individualisme révolutionnaire, en proclamant que la satisfaction illimitée de tous les appétits était l’aboutissement logique de la révolution dans les rapports de propriété, la seule manière d'atteindre la fraternité révolutionnaire dans sa forme la plus pure. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 105


“In a simpler time, advertising merely called attention to the product and extolled its advantages. Now it manufactures a product of its own: the consumer, perpetually unsatisfied, restless, anxious, and bored. Advertising serves not so much to advertise products as to promote consumption as a way of live. It “educates” the masses into an unappeasable appetite not only for goods but for new experiences and personal fulfillment. It upholds consumption as the answer to the age-old discontents of loneliness, sickness, weariness, lack of sexual satisfaction; at the same time it creates new forms of discontent peculiar to the modern age. It plays seductively on the malaise of industrial civilization. Is your job boring and meaningless? Does it leave you with feelings of futility and fatigue? Is your life empty? Consumption promises to fill the aching void; hence the attempt to surround commodities with an aura of romance; with allusions to exotic places and vivid experiences; and with images of females breasts from which all blessings flow.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 72-73
« À une époque moins complexe, la publicité se contentait d’attirer l’attention sur un produit et de vanter ses avantages. Maintenant, elle fabrique son propre produit : le consommateur, être perpétuellement insatisfait, agité, anxieux, blasé. La publicité sert moins à lancer un produit qu’à promouvoir la consommation comme style de vie. Elle “éduque” les masses à ressentir un appétit insatiable, non seulement de produits, mais d’expériences nouvelles et d’accomplissement personnel. Elle vante la consommation, remède universel aux maux familiers que sont la solitude, la maladie, la fatigue, l’insatisfaction sexuelle. Mais simultanément, elle crée de nouvelles formes de mécontentements, spécifiques de l’âge moderne. Elle utilise et stimule le malaise de la civilisation industrielle. Votre travail est ennuyeux et sans signification ? Il vous donne un sentiment de fatigue et de futilité ? Votre existence est vide ? Consommez donc, cela comblera ce vide douloureux. D’où la volonté d’envelopper la marchandise d’une aura romantique d’allusions à des lieux exotiques, à des expériences merveilleuses, et de l’affubler d’images de seins féminins, d’où coulent tous les bien-faits. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 109


“The demands of the mass-consumption economy have made the work ethic obsolete even for workers. Formely the guardians of public health and morality urges the worker to labor as a moral obligation; now they teach him to labor so that he can partake of the fruits of consumption.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 73
« Les demandes de l’économie de la consommation de masse ont rendu caduque la morale du travail, même pour les ouvriers. Auparavant, les gardiens de la santé et la moralité publiques prêchaient l’obligation morale du travail ; maintenant, ils pressent l’ouvrier de travailler pour jouir des fruits de la consommation. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 110


Advertising “allies itself with sexual “revolution”; it sides or seems to side with women against male oppression and with the young against the authority of their elders. The logic of demand creation requires that women smoke and drink in public, move about freely, and assert their right to happiness instead of living for others. The advertising industry thus encourages the pseudo-emancipation of women, flattering them with its insinuating reminder, “You’ve come a long way, baby,” and disguising the freedom to consume as genuine autonomy. Similarly it flatters and glorifies youth in the hope of elevating young people to the status of full-fledged consumers in their own right, each with a telephone, a television set, and a hi-fi in his own room. The “education” of the masses has latered the balance of forces within the family, weakening the authority of the husband in relation to the wife and parents in relation to their children. It emancipates women and children from patriarchal authority, however, only to subject them to the new paternatism of the advertising industry, the industrial corporation, and the state.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 74
La publicité « se met du côté de la femme (ou fait semblant) contre l’oppression masculine, du côté de l’enfant contre l’autorité de ses aînés. Il est logique, du point de vue de la création de la demande que les femmes fument et boivent en public, qu’elles se déplacent librement, qu’elles affirment leurs droits au bonheur, plutôt que de vivre pour les autres. L’industrie de la publicité encourage ainsi une pseudo-émancipation qu’elle flatte en lui rappelant insidieusement “Tu reviens de loin, ma belle”, sur une marque de cigarette, et déguise sa liberté de consommer en autonomie authentique. De même, elle encense et glorifie la jeunesse dans l’espoir d’élever les jeunes au rang de consommateurs de plein droit, avec téléphone, télévision, appareil haute-fidélité dans sa chambre. L’“éducation” des masses a altéré l’équilibre des forces au sein de la famille, affaiblissant l’autorité du mari vis-à-vis de sa femme, et celle des parents vis-à-vis de leurs enfants. Mais si elle émancipe femmes et enfants de l’autorité patriarcale, ce n’est que pour mieux les assujettir au nouveau paternalisme de la publicité, des grandes entreprises industrielles et de l’État. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 110-111


The degeneration of politics into spectacle has not only transformed policy making into publicity, debased political discourse, and turned elections into sporting events in which each side claims the advantage of “momentum,” it has also made it more difficult than ever to organize a political opposition. When the images of power overshadow the reality, those without power find themselves fighting phantoms. Particularly in a society where power likes to present itself in the guise of benevolence—where government seldom resorts to the naked use of force—it is hard to identify the oppressor, let alone to personify him, or to sustain a burning sense of grievance in the masses.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 81-82
« La dégénérescence de la politique en spectacle a transformé les programmes d’action en publicité, avili le commentaire politique, et tourné les élections en événements sportifs, chaque parti proclamant que “l’élan” est de son côté. Elle a aussi rendu plus difficile que jamais l’organisation d’une opposition politique. Lorsque les images du pouvoir éclipsent sa réalité, ceux qui sont sans pouvoir se battent contre des fantômes. Dans une société où le pouvoir aime se présenter sous un aspect débonnaire — le gouvernement n’ayant que rarement recours à l’utilisation brutale de la force — il est particulièrement difficile d’identifier l’oppresseur, plus encore de le personnifier, ou de maintenir un sentiment brûlant d’injustice dans la population. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 118-119


A narcissistic society worships celebrity rather than fame and substitutes spectacle for the older forms of theater, which encouraged identification and emulation precisely because they carefully preserved a certain distance between the audience and the actors, the hero worshipper and the hero.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 86
« Une société narcissique vénère la célébrité plus que la renommée et substitue l’envahissement du spectacle aux formes traditionnelles du théâtre, parce que celle-ci, précisément, conservaient soigneusement une certaine distance entre le public et les acteurs, entre la vénération vouée au héros et le héros lui-même. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 123


“[...] advertising encourages men as well as women to see the creation of the self as the highest form of creativity.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 86
« [...] la publicité encourage les hommes autant que les femmes à considérer la création de leur moi comme la plus haute forme de créativité. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 130


“[...] the democratization of education has [...] neither improved popular understanding of modern society, raised the quality of popular culture, nor reduced the gap between wealth and poverty, which remains as wide as ever. On the other hand, it has contributed to the decline of critical thought and the erosion of intellectual standards, forcing us to consider the possibility that mass education, as conservatives have argued all along, is intrinsically incompatible with the maintenance of educational quality.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1979 (ISBN 9780393307382), p. 125
« [...] la démocratisation de l’enseignement n’a [...] ni permis au peuple dans son ensemble de mieux comprendre la société moderne, ni amélioré la qualité de la culture populaire, ni enfin réduit l’écart entre riches et pauvres. En revanche, elle a contribué au déclin de la pensée critique et à l’abaissement des niveaux intellectuels. Cette situation nous oblige à nous demander si l’éducation de masse, en fait — et comme les conservateur l’ont toujours affirmé — n’est pas incompatible avec le maintien d’un enseignement de qualité. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 166


Mass education, which began as a promising attempt to democratize the higher culture of the privileged classes, has ended by stupefying the privileged themselves. Modern society has achieved unprecedented rates of formal literacy, but at the same time has produced new forms of illiteracy. People increasingly find themselves unable to use language with ease and precision, to recall the basic facts of their country’s history, to make logical deductions, to understand any but the most rudimentary written texts, or even to grasp their constitutional rights. The conversion of popular traditions of self-reliance into esoteric knowledge administered by experts encourages a belief that ordinary competence in almost any field, even the art of self-government, lies beyond reach of the layman. Standards of teaching decline, the victims of poor teaching come to share the experts’ low opinion of their capacities, and the teaching profession complains of unteachable students.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 127-128
« L’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, a fini par abrutir les privilégiés eux-mêmes. La société moderne, qui a réussi à créer un niveau sans précédent d’éducation formelle, a également produit de nouvelles formes d’ignorance. Il devient de plus en plus difficile aux gens de manier leur langue avec aisance et précision, de se rappeler les faits fondamentaux de l’histoire de leur pays, de faire des déductions logiques, de comprendre des textes écrits autres que rudimentaires, et même de concevoir leurs droits constitutionnels. Les traditions populaires d’autonomie de l’individu ont fait place à des connaissance ésotériques gérées par des experts ; comment ne pas croire, dès lors, qu’une compétence suffisante, dans quelque domaine que ce soit, y compris l’art de se gouverner soit-même, est hors de la portée de l’homme ordinaire ? Les niveaux scolaires baissent, les victimes d’un enseignement médiocre en viennent à croire à la mauvaise opinion que les experts ont de leur capacité ; pendant ce temps, les pédagogues se plaignent d’avoir des élèves à qui l’on ne peut rien enseigner. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 169


“The parent’s abdication of authority intensifies rather than softens the child’s fear of punishment, while identifying thoughts of punishment more firmly than ever with the exercise of arbitrary, overwhelming violence. [...] It is startling for people in a permissive culture to learn that not to be given pain can be felt as a deprivation. Yet it is more painful children for some children to bear guilt unpunished than to get a spanking.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 180
« L’abdication de l’autorité par les parents intensifie la peur de la punition au lieu de l’affaiblir ; elle ancre plus fermement que jamais chez l’enfant l’idée que la punition est un acte arbitraire, d’une violence irrésistible. [...] Dans une société permissive, les gens sont très surpris d’apprendre que d’être privé d’une souffrance peut être ressenti comme une frustration. Pourtant, il est beaucoup plus douloureux, pour certains enfants, d’avoir à porter une culpabilité impunie que de recevoir une fessée. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 227


“Society reinforces these patterns not only through “indulgent education” and general permissiveness but through advertising, demand creation, and the mass culture of hedonism. At first glance, a society based on mass consumption appears to encourage self-indulgence in its most blatant forms. Strictly considered, however, modern advertising seeks to promote not so much self-indulgence as self-doubt. It seeks to create needs, not to fulfill them; to generate new anxieties instead of allaying old ones. By surrounding the consumer with images of the good life, and by associating them with the glamour of celebrity and success, mass culture encourages the ordinary man to cultivate extraordinary tastes, to identify himself with the privileged minority against the rest, and to join them, in his fantasies, in a life of exquisite comfort and sensual refinement. Yet the propaganda of commodities simultaneously makes him acutely unhappy with his lot. By fostering grandiose aspirations, it also fosters self-denigration and self-contempt. The culture of consumption in its central tendency thus recapitulates the socialization earlier provided by the family.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 180-181
« La société renforce ces types de comportement, non seulement par “l’éducation indulgente” et l’attitude permissive qui prévaut, mais aussi par la publicité, la création des besoins et la culture hédoniste de masse. À première vue, on pourrait croire qu’une société fondée sur la consommation de masse encouragerait, chez l’individu, la gratification immodérée de tous ses désirs. Mais, à y bien regarder, on voit que la publicité moderne cherche à promouvoir non pas tant la satisfaction que le doute. Elle veut créer des besoins sans les satisfaire, engendrer des anxiétés nouvelles au lieu d’alléger les anciennes. La culture de masse entoure le consommateur d’images de la “bonne vie”, qu’elle associe à la fascination de la célébrité et de la réussite ; elle encourage ainsi l’homme ordinaire à cultiver des goûts extraordinaires, à s’identifier à la minorité privilégiée (en prenant parti contre “les autres”), et à partager avec celle-ci, dans ses fantasmes, une existence de confort exquis et de raffinement sensuel. Mais, en même temps, la propagande de la marchandise le rend très malheureux de son sort. En encourageant les aspiration grandioses, elle favorise du même coup le dénigrement et le mépris de soi. La tendance primordiale de la consommation de masse est ainsi de récapituler le processus de socialisation engendré, précédemment, par la famille. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 228


“The decline of childrearing as a major preoccupation has freed sex from its bondage to procreation and made it possible for people to value erotic life for its own sake.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 187-188
« [...] procréation et sexualité ont été dissociées, et la vie érotique s’est trouvée ainsi libérée et valorisée pour elle-même. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 236


“Democracy and feminism have now stripped the veil of courtly convention from the subordination of women, revealing the sexual antagonisms formerly concealed by the “feminine mystique.” Denied illusions of comity, men and women find it more difficult than before to confront each other as friends and lovers, let alone as equals.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 190
« Démocratie et féminisme ont maintenant arraché le masque et on mis à nu les antagonismes sexuels jadis cachés par la “mystique féminine”. Privés des illusions que conférait la courtoisie, hommes et femmes éprouvent plus de difficultés qu’auparavant à établir des rapports amicaux ou amoureux, sans même parler de relations entre égaux. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 238


“The emergence of the narcissistic personality reflects among other things a drastic shift in our sense of historical time. Narcissism emerges as the typical form of character structure in a society that has lost interest in the future. Psychiatrists who tell parents not to live through their offspring; married couples who postpone or reject parenthood, often for good practical reasons; social reformers who urge zero population growth, all testify to a pervasive uneasiness about reproduction—to widespread doubts, indeed, about whether our society should reproduce it-self at all. Under these conditions, the thought of our eventual supersession and death becomes utterly insupportable and gives rise to attempts to abolish old age and to extend life indefinitely. When men find themselves incapable of taking an interest in earthly life after their own death, they wish for eternal youth, for the same reason they no longer care to reproduce themselves. When the prospect of being superseded becomes intolerable, parenthood itself, which guarantees that it will happen, appears almost as a form of self-destruction.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 211
« L’émergence de la personnalité narcissique reflète, entre autres, une évolution radicale dans notre façon de percevoir le temps historique. Le narcissisme apparaît comme la forme typique de la structure du caractère dans une société qui a perdu tout intérêt pour l’avenir. Les psychiatres qui incitent les parents à ne pas vivre par procuration au travers de leurs enfants, les couples mariés qui repoussent ou refusent carrément le moment de devenir parents, souvent pour des raisons pratiques justifiées, les réformateurs sociaux qui recommandent le degré zéro de la croissance démographique, tous témoignent d’un malaise général à l’égard de la reproduction — qui va, souvent, jusqu’à mettre en doute le droit de la société elle-même à se perpétuer. Dans ces conditions, la pensée de notre propre évincement et de notre mort devient littéralement insupportable et suscite des tentatives de suppression de la vieillesse et d’extension illimitée de la vie. Lorsque les hommes sont dans l’incapacité de trouver un intérêt quelconque à la vie terrestre qui suivra leur mort, ils rêvent d’une jeunesse éternelle, et la raison qui les y incite est la même que celle qui leur fait perdre le goût de se recréer dans leurs enfants. Quand la perspective de disparaître devient intolérable, le fait même de devenir parent, qui en scelle le destin ressemble quasiment à de l’autodestruction. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 262-263


“[...] the prolongevity movement (together with futurology in general) itself reflects the stagnant character of late capitalist culture. It arises not as a natural response to medical improvements that have prolonged life expectancy but from changing social relations and social attitudes, which cause people to lose interest in the young and in posterity, to cling desperately to their own youth, to seek by every possible means to prolong their own lives, and to make way only with the greatest reluctance for new generations. [...] the dread of age originates not in a “cult of youth” but in a cult of the self. Not only in its narcissistic indifference to future generations but in its grandiose vision of a technological Utopia without old age, the prolongevity movement exemplifies the fantasy of “absolute, sadistic power” which, according to Kohut, so deeply colors the narcissistic outlook. Pathological in its psychological origins and inspiration, superstitious in its faith in medical deliverance, the prolongevity movement expresses in characteristic form the anxieties of a culture that believes it has no future.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 216-217
« [...] le mouvement en faveur de la prolongation de la vie (tout comme la futurologie en général) est le propre reflet de la stagnation de la culture du capitalisme finissant. Il n’est pas une réponse naturelle aux progrès médicaux qui ont prolongé l’espérance de vie. Il provient de l’évolution des relations et des attitudes sociales, entraînant les hommes à perdre tout intérêt pour les jeunes et pour leur postérité, à s’accrocher avec désespoir à leur propre jeunesse, à chercher à tout prix la prolongation de leur propre vie, et à ne s’effacer qu’avec une extrême répugnance devant les nouvelles générations. [...] la crainte du grand âge ne provient pas d’un “culte de la jeunesse”, mais d’un culte du moi. Par son indifférence narcissique à l’avenir des générations futures, et tout autant par sa vision grandiose d’une utopie technologique sans vieillesse, le mouvement pour la prolongation de la vie est un bon exemple du fantasme de “pouvoir absolu et sadique” qui, selon Kohut, imprègne si profondément la vision du monde de Narcisse. L’inspiration et les origines psychologiques de ce mouvement sont pathologiques comme est superstitieuse sa foi dans le salut par la médecine : il exprime, sous une forme caractéristique, les angoisses d’une culture qui croit n’avoir d’avenir. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 268-269


“But at the same time that our society makes it more and more difficult to find satisfaction in love and work, it surrounds the individual with manufactured fantasies of total gratification.

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 231
« La société rend de plus en plus difficile à l’individu de trouver satisfaction dans l’amour et le travail, mais elle l’entoure simultanément de fantasmes fabriqués qui sont censés lui procurer une gratification totale. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 285


A widespread revolt against reason is as much a feature of our world as our faith in science and technology. Archaic myths and superstitions have reappeared in the very heart of the most modern, scientifically enlightened, and progressive nations in the world. [...]

New Age spirituality no less than technological utopianism, is rooted in primary narcissism. If the technological fantasy seeks to restore the infantile illusion of self-sufficiency, the New Age movement seeks to restore the illusion of symbiosis, a feeling of absolute oneness with the world. [...]

New Age spirituality may take strange shapes, but it is a prominent feature of our cultural landscape, like fundamentalism itself, which has grown steadily in recent years.”

(en) Christopher Lasch, The Culture of Narcissism (1979), éd. W. W. Norton & Company, 1991, p. 245-248
« Notre monde se définit tout autant par une profonde révolte contre la raison que par notre foi en la science et en la technologie. Des mythes et des superstitions archaïques ont réapparu au sein même des nations les plus modernes, les plus éclairées scientifiquement et les plus progressistes du monde. [...]
Le spiritualisme New Age, tout comme l’utopie technologique, sont enracinés dans le narcissisme primaire. Si le fantasme technologique cherche à restaurer l’illusion infantile de l’autonomie, le mouvement New Age cherche à restaurer l’illusion de la symbiose, le sentiment de ne faire qu’un avec le monde. [...]
La spiritualité New Age peut prendre d’étranges formes, mais elle est une caractéristique éminente de notre paysage culturel, tout comme le fondamentalisme, lequel n’a cessé de progresser ces dernières années. »
(fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 303-306


“Those who covet membership in the new aristocracy of brains tend to congregate on the coasts, turning their back on the heartland and cultivating ties with the international market in fast-moving money, glamour, fashion, and popular culture. It is a question whether they think of themselves as Americans at all. Patriotism, certainly, does not rank very high in their hierarchy of virtues. “Multiculturalism,” on the other hand, suits them to perfection, conjuring up the agreeable image of a global bazaar in which exotic cuisines, exotic styles of dress, exotic music, exotic tribal customs can be savored indiscriminately, with no questions asked and no commitments required. The new elites are at home only in transit, en route to a high-level conference, to the grand opening of a new franchise, to an international film festival, or to an undiscovered resort. Theirs is essentially a tourist’s view of the world—not a perspective likely to encourage a passionate devotion to democracy.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 6
« Ceux qui aspirent à appartenir à la nouvelle aristocratie des cerveaux tendent à se regrouper sur les deux côtes, tournant le dos au pays profond, et cultivant leurs attaches avec le marché international par l’argent hyper-mobile, le luxe, la haute couture et la culture populaire. On peut se demander s’ils se pensent encore comme Américains. Il est clair en tout cas que le patriotisme ne se situe pas très haut dans leur échelle de valeurs. D’un autre côté, le “multiculturalisme” leur convient parfaitement, car il évoque pour eux l’image agréable d’un bazar universel, où l’on peut jouir de façon indiscriminée de l’exotisme des cuisines, des styles vestimentaires, des musiques et de coutumes tribales du monde entier, le tout sans formalités inutiles et sans qu’il soit besoin de s’engager sérieusement dans telle ou telle voie. Les nouvelles élites sociales ne se sentent chez elles qu’en transit, sur le chemin d’une conférence de haut niveau, de l’inauguration de gala d’un nouveau magasin franchisé, de l’ouverture d’un festival international de cinéma, ou d’une station touristique encore vierge. Leur vision du monde est essentiellement celle d’un touriste — perspective qui a peu de chances d’encourager un amour passionné pour la démocratie. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 18


“It shows how confused we are about the meaning of democracy, how far we have strayed from the premises on which this country was founded. The word has come to serve simply as a description of the therapeutic state. When we speak of democracy today, we refer, more often than not, to the democratization of “self-esteem.” The current catchwords—diversity, compassion, empowerment, entitlement—express the wistful hope that deep divisions in American society can be bridged by goodwill and sanitized speech. We are called on to recognize that all minorities are entitled to respect not by virtue of their achievements but by virtue of their sufferings in the past. Compassionate attention, we are told, will somehow raise their opinion of themselves; banning racial epithets and other forms of hateful speech will do wonders for their morale. In our preoccupation with words, we have lost sight of the tough realities that cannot be softened simply by flattering people’s self-image. What does it profit the residents of the South Bronx to enforce speech codes at elite universities?”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 6-7
« Nous voyons en effet combien la signification de la démocratie s’est brouillée, combien nous nous sommes éloignés des prémisses sur lesquelles ce pays a été fondé. Le mot en est arrivé à servir simplement de description à l’État-thérapeute. Aujourd’hui, quand nous parlons de démocratie, nous renvoyons le plus souvent à la démocratisation de l’“estime de soi”. Les scies qui ont cours à l’heure actuelle — diversité, compassion, (re)prise de pouvoir, (re)prise de statut — expriment l’espoir indistinct que l’on pourra surmonter les divisions profondes de la société américaine à force de bonne volonté et de discours aseptisé. On nous demande de reconnaître que toutes les minorités ont droit au respect non pas en vertu de ce qu’elles on accompli mais de ce qu’elles ont souffert dans le passé. On nous explique qu’en prêtant attention avec compassion à ce qu’elles font et disent, nous aboutirons, sans bien savoir comment, à améliorer l’opinion qu’elles ont d’elles-mêmes ; l’interdiction des épithètes raciales et autres formes de discours de haine est censée faire des miracles pour leur moral. Dans cette obsession pour les mots, nous avons perdu de vue les dures réalités qu’il est impossible d’adoucir en se contentant de flatter l’image que les gens se font d’eux-mêmes. Quel avantage les habitants des bas-fonds du Bronx retirent-ils de l’application stricte des codes de discours sur les campus des universités de l’élite ? »
(fr) Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie (1979), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2010 (ISBN 9782081236813), p. 18-19


Suburban shopping malls are no substitute for neighborhoods.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 8
« Les centres commerciaux de la périphérie résidentielle ne peuvent se substituer aux quartiers d’autrefois. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 20


“Having discredited the dominant world view, minorities are in a position to replace it with one of their own or at least to secure equal time for black studies, feminist studies, gay studies, Chicano studies, and other “alternative” ideologies. Once knowledge is equated with ideology, it is no longer necessary to argue with opponents on intellectual grounds or to enter into their point of view. It is enough to dismiss them as Eurocentric, racist, sexist, homophobic—in other words, as politically suspect.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 12-13
« Ayant discrédité la conception du monde dominante, les minorités sont en position de la remplacer par une qui leur est propre ou du moins de s’assurer d’un temps de parole égal pour les black studies, des feminist studies, des gay studies, des Chicago studies, et autres idéologies “alternatives”. Une fois que l’on a déclaré que savoir et idéologie étaient équivalents, il n’est plus nécessaire de débattre avec vos adversaires sur un terrain intellectuel ou d’entrer dans leur manière de voir. Il suffit de les diaboliser comme étant eurocentriques, racistes, sexistes, homophobes — autrement dit, politiquement suspects. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 25


“The spiritual discipline against self-righteousness is the very essence of religion.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 16
« L’essence même de la religion est de proposer une discipline spirituelle contre le pharisaïsme. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 28


“In practice, diversity turns out to legitimize a new dogmatism, in which rival minorities take shelter behind a set of beliefs impervious to rational discussion. The physical segregation of the population in self-enclosed, racially homogeneous enclaves has its counterpart in the balkanization of opinion. Each group tries to barricade itself behind its own dogmas. We have become a nation of minorities; only their official recognition as such is lacking to complete the process. [...] Opinion thus becomes a function of racial or ethnic identity, of gender or sexual preference. Self-selected minority “spokespersons” enforce this conformity by ostracizing those who stray from the party line—black people, for instance, who “think white.””

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 17-18
« Dans la pratique, la diversité sert à légitimer un nouveau dogmatisme, dans lequel des minorités rivales s’abritent derrière un ensemble de croyances qui échappe à la discussion rationnelle. La ségrégation physique de la population dans des ghettos racialement homogènes et refermés sur eux-mêmes a pour pendant la balkanisation de l’opinion. Chaque groupe essaye de se claquemurer derrière ses propres dogmes. Nous sommes devenus une nation de minorités ; il ne manque que leur reconnaissance officielle en tant que telles pour achever le processus. [...] L’opinion devient ainsi fonction de l’identité raciale ou ethnique, du sexe ou de la préférence sexuelle. Des “porte-parole” auto-désignés de la minorité appliquent ce conformisme en frappant d’ostracisme ceux qui dévient de la ligne du parti — par exemple ces noirs qui “pensent blanc”. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 29-30


“[...] we have lost our respect for honest manual labor. We think of “creative” work as a series of abstract mental operations performed in an office, preferably with the aid of computers, not as the production of food, shelter, and other necessities. The thinking classes are fatally removed from the physical side of life—hence their feeble attempt to compensate by embracing a strenuous regimen of gratuitous exercise. Their only relation to productive labor is that of consumers. They have no experience of making anything substantial or enduring. They live in a world of abstractions and images, a simulated world that consists of computerized models of reality—“hyperreality,” as it has been called—as distinguished from the palpable, immediate, physical reality inhabited by ordinary men and women. Their belief in the “social construction of reality”—the central dogma of postmodernist thought—reflects the experience of living in an artificial environment from which everything that resists human control (unavoidably, everything familiar and reassuring as well) has been rigorously excluded. Control has become their obsession. In their drive to insulate themselves against risk and contingency—against the unpredictable hazards that afflict human life—the thinking classes have seceded not just from the common world around them but from reality itself.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 20
« [...] nous avons perdu notre respect pour le travail manuel honnête. Nous avons du travail “créatif” l’image d’une série d’opérations mentales abstraites, accomplies dans un bureau, de préférence avec l’aide d’ordinateurs, et non pas celle de la production de nourriture, d’un toit et des autres nécessités. Les classes intellectuelles sont fatalement éloignées du côté physique de la vie — d’où leur dérisoire tentative de compenser cet éloignement en adhérant à un régime astreignant d’exercices physiques purement gratuits. Leur seul rapport avec le travail productif est en tant que consommateurs. Elles n’ont pas l’expérience de la création de quoi que ce soit de substantiel ou de durable. Elles vivent dans un monde d’abstractions et d’images, un monde virtuel consistant en modèles informatisés de la réalité — une “hyper-réalité” comme on l’a appelée — par opposition à la réalité physique immédiate, palpable, qu’habitent les femmes et les hommes ordinaires. Leur croyance à la “construction sociale de la réalité” — dogme central de la pensée post-moderne — reflète l’expérience de leur vie dans un milieu artificiel d’où a été rigoureusement banni tout ce qui résiste au contrôle humain (ainsi que, c’est inévitable, tout ce qui est familier et rassurant). Le contrôle est devenu leur obsession. Dans leur élan pour s’isoler du risque et de la contingence — pour se prémunir des aléas imprévisibles qui affligent la vie de l’homme — les classes intellectuelles se sont séparées non seulement du monde commun qui les entoure mais aussi de la réalité elle-même. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 32


“[...] those who control the international flow of money and information, preside over philanthropic foundations and institutions of higher learning, manage the instruments of cultural production and thus set the terms of public debate—that have lost faith in the values, or what remains of them, of the West. For many people the very term “Western civilization” now calls to mind an organized system of domination designed to enforce conformity to bourgeois values and to keep the victims of patriarchal oppression—women, children, homosexuals, people of color—in a permanent state of subjection.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 25-26
« [...] ceux qui contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, qui président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignement supérieur, gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public — qui ont perdu foi dans les valeurs de l’Occident, ou ce qu’il en reste. Pour beaucoup de gens, le terme même de “civilisation occidentale” appelle aujourd’hui à l’esprit un système organisé de domination conçu pour imposer la conformité aux valeurs bourgeoises et pour maintenir les victimes de l’oppression patriarcale — les femmes, les enfants, les homosexuels et les personnes de couleur — dans un état permanent d’assujettissement. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 37-38


“[...] feminism, gay rights, welfare rights, agitation against racial discrimination—have nothing in common, but their only coherent demand aims at inclusion in the dominant structures rather than at a revolutionary transformation of social relations. [...]

It is the working and lower middle classes, after all, that favor limits on abortion, cling to the two-parent family as a source of stability in a turbulent world, resist experiments with “alternative lifestyles,” and harbor deep reservations about affirmative action and other ventures in large-scale social engineering.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 27
« Non seulement les nouveaux mouvement sociaux — le féminisme, les droits des homosexuels, les droits au minimum social, l’agitation contre la discrimination raciale — n’ont rien en commun, mais leur seule exigence cohérente vise à être inclus dans les structures dominantes plutôt qu’à une transformation révolutionnaire des rapports sociaux. [...]
Après tout, ce sont les ouvriers et la petite bourgeoisie qui veulent voir limiter le droit à l’avortement qui se cramponnent à la famille bi-parentale comme source de stabilité dans un monde agité, qui s’oppose aux expériences de “modes de vie alternatifs”, et qui nourrissent des réserves profondes sur la discrimination positive et autres efforts d’ingénierie sociale à grande échelle. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 39


“Doctors used to marry nurses, lawyers and executives their secretaries. Now upper-middle- class men tend to marry women of their own class, business or professional associates with lucrative careers of their own.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 33
« Autrefois, les médecins épousaient des infirmières, les avocats et les cadres supérieurs leurs secrétaires. Aujourd’hui, les hommes appartenant à la bourgeoisie aisée tendent à épouser des femmes de leur classe, partenaires d’entreprise ou de cabinet, poursuivant de leur côté une carrière lucrative. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 45


“Their loyalties —if the term is not itself anachronistic in this context—are international rather than regional, national, or local. They have more in common with their counterparts in Brussels or Hong Kong than with the masses of Americans not yet plugged into the network of global communications.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 35
« Leurs allégeances — si le terme n’est pas lui-même anachronique dans un tel contexte — sont internationales plutôt que nationales, régionales ou locales. Ils ont plus de choses en commun avec leurs homologues de Bruxelles ou de Hong-Kong qu’avec les masses d’Américains qui ne sont pas encore branchés dans le réseau de communications mondiales. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 46-47


Washington becomes a parody of Tinseltown; executives take to the airwaves, creating overnight the semblance of political movements; movie stars become political pundits, even presidents; reality and the simulation of reality become more and more difficult to distinguish.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 38
« Washington devient une parodie de la capitale du clinquant qu’est Hollywood ; les P.-D.-G. envahissent les ondes, créant du jour au lendemain des simulacres de mouvements politiques ; les stars de cinéma deviennent experts en politique, voire présidents ; la réalité et la simulation de la réalité deviennent de plus en plus difficiles à distinguer. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 49-50


“The recognition that meritocracy is more efficient than heredity was not enough, in itself, to inspire or justify a “psychological change on the vast scale that the economy required.” Indeed, “The hereditary principle would never have been overthrown,” continues Young’s narrator, “... without the aid of a new religion—and that religion was socialism.” Socialists, “mid- ives of progress,” contributed to the eventual triumph of meritocracy by encouraging large-scale production, by criticizing the family as the nursery of acquisitive individualism, and, above all, by ridiculing hereditary privilege and the “current criterion of success.””

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 42
« La découverte que la méritocratie est plus efficace que l’hérédité n’a pas suffi, en soi, à inspirer ou à justifier “une transformation psychologique à la vaste échelle dont l’économie avait besoin”. De fait, “le principe héréditaire n’aurait jamais été détrôné… (poursuit le narrateur de Young) sans l’aide d’une religion nouvelle — et cette religion fut le socialisme.” Les socialistes, en “accoucheurs du progrès”, ont contribué au triomphe finale de la méritocratie en encourageant la production à grande échelle, en critiquant la famille comme une pépinière de l’individualisme conquérant et surtout en couvrant de ridicule les privilèges héréditaires et “les critères actuels du succès.” »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 54


“[...] segregation of social classes; contempt for manual labor; collapse of the common schools; loss of a common culture. As Young describes it, meritocracy has the effect of making elites more secure than ever in their privileges [...].”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 43
« [...] ségrégation des classes sociales ; mépris pour le travail manuel ; déclin des écoles pour tous ; disparition de la culture commune. Comme le décrit Young, la méritocratie a l’effet de rendre les élites plus fermement établies que jamais dans leurs privilèges [...]. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 55


The revival of tribalism, in turn, reinforces a reactive cosmopolitanism among elites.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 46
« [...] la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 58


“The denationalization of business enterprise tends to produce a class of cosmopolitans who see themselves as “world citizens, but without accepting ... any of the obligations that citizenship in a polity normally implies.””

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 47
« La perte du caractère national de l’entreprise tend à produire une classe d’hommes cosmopolites qui se considèrent comme “des citoyens du monde, mais sans accepter... aucune des obligations que la citoyenneté dans une forme de cité sous-entend normalement.” »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 58


“Capital and labor flow freely across political boundaries that seem increasingly artificial and unenforceable. Popular culture follows in their wake. On the other hand, tribal loyalties have seldom been so aggressively promoted. On the other hand, tribal loyalties have seldom been so aggressively promoted. Religious and ethnic warfare breaks out in one country after another […].

It is the weakening of the nation-state that underlies both these developments—the movement toward unification and the seemingly contradictory movement toward fragmentation. The state can no longer contain ethnic conflicts, nor, on the other hand, can it contain the forces leading to globalization. Ideologically nationalism comes under attack from both sides: from advocates of ethnic and racial particularism but also from those who argue that the only hope of peace lies in the internationalization o everything from weights and measures to the artistic imagination.

The decline of nations is closely linked, in turn, to the global decline of the middle class.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 47-48
« Le capital et le travail circulent librement à travers des frontières politiques qui semblent de plus en plus artificielles et impossibles à faire respecter. [...] D’un autre côté, les allégeances tribales ont rarement été mises en avant avec autant d’agressivité. Les conflits religieux et ethniques éclatent dans un pays après l’autre [...].
C’est l’affaiblissement de l’État-nation qui sous-tend ces deux évolutions — le mouvement qui va vers l’unification et le mouvement apparemment contradictoire vers la fragmentation. L’État ne peut plus contenir les conflits ethniques, ni d’autre part les forces qui conduisent vers la mondialisation. Idéologiquement, le nationalisme se trouve attaqué sur deux fronts : par les défenseurs des particularismes ethniques et raciaux mais aussi par ceux qui soutiennent que le seul espoir de paix réside dans l’internationalisation de tout, depuis les poids et mesures jusqu’à l’imagination artistique.
Le déclin des nations est étroitement lié à son tour au déclin mondial de la classe moyenne. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 59


The growing insularity of elites means, among other things, that political ideologies lose touch with the concerns of ordinary citizens. Since political debate is restricted, most of the time, to the “talking classes,” as they have been aptly characterized, it becomes increasingly ingrown and formulaic. Ideas circulate and recirculate in the form o buzzwords and conditioned reflex. The old dispute between left and right has exhausted its capacity to clarify issues and to provide a reliable map of reality. In some quarters the very idea of reality has come into question, perhaps because the talking classes inhabit an artificial world in which simulations of reality replace the thing itself.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 80
« L’isolement croissant des élites signifie entre autres choses que les idéologies politiques perdent tout contact avec les préoccupations du citoyen ordinaire. Le débat politique se restreignant la plupart du temps aux “classes qui détiennent la parole”, comme on a eu raison de les décrire, devient de plus en plus nombriliste et figé dans la langue de bois. Les idées circulent et recirculent sous forme de scies et de réflexes conditionnés. La vieille querelle droite-gauche a épuisé sa capacité à clarifier les problèmes et à fournir une carte fiable de la réalités. Dans certains secteurs, l’idée même de la réalité est mise en cause, peut-être parce que les classes qui détiennent la parole habitent un monde artificiel dans le quel des simulations de la réalité remplacent la réalité proprement dite. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 89


“Ideologues of the right and left, instead of addressing the social and political developments that tend to call conventional pieties into question, prefer to exchange accusations of fascism and socialism—this in spite of the obvious fact that neither fascism nor socialism represents the wave of the future.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 81
« Au lieu d’affronter les évolutions politiques et sociales qui tendent à remettre en cause les idoles conventionnelles, les idéologues de droite et de gauche préfèrent s’envoyer des accusations de socialisme et de fascisme — ceci en dépit de la réalité évidente qui ni le socialisme ni le fascisme ne représentent le mouvement de l’avenir. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 90


The thinking classes seem to labor under the delusion that they alone have overcome racial prejudice. The rest of the country, in their view, remains incorrigibly racist.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 90
« Les classes intellectuelles semblent souffrir de l’illusion qu’elles sont les seules à avoir triomphé des préjugés raciaux. Selon elles, le reste du pays demeure incorrigiblement raciste. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 99


“The market itself, the central institution of a liberal society, presupposes, at the very least, sharp-eyed, calculating, and clearheaded individuals—paragons o rational choice. It presupposes not just self-interest but enlightened self- interest. It was for this reason that nineteenth-century liberals attached so much importance to the family. The obligation to support a wife and children, in their view, would discipline possessive individualism and transform the potential gambler, spectator, dandy, or confidence man into a conscientious provider.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 95
« Le marché lui-même, l’institution centrale d’une société libérale, présuppose à tout le moins des individus éveillés, calculateurs et lucides — des parangons de choix rationnel. Il ne présuppose pas seulement l’intérêt personnel, mais un intérêt personnel éclairé. C’est pour cette raison que les libéraux du XIXe siècle attachaient tant d’importance à la famille. L’obligation de subvenir aux besoins d’une épouse et d’enfants devait, dans leur idée, discipliner l’individualisme accapareur et transformer celui qui était en puissance un joueur, un spectateur détaché, un dandy ou un escroc, en homme scrupuleux et prévoyant. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 103-104


“The more closely capitalism came to be identified with immediate gratification and planned obsolescence, the more relentlessly it wore away the moral foundations of family life.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 95
« Plus le capitalisme en est venu à s’identifier à la gratification immédiate et à l’obsolescence systématique, plus il s’est attaqué sans relâche aux fondements moraux de la vie de famille. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 104


Material abundance weakened the economic as well as the moral foundations of the “well-ordered family state” admired by nineteenth-century liberals. The family business gave way to the corporation, the family farm (more slowly and painfully) to a collectivized agriculture ultimately controlled by the same banking houses that had engineered the consolidation of industry.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 96
« L’abondance matérielle a affaibli les fondements moraux aussi bien qu’économiques de “l’État familial bien ordonné” qu’admiraient les libéraux du XIXe siècle. L’entreprise familiale a cédé la place à la société anonyme, l’exploitation agricole familiale a reculé (plus lentement et de façon plus douloureuse) devant une agriculture collectivisée contrôlée en définitive par les même banques qui avaient mis en œuvre la restructuration financière de l’industrie. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 104


Even liberal individuals require the character-forming discipline of the family, the neighborhood, the school, and the church, all of which (not just the family) have been weakened by the encroachments of the market.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 97
« Même les individus libéraux ont besoin de la discipline formatrice du caractère que constituent la famille, le quartier, l’école et l’église, tous affaiblis (et pas seulement la famille) par les intrusions du marché. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 106


Neighborhoods have been destroyed not only by the market—by crime and drugs or less dramatically by suburban shopping malls—but also by enlightened social engineering.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 98
« Les quartiers ont été détruits, non seulement par le marché — c’est-à-dire, par la criminalité et la drogue ou, de façon moins spectaculaire, par les centres commerciaux suburbains — mais aussi par la planification sociale progressiste. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 107


“[...] our cultural infrastructure needs attention too, and more than just the rhetorical attention of politicians who praise “family values” while pursuing economic policies that undermine them. It is either naïve or cynical to lead the public to think that dismantling the welfare state is enough to ensure a revival of informal cooperation [...]. Market mechanisms will not repair the fabric of public trust. On the contrary, the market’s effect on the cultural infrastructure is just as corrosive as that of the state.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 100-101
« [...] nos infrastructures culturelles nécessitent aussi l’attention et ne sauraient se contenter de celle, purement rhétorique, de politiciens qui font l’éloge des “valeurs de la famille” tout en menant des politiques économiques qui les sapent. Il est naïf ou bien cynique d’induire le public à croire qu’il suffit de démanteler l’État-providence pour garantir une résurgence de la coopération spontanée [...]. Les mécanismes du marché ne répareront pas le tissu de la confiance publique. Au contraire, l’effet du marché sur l’infrastructure culturelle est tout aussi corrosif que celui de l’État. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 108-109


“Early admirers of the market—Adam Smith, for example—believed that selfishness was a virtue only if it was confined to the realm of exchange. They did not advocate or even envision conditions in which every phase of life would be organized according to the principles of the market.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 102
« Les partisans originels du marché — par exemple, Adam Smith — croyaient que l’égoïsme n’était une vertu que s’il était borné au domaine de l’échange. Ils ne défendaient ni même ne prévoyaient des conditions dans lesquelles toutes les phases de la vie seraient organisées selon les principes du marché. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 110


“The ideology of compassion, however agreeable to our ears, is one of the principal influences, in its own right, on the subversion of civic life, which depends not so much on compassion as on mutual respect. A misplaced compassion degrades both the victims, who are reduced to objects of pity, and their would-be benefactors, who find it easier to pity their fellow citizens than to hold them up to impersonal standards, attainment of which would entitle them to respect. We pity those who suffer, and we pity, most of all, those who suffer conspicuously; but we reserve respect for those who refuse to exploit their suffering for the purposes of pity. [...]

Compassion has become the human face of contempt. Democracy once implied opposition to every form of double standard. Today we accept double standards—as always, a recipe for second-class citizenship —in the name of humanitarian concern. [...]

Democracy in our time is more likely to die o indifference than of intolerance. Tolerance and understanding are important virtues, but they must not become an excuse for apathy.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 105-107
« [...] l’idéologie de la compassion est en elle-même l’une des influences principales qui subvertissent la vie civique, car celle-ci dépend moins de la compassion que du respect mutuel. Une compassion mal placée dégrade aussi bien les victimes, réduites à n’être que des objets de pitié, que ceux qui voudraient se faire leurs bienfaiteurs et qui trouvent plus facile d’avoir pitié de leurs concitoyens que de leur appliquer des normes impersonnelles qui donneraient droit au respect à ceux qui les atteignent. Nous avons pitié de ceux qui souffrent, et surtout de ceux qui souffrent de manière bien visible ; mais nous réservons notre respect à ceux qui refusent d’exploiter leur souffrance à des fins de pitié. [...]
La compassion est devenue le visage humain du mépris. Autrefois, la démocratie sous-entendait l’opposition à toutes les formes de normes inégales. Aujourd’hui, nous acceptons les normes inégales — comme toujours, elles anticipent la citoyenneté à deux vitesse — au nom du souci humanitaire. [...]
De nos jours, il y a plus de chances pour que la démocratie meure d’indifférence que d’intolérance. La tolérance et la compréhension sont des vertus importantes, mais elles ne doivent pas devenir un prétexte pour l’apathie. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 113-115


If we can surmount the false polarizations now generated by the politics of gender and race, we may find that the real divisions are still those of class.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 113-114
« Si nous pouvons surmonter les fausses polarisations que suscite aujourd’hui la politique dominée par les questions de sexe et de race, peut-être découvrirons-nous que les divisions réelles restent celles de classes. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 122


“Argument is risky and unpredictable, therefore educational. Most of us tend to think of it (as Lippmann thought of it) as a clash of rival dogmas, a shouting match in which neither side gives any ground. But arguments are not won by shouting down opponents. They are won by changing opponents’ minds—something that can happen only if we give opposing arguments a respectful hearing and still persuade their advocates that there is something wrong with those arguments.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 170-171
« La discussion est risquée et imprévisible, et pour cette raison elle est éducative. Pour la plupart d’entre nous, nous tendons à y voir (comme Lippmann) le choc de dogmes rivaux, une foire d’empoigne où aucun des deux camps ne cède de terrain. Mais on ne remporte pas une discussion en faisant taire ses adversaires à force de hurlements. On la remporte en faisant changer d’avis son adversaire — chose qui ne peut arriver que si l’on accorde une écoute respectueuse aux arguments adverses et que l’on persuade quand même ceux qui les avancent qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans ces arguments. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 176-177


“The press, by seeing its role as that of informing the public, abandons its role as an agency for carrying on the conversation of our culture.” Having embraced Lippmann’s ideal of objectivity, the press no longer serves to cultivate “certain vital habits” in the community: “the ability to follow an argument, grasp the point of view of another, expand the boundaries of understanding, debate the alternative purposes that might be pursued.” [...]

Unless information is generated by sustained public debate, most of it will be irrelevant at best, misleading and manipulative at worst. Increasingly information is generated by those who wish to promote something or someone—a product, a cause, a political candidate or officeholder—without arguing their case on its merits or explicitly advertising it as self-interested material either.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 172-174
« “La presse en percevant son rôle comme celui d’informer le public abandonne le rôle d’organisme chargé de faire vivre la conversation de notre culture.” Ayant adhéré à l’idéal d’objectivité de Lippmann, la presse ne sert plus à cultiver “certaines habitudes vitales” dans la communauté : “la capacité de suivre un argument, de saisir le point de vue d’autrui, d’élargir les frontières de l’entendement, de débattre les différentes finalités que l’on pourrait choisir de viser.” [...]
Si l’information n’est pas produite par un débat public soutenu, elle sera pour l’essentiel au mieux dépourvue de pertinence, et au pire trompeuse et manipulatrice. De plus en plus, l’information est produite par des gens qui désirent promouvoir quelque chose ou quelqu’un — un produit, une cause, un candidat ou un élu — sans s’en remettre pour cela à ses qualités intrinsèques ni en faire explicitement la réclame en avouant qu’ils y ont un intérêt personnel. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 178-180


“An insidious double standard, masking as tolerance, denies those minorities the fruits of the victory they struggled so long to achieve: access to the world’s culture. The underlying message that they are incapable of appreciating or entering into that culture comes through just as clearly in the new academic “pluralism” as in the old intolerance and exclusion; more clearly, indeed, since exclusion rested on fear more than contempt. Thus slaveowners feared that access to the best of Euro-American culture would encourage a taste for freedom.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 185
« Un système de critères insidieusement inégaux qui se donne l’apparence de la tolérance dénie à ces minorités les fruits de la victoire pour laquelle elles se sont battues si longtemps : l’accès à la culture mondiale. Le message sous-jacent, selon lequel elles sont incapables de goûter cette culture ou d’entrer dedans, nous parvient avec tout autant de clarté dans le nouveau “pluralisme” universitaire que dans l’intolérance et l’exclusion d’autrefois ; avec davantage de clarté, même, puisqu’alors l’exclusion reposait plus sur la peur que sur le mépris. C’est ainsi que les propriétaires d’esclaves redoutaient que l’accès aux chefs-d’oeuvre de la culture euro-américaine n’encourage chez leurs esclaves le goût de la liberté. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 190


“As Gramsci taught us a long time ago, no ideology could ever achieve “hegemony” if it served merely to legitimate the interests of a particular class and to “set aside” those of others. It is their capacity to speak to enduring human needs and desires that makes ideologies compelling, even though their view of the world is necessarily blind to their own limitations.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 191
« Comme Gramsci nous l’a enseigné il y a longtemps, aucune idéologie ne pourrait jamais atteindre à « l’hégémonie » si elle servait simplement à légitimer les intérêts d’une classe particulière et à “écarter” ceux des autres. C’est leur aptitude à répondre à des besoins et des désirs humains durables qui rend les idéologies convaincantes, même si leur conception du monde est nécessairement aveugle sur leurs propres limitations. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 195


“The separation of church and state, nowadays interpreted as prohibiting any public recognition of religion at all, is more deeply entrenched in America than anywhere else. Religion has been relegated to the sidelines of public debate. Among elites it is held in low esteem—something useful for weddings and funerals but otherwise dispensable. A skeptical, iconoclastic state of mind is one of the distinguishing characteristics of the knowledge classes. Their commitment to the culture of criticism is understood to rule out religious commitments. The elites’ attitude to religion ranges from indifference to active hostility.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 215
« La séparation de l’Église et de l’État, qui est interprétée aujourd’hui comme interdisant absolument toute reconnaissance publique de la religion, est plus profondément enracinée en Amérique que nulle part ailleurs. La religion s’est trouvée reléguée dans la coulisse du débat public. Chez les élites, elle est peu estimée — quelque chose qui sert à l’occasion des mariages et des enterrements, mais dont on peut autrement faire l’économique. L’état d’esprit sceptique, iconoclaste, est l’un des traits caractéristiques qui distinguent les classes savantes. Il est compris que leur adhésion à la culture de la critique exclut tout engagement religieux. L’attitude de ces élites à l’égard de la religion va de l’indifférence à une hostilité active. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 219


The vacuum left by secularization has been filled by a permissive culture that replaces the concept of sin with the concept of sickness. [...] The psychoanalytic movement, wellspring o the therapeutic culture, stood in a highly ambiguous relation to religion, at once complementary and competitive. Psychoanalysis too presented itself as a cure of souls, a source of moral insight. Its method, introspection, linked it to a long tradition of speculation in which self-knowledge is seen as the necessary beginning of wisdom.

Sickness and health replaced guilt, sin, and atonement as the dominant concerns guiding those who struggled to make sense of the buried life of the mind.

It did not take people long to see that a therapeutic point of view could be put to social and political uses. It served to lift the burden of moral failure once associated with poverty and unemployment, to shift the blame from the individual to “society,” and to justify policies designed to relieve those who suffered through no fault of their own.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 216-218
« Le vide créé par la laïcisation a été comblé par une culture permissive qui substitue au concept de péché celui de maladie. [...] Le mouvement psychanalytique, qui est à la source de cette culture thérapeutique avait à la religion un rapport extrêmement ambigu, à la fois de complémentarité et de rivalité. La psychanalyse aussi se représentait comme guérissant les âmes, offrant un trésor de réflexions morales profondes. Sa méthode, l’introspection, la reliait à une longue tradition spéculative où l’on perçoit la connaissance de soi comme le commencement nécessaire de la sagesse. [...]
La maladie et la santé ont remplacé la culpabilité, le péché et la pénitence comme soucis dominants de ceux qui s’efforçaient de donner du sens à la vie enfouie de l’esprit. [...]
Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que les gens voient que l’on pouvait utiliser un point de vue thérapeutique à des fins sociales et politiques. Il a servi à lever le poids de la tare morale que l’on associait autrefois à la pauvreté et au chômage, à faire passer la responsabilité de l’individu sur la “société” et à justifier des mesures politiques conçues pour soulager ceux qui souffraient sans qu’il y aille en rien de leur faute. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 219-222


“[...] the cultural revolution of the late sixties discredited the idea of committed public scholarship. The concept of the public became indistinguishable from the phenomenon of publicity.

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 226
« [...] la révolution culturelle des années soixante a discrédité l’idée de savoir public engagé. Le concept de public est devenu inséparable du phénomène de publicité. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 229


“The barrier that divides the past from the present—an impassable barrier, in the imagination of modernity—is the experience of disillusionment, which makes it impossible to recapture the innocence of earlier days. Disillusionment, we might say, is the characteristic form of modern pride, and this pride is no less evident in the nostalgic myth of the past than in the more aggressively triumphal version of cultural progress that dismisses the past without regrets. Nostalgia is superficially loving in its re-creation of the past, but it evokes the past only to bury it alive. It shares with the belief in progress, to which it is only superficially opposed, an eagerness to proclaim the death of the past and to deny history’s hold on the present. Those who mourn the death of the past and those who acclaim it both take for granted that our age has outgrown its childhood.”

(en) Christopher Lasch, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy (1994), éd. W. W. Norton & Company, 1996 (ISBN 9780393313710), p. 241-242
« La barrière qui sépare le passé du présent — barrière infranchissable, dans l’imagination de la modernité — est l’expérience du désillusionnement, qui rend impossible de ressaisir l’innocence des premiers jours. Nous pourrions dire que le désillusionnent est la forme caractéristique de l’orgueil moderne, et cet orgueil ne se donne pas moins à voir dans le mythe nostalgique du passé que dans la version plus agressivement triomphante du progrès culturel qui écarte le passé sans regrets. En surface, la nostalgie a une attitude aimante dans sa recréation du passé, mais elle ne l’évoque que pour l’enterrer tout vivant. En commun avec la croyance au progrès, à laquelle son opposition n’est que de surface, elle partage l’ardeur à annoncer que le passé est mort et à nier que l’histoire ait une emprise sur le présent. Ceux qui pleurent la mort du passé et ceux qui la célèbrent partent les uns comme les autres de l’assurance que notre époque est sortie de l’enfance. »
(fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 244


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