Différences entre les versions de « José Ortega y Gasset »
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« La raison en est évidente : '''l’architecture n’est, ne peut, ne doit pas être un art exclusivement personnel. C’est un art collectif. L’architecte authentique est tout un peuple.''' Il donne les ressources pour la construction, lui donne sa finalité et son unité. Imaginons une ville construite par des architectes “géniaux”, mais laissant libre cours, chacun de leur côté, à leur style personnel. Chacun de ces bâtiments pourrait être magnifique, l’ensemble n’en resterait pas moins bizarre et désagréable. Dans de telles circonstances, on accuserait inconsidérément et à grands cris une composante de tout art sur laquelle nous ne nous sommes pas assez arrêtés : ce qui relève du caprice. La capriciosité se manifesterait nue, cynique, indécente, intolérable. » | « La raison en est évidente : '''l’architecture n’est, ne peut, ne doit pas être un art exclusivement personnel. C’est un art collectif. L’architecte authentique est tout un peuple.''' Il donne les ressources pour la construction, lui donne sa finalité et son unité. Imaginons une ville construite par des architectes “géniaux”, mais laissant libre cours, chacun de leur côté, à leur style personnel. Chacun de ces bâtiments pourrait être magnifique, l’ensemble n’en resterait pas moins bizarre et désagréable. Dans de telles circonstances, on accuserait inconsidérément et à grands cris une composante de tout art sur laquelle nous ne nous sommes pas assez arrêtés : ce qui relève du caprice. La capriciosité se manifesterait nue, cynique, indécente, intolérable. » | ||
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− | « | + | « Parménide se présente avec un poème, tandis que [[Héraclite]] foudroie à coup d’aphorismes. Socrate bavarde. Platon nous submerge de la grande veine fluviale de ses dialogues, Aristote rédige les chapitres escarpés de ses ''pragmateias'' [...]. » |
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− | « | + | « [...] quelle force réelle a produit cette communauté de millions d’hommes sous la souveraineté d’un pouvoir public que nous appelons France, Angleterre, Espagne, Italie ou Allemagne ? Cette force ne fut pas une préalable communauté de sang, puisqu’en chacun de ces corps collectifs coulaient des sangs très divers. Ce n’a pas été non plus l’unité linguistique, puisque les peuples aujourd’hui réunis en un État parlaient ou parlent encore des idiomes différents. '''L’homogénéité relative de race et de langue''' dont ils jouissent — à supposer que ce soit une jouissance — '''est le résultat de la préalable unification politique. Par conséquent, ni le sang, ni l’idiome ne font l’État national ; au contraire, c’est l’État national qui nivelle les différences originelles des globules rouges et des sons articulés.''' Et il en fut toujours ainsi. Rarement, pour ne pas dire jamais, ''l’État n’aura coïncidé avec une identité préalable de sang et de langage''. Pas plus que l’Espagne n’est aujourd’hui un état national ''parce'' qu’on y parle partout l’espagnol, l’Aragon et la Catalogne ne furent des État nationaux, ''parce'' qu’un certain jour, arbitrairement choisi, les limites territoriales de leur souveraineté coïncidèrent avec celles du parler aragonais ou catalan. [...] toute unité linguistique qui embrasse un territoire de quelque étendue est presque sûrement le précipité de quelque unification politique. L’État a toujours été le grand truchement. » |
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+ | « Pour la première fois, l’Européen, en se heurtant dans ses projets économiques, politiques, intellectuels, aux limites de sa nation, sent que ces projets — c’est-à-dire ses possibilités d e vie, son style vital — sont en disproportion avec le cadre du corps collectif dans lequel il est enfermé. Il a découvert alors qu’être anglais, allemand ou français, c’est être provincial. Il a donc découvert qu’il est moins qu’avant, puisque autrefois l’Anglais, le Français et l’Allemand croyaient, chacun de leur côté, qu’ils étaient l’univers. C’est là qu’il faut voir, à ce qu’il me semble, la véritable origine de cette impression de décadence qui afflige l’Européen. Il s’agit donc d’une origine purement intime et paradoxale, puisque la présomption d’avoir diminué naît précisément du fait que sa capacité s’est accrue et se heurte à une organisation vieillie, à l’intérieur de laquelle elle ne peut plus se développer à l’aise. [...] | ||
− | + | La véritable situation de l’Europe en arriverait donc à être celle-ci : son vaste et magnifique passé l’a fait parvenir à un nouveau stade de vie où tout s’est accru ; mais en même temps, les structures survivantes de ce passé sont petites et paralysent son expansion actuelle. L’Europe s’est constituée sous forme de petites nations. En un certain sens, l’idée et les sentiments nationaux ont été son invention la plus caractéristique. Et maintenant elle se voit obligée de se dépasser elle-même. Tel est le schéma du drame énorme qui va se jouer dans les années à venir. Saura-t-elle se libérer de ses survivances ou en restera-t-elle prisonnière ? Car il est déjà arrivé une fois dans l’histoire qu’une grande civilisation est morte de n’avoir pu modifier son idée traditionnelle de l’État... » | |
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− | « | + | « Dans les chapitres précédents, j’ai tenté d’esquisser un nouveau type d’homme qui prédomine aujourd’hui dans le monde ; je l’ai appelé l’homme-masse, et j’ai fait remarquer que sa principale caractéristique consiste en ce que, se sachant vulgaire, il proclame le droit à la vulgarité, et se défend de se reconnaître des instances supérieures. » |
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− | « | + | « L’homme masse actuel est en effet un primitif qui s’est glissé par les coulisses sur la vieille scène de la civilisation. » |
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− | « | + | « L’homme qui domine aujourd’hui est un primitif, un ''Naturmensch'' surgissant au milieu d’un monde civilisé. C’est le monde qui est civilisé, et non ses habitants qui, eux, n’y voient même pas la civilisation, mais en usent comme si elle était le produit même de la nature. L’homme nouveau désire une automobile et en jouit ; mais il croit qu’elle est le fruit spontané d’un arbre édénique. Au fond de son âme, il méconnaît le caractère artificiel, presque invraisemblable de la civilisation, et il n’étendra pas l’enthousiasme qu’il éprouve pour les appareils, jusqu’aux principes qui les rendent possibles. » |
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− | « [...] | + | « [...] nous distinguions l’homme d’élite de l’homme médiocre en affirmant que le premier exige beaucoup plus de lui même, tandis que le second, au contraire, toujours satisfait de lui, se contente d’être ce qu’il est. Contrairement à ce que l’on croit habituellement, c’est la créature d’élite et non la masse qui vit “essentiellement” dans la servitude. Sa vie lui paraît sans but s’il ne la consacre au service de quelque obligation supérieure. Aussi la nécessité de servir ne lui apparaît pas comme une oppression, mais au contraire, lorsque cette nécessité lui fait défaut, il se sent inquiet, et invente de nouvelles règles plus difficiles, plus exigeantes, qui l’oppriment. Telle est la vie-discipline, la vie noble. La noblesse se définit par l’exigence, par les obligations, et non par les droits. » |
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− | « | + | « Pour l’homme moyen du passé, vivre, c’était se heurter à un ensemble de difficultés, de dangers, de privations, en même temps que de limitations et de dépendances ; pour l’homme moyen actuel, le monde nouveau apparaît comme un champ de possibilités pratiquement illimitées, où l’on ne dépend de personne. C’est ce sentiment originel et permanent qui préside à la formation de chaque esprit contemporain, comme le sentiment opposé aidait à la formation des âmes d’autrefois. Car cette impression fondamentale se transforme en une voix intérieure, qui murmure sans cesse au plus profond de l’individu une manière de langage et, tenace, lui insinue une définition de la vie qui est, en même temps, un impératif. Si l’impression traditionnelle disait : “Vivre, c’est se sentir limité, et par cela même, avoir à compter avec ce qui nous limite.” — la voie nouvelle crie : “Vivre, c’est ne se connaître aucune limite, c’est s’abandonner tranquillement à soi-même. Pratiquement rien n’est impossible, rien n’est dangereux ; en principe, nul n’est supérieur aux autres.” » |
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− | « | + | « [...] le monde d’alors était si rudement organisé que les catastrophes y étaient fréquentes, et qu’il n’y avait en lui rien de sûr, rien d’abondant ni de stable. Mais les masses nouvelles se trouvent devant un paysage plein de possibilités et, de plus, sûr, et tout préparé, tout à leur disposition, sans qu’il leur en coûte quelque effort préalable, de la même manière que nous trouvons le soleil sur les hauteurs, sans que nous ayons eu à le monter sur nos épaules. » |
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− | « ''' | + | « '''Trois siècles d’expérience “rationaliste” nous invitent impérieusement à méditer sur la splendeur et les bornes de cette prodigieuse “raison” cartésienne.''' C’est une “raison” exclusivement mathématique, physique, biologique. Ses triomphes fabuleux sur la nature dépassent tout ce que l’on pouvait rêver de plus grand. Ils n’en soulignent que mieux son échec en face des sujets proprement humains et la nécessité de l’intégrer dans une autre raison plus profonde et plus radicale qui est la “raison historique”. |
− | + | Cette raison historique nous révèle la vanité de toute révolution générale, de toute tentative pour transformer subitement une société et pour recommencer l’histoire — comme prétendaient le faire ces hommes de 89, nourris d’idées confuses. A la méthode de la révolution, elle oppose la seule méthode digne de la longue expérience que l’Européen a derrière lui. '''Les révolutions incontinentes, dans leur hâte hypocritement généreuse de proclamer de nouveaux droits, ont toujours violé, foulé, détruit le droit fondamental de l’homme — si fondamental qu’il est la définition même de sa substance — le droit à la continuité.''' » | |
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− | |page= | + | |page=76-77}} |
« Je recommande donc au lecteur de réserver pour une meilleure occasion la malignité d’un sourire, lorsque, parvenu aux derniers chapitres de ce livre, il me verra affirmer avec quelque intrépidité, en face des apparences actuelles, une possible, une probable union des États de l’Europe. Je ne nie point que les États-Unis d’Europe sont une des fantaisies les plus pauvres qui existent et je ne me fais pas solidaire de ce que d’autres ont mis sous ces signes verbaux. Mais par ailleurs, il est extrêmement improbable qu’une société, une collectivité aussi mûre que celle que forment déjà les peuples européens ne soit pas près de créer l’appareil politique d’un État, pour donner une forme à l’exercice du pouvoir public européen déjà existant. Ce n’est donc pas parce que je suis pris au dépourvu devant les sollicitations de la fantaisie, ni par l’effet d’une propension à un “idéalisme” que je déteste et que j’ai combattu toute ma vie, que j’en suis arrivé à parler ainsi. C’est le réalisme historique qui m’a appris à reconnaître que l’unité de l’Europe comme société n’est pas un ''idéal'' mais un fait d’une très ancienne quotidienneté. Et lorsqu’on a vu cela, la probabilité d’un état général européen s’impose mécaniquement. Quant à l’occasion qui subitement portera le processus à son terme, elle peut être Dieu sait quoi ! la natte d’un Chinois émergeant de derrière les Ourals ou bien une secousse du grand magma islamique. » | « Je recommande donc au lecteur de réserver pour une meilleure occasion la malignité d’un sourire, lorsque, parvenu aux derniers chapitres de ce livre, il me verra affirmer avec quelque intrépidité, en face des apparences actuelles, une possible, une probable union des États de l’Europe. Je ne nie point que les États-Unis d’Europe sont une des fantaisies les plus pauvres qui existent et je ne me fais pas solidaire de ce que d’autres ont mis sous ces signes verbaux. Mais par ailleurs, il est extrêmement improbable qu’une société, une collectivité aussi mûre que celle que forment déjà les peuples européens ne soit pas près de créer l’appareil politique d’un État, pour donner une forme à l’exercice du pouvoir public européen déjà existant. Ce n’est donc pas parce que je suis pris au dépourvu devant les sollicitations de la fantaisie, ni par l’effet d’une propension à un “idéalisme” que je déteste et que j’ai combattu toute ma vie, que j’en suis arrivé à parler ainsi. C’est le réalisme historique qui m’a appris à reconnaître que l’unité de l’Europe comme société n’est pas un ''idéal'' mais un fait d’une très ancienne quotidienneté. Et lorsqu’on a vu cela, la probabilité d’un état général européen s’impose mécaniquement. Quant à l’occasion qui subitement portera le processus à son terme, elle peut être Dieu sait quoi ! la natte d’un Chinois émergeant de derrière les Ourals ou bien une secousse du grand magma islamique. » | ||
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+ | {{Center|José Ortega y Gasset 3|}} | ||
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{{Center|Martin Heidegger et José Ortega y Gasset, Darmstadt, août 1951|[[Martin Heidegger]] et [[José Ortega y Gasset]], Darmstadt, août 1951}} | {{Center|Martin Heidegger et José Ortega y Gasset, Darmstadt, août 1951|[[Martin Heidegger]] et [[José Ortega y Gasset]], Darmstadt, août 1951}} | ||
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− | + | == Citations sur José Ortega y Gasset == | |
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“When [[José Ortega y Gasset]] published ''The Revolt of the Masses'', first translated into English in 1932, he could not have foreseen a time when it ould be more appropriate to speak of a revolt of elites. Writing in the era of the Bolshevik Revolution and the rise of fascism, in the aftermath of a cataclysmic war that had torn Europe apart, Ortega attributed the crisis of Western culture to the “political domination of the masses.” Today it is the elites, however—those who control the international flow of money and information, preside over philanthropic foundations and institutions of higher learning, manage the instruments of cultural production and thus set the terms of public debate—that have lost faith in the values, or what remains of them, of the West.” | “When [[José Ortega y Gasset]] published ''The Revolt of the Masses'', first translated into English in 1932, he could not have foreseen a time when it ould be more appropriate to speak of a revolt of elites. Writing in the era of the Bolshevik Revolution and the rise of fascism, in the aftermath of a cataclysmic war that had torn Europe apart, Ortega attributed the crisis of Western culture to the “political domination of the masses.” Today it is the elites, however—those who control the international flow of money and information, preside over philanthropic foundations and institutions of higher learning, manage the instruments of cultural production and thus set the terms of public debate—that have lost faith in the values, or what remains of them, of the West.” | ||
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− | == | + | == Textes == |
*{{fr}}[[La Révolte des masses - José Ortega y Gasset]] | *{{fr}}[[La Révolte des masses - José Ortega y Gasset]] | ||
− | == | + | == Bibliographie == |
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Version actuelle datée du 12 novembre 2024 à 15:04
Citations
« La raison en est évidente : l’architecture n’est, ne peut, ne doit pas être un art exclusivement personnel. C’est un art collectif. L’architecte authentique est tout un peuple. Il donne les ressources pour la construction, lui donne sa finalité et son unité. Imaginons une ville construite par des architectes “géniaux”, mais laissant libre cours, chacun de leur côté, à leur style personnel. Chacun de ces bâtiments pourrait être magnifique, l’ensemble n’en resterait pas moins bizarre et désagréable. Dans de telles circonstances, on accuserait inconsidérément et à grands cris une composante de tout art sur laquelle nous ne nous sommes pas assez arrêtés : ce qui relève du caprice. La capriciosité se manifesterait nue, cynique, indécente, intolérable. »
« Parménide se présente avec un poème, tandis que Héraclite foudroie à coup d’aphorismes. Socrate bavarde. Platon nous submerge de la grande veine fluviale de ses dialogues, Aristote rédige les chapitres escarpés de ses pragmateias [...]. »
« [...] quelle force réelle a produit cette communauté de millions d’hommes sous la souveraineté d’un pouvoir public que nous appelons France, Angleterre, Espagne, Italie ou Allemagne ? Cette force ne fut pas une préalable communauté de sang, puisqu’en chacun de ces corps collectifs coulaient des sangs très divers. Ce n’a pas été non plus l’unité linguistique, puisque les peuples aujourd’hui réunis en un État parlaient ou parlent encore des idiomes différents. L’homogénéité relative de race et de langue dont ils jouissent — à supposer que ce soit une jouissance — est le résultat de la préalable unification politique. Par conséquent, ni le sang, ni l’idiome ne font l’État national ; au contraire, c’est l’État national qui nivelle les différences originelles des globules rouges et des sons articulés. Et il en fut toujours ainsi. Rarement, pour ne pas dire jamais, l’État n’aura coïncidé avec une identité préalable de sang et de langage. Pas plus que l’Espagne n’est aujourd’hui un état national parce qu’on y parle partout l’espagnol, l’Aragon et la Catalogne ne furent des État nationaux, parce qu’un certain jour, arbitrairement choisi, les limites territoriales de leur souveraineté coïncidèrent avec celles du parler aragonais ou catalan. [...] toute unité linguistique qui embrasse un territoire de quelque étendue est presque sûrement le précipité de quelque unification politique. L’État a toujours été le grand truchement. »
« Pour la première fois, l’Européen, en se heurtant dans ses projets économiques, politiques, intellectuels, aux limites de sa nation, sent que ces projets — c’est-à-dire ses possibilités d e vie, son style vital — sont en disproportion avec le cadre du corps collectif dans lequel il est enfermé. Il a découvert alors qu’être anglais, allemand ou français, c’est être provincial. Il a donc découvert qu’il est moins qu’avant, puisque autrefois l’Anglais, le Français et l’Allemand croyaient, chacun de leur côté, qu’ils étaient l’univers. C’est là qu’il faut voir, à ce qu’il me semble, la véritable origine de cette impression de décadence qui afflige l’Européen. Il s’agit donc d’une origine purement intime et paradoxale, puisque la présomption d’avoir diminué naît précisément du fait que sa capacité s’est accrue et se heurte à une organisation vieillie, à l’intérieur de laquelle elle ne peut plus se développer à l’aise. [...]
La véritable situation de l’Europe en arriverait donc à être celle-ci : son vaste et magnifique passé l’a fait parvenir à un nouveau stade de vie où tout s’est accru ; mais en même temps, les structures survivantes de ce passé sont petites et paralysent son expansion actuelle. L’Europe s’est constituée sous forme de petites nations. En un certain sens, l’idée et les sentiments nationaux ont été son invention la plus caractéristique. Et maintenant elle se voit obligée de se dépasser elle-même. Tel est le schéma du drame énorme qui va se jouer dans les années à venir. Saura-t-elle se libérer de ses survivances ou en restera-t-elle prisonnière ? Car il est déjà arrivé une fois dans l’histoire qu’une grande civilisation est morte de n’avoir pu modifier son idée traditionnelle de l’État... »
« Dans les chapitres précédents, j’ai tenté d’esquisser un nouveau type d’homme qui prédomine aujourd’hui dans le monde ; je l’ai appelé l’homme-masse, et j’ai fait remarquer que sa principale caractéristique consiste en ce que, se sachant vulgaire, il proclame le droit à la vulgarité, et se défend de se reconnaître des instances supérieures. »
« L’homme masse actuel est en effet un primitif qui s’est glissé par les coulisses sur la vieille scène de la civilisation. »
« L’homme qui domine aujourd’hui est un primitif, un Naturmensch surgissant au milieu d’un monde civilisé. C’est le monde qui est civilisé, et non ses habitants qui, eux, n’y voient même pas la civilisation, mais en usent comme si elle était le produit même de la nature. L’homme nouveau désire une automobile et en jouit ; mais il croit qu’elle est le fruit spontané d’un arbre édénique. Au fond de son âme, il méconnaît le caractère artificiel, presque invraisemblable de la civilisation, et il n’étendra pas l’enthousiasme qu’il éprouve pour les appareils, jusqu’aux principes qui les rendent possibles. »
« [...] nous distinguions l’homme d’élite de l’homme médiocre en affirmant que le premier exige beaucoup plus de lui même, tandis que le second, au contraire, toujours satisfait de lui, se contente d’être ce qu’il est. Contrairement à ce que l’on croit habituellement, c’est la créature d’élite et non la masse qui vit “essentiellement” dans la servitude. Sa vie lui paraît sans but s’il ne la consacre au service de quelque obligation supérieure. Aussi la nécessité de servir ne lui apparaît pas comme une oppression, mais au contraire, lorsque cette nécessité lui fait défaut, il se sent inquiet, et invente de nouvelles règles plus difficiles, plus exigeantes, qui l’oppriment. Telle est la vie-discipline, la vie noble. La noblesse se définit par l’exigence, par les obligations, et non par les droits. »
« Pour l’homme moyen du passé, vivre, c’était se heurter à un ensemble de difficultés, de dangers, de privations, en même temps que de limitations et de dépendances ; pour l’homme moyen actuel, le monde nouveau apparaît comme un champ de possibilités pratiquement illimitées, où l’on ne dépend de personne. C’est ce sentiment originel et permanent qui préside à la formation de chaque esprit contemporain, comme le sentiment opposé aidait à la formation des âmes d’autrefois. Car cette impression fondamentale se transforme en une voix intérieure, qui murmure sans cesse au plus profond de l’individu une manière de langage et, tenace, lui insinue une définition de la vie qui est, en même temps, un impératif. Si l’impression traditionnelle disait : “Vivre, c’est se sentir limité, et par cela même, avoir à compter avec ce qui nous limite.” — la voie nouvelle crie : “Vivre, c’est ne se connaître aucune limite, c’est s’abandonner tranquillement à soi-même. Pratiquement rien n’est impossible, rien n’est dangereux ; en principe, nul n’est supérieur aux autres.” »
« [...] le monde d’alors était si rudement organisé que les catastrophes y étaient fréquentes, et qu’il n’y avait en lui rien de sûr, rien d’abondant ni de stable. Mais les masses nouvelles se trouvent devant un paysage plein de possibilités et, de plus, sûr, et tout préparé, tout à leur disposition, sans qu’il leur en coûte quelque effort préalable, de la même manière que nous trouvons le soleil sur les hauteurs, sans que nous ayons eu à le monter sur nos épaules. »
« Trois siècles d’expérience “rationaliste” nous invitent impérieusement à méditer sur la splendeur et les bornes de cette prodigieuse “raison” cartésienne. C’est une “raison” exclusivement mathématique, physique, biologique. Ses triomphes fabuleux sur la nature dépassent tout ce que l’on pouvait rêver de plus grand. Ils n’en soulignent que mieux son échec en face des sujets proprement humains et la nécessité de l’intégrer dans une autre raison plus profonde et plus radicale qui est la “raison historique”.
Cette raison historique nous révèle la vanité de toute révolution générale, de toute tentative pour transformer subitement une société et pour recommencer l’histoire — comme prétendaient le faire ces hommes de 89, nourris d’idées confuses. A la méthode de la révolution, elle oppose la seule méthode digne de la longue expérience que l’Européen a derrière lui. Les révolutions incontinentes, dans leur hâte hypocritement généreuse de proclamer de nouveaux droits, ont toujours violé, foulé, détruit le droit fondamental de l’homme — si fondamental qu’il est la définition même de sa substance — le droit à la continuité. »
« Je recommande donc au lecteur de réserver pour une meilleure occasion la malignité d’un sourire, lorsque, parvenu aux derniers chapitres de ce livre, il me verra affirmer avec quelque intrépidité, en face des apparences actuelles, une possible, une probable union des États de l’Europe. Je ne nie point que les États-Unis d’Europe sont une des fantaisies les plus pauvres qui existent et je ne me fais pas solidaire de ce que d’autres ont mis sous ces signes verbaux. Mais par ailleurs, il est extrêmement improbable qu’une société, une collectivité aussi mûre que celle que forment déjà les peuples européens ne soit pas près de créer l’appareil politique d’un État, pour donner une forme à l’exercice du pouvoir public européen déjà existant. Ce n’est donc pas parce que je suis pris au dépourvu devant les sollicitations de la fantaisie, ni par l’effet d’une propension à un “idéalisme” que je déteste et que j’ai combattu toute ma vie, que j’en suis arrivé à parler ainsi. C’est le réalisme historique qui m’a appris à reconnaître que l’unité de l’Europe comme société n’est pas un idéal mais un fait d’une très ancienne quotidienneté. Et lorsqu’on a vu cela, la probabilité d’un état général européen s’impose mécaniquement. Quant à l’occasion qui subitement portera le processus à son terme, elle peut être Dieu sait quoi ! la natte d’un Chinois émergeant de derrière les Ourals ou bien une secousse du grand magma islamique. »
Citations sur José Ortega y Gasset
“When José Ortega y Gasset published The Revolt of the Masses, first translated into English in 1932, he could not have foreseen a time when it ould be more appropriate to speak of a revolt of elites. Writing in the era of the Bolshevik Revolution and the rise of fascism, in the aftermath of a cataclysmic war that had torn Europe apart, Ortega attributed the crisis of Western culture to the “political domination of the masses.” Today it is the elites, however—those who control the international flow of money and information, preside over philanthropic foundations and institutions of higher learning, manage the instruments of cultural production and thus set the terms of public debate—that have lost faith in the values, or what remains of them, of the West.”
- « Quand José Ortega y Gasset publia son célèbre essai La Révolte des masses en 1930 (première traduction anglaise en 1932), il ne pouvait prévoir une époque où il serait plus approprié de parler de révolte des élites. Écrivant à l’époque de la Révolution bolchevique et de la montée du fascisme, dans l’après-coup d’une guerre cataclysmique qui avait déchiré l’Europe, Ortega attribuait la crise de la culture occidentale à la “domination politique des masses”. Aujourd’hui, ce sont toutefois les élites — ceux qui contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, qui président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignement supérieur, gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public — qui ont perdu foi dans les valeurs de l’Occident, ou ce qu’il en reste. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 37
“From Ortega’s point of view, one that was widely shared at the time, the value of cultural elites lay in their willingness to assume responsibility for the exacting standards without which civilization is impossible. They lived in the service of demanding ideals.”
- « Du point de vue d’Ortega, point de vue largement partagé à l’époque, la valeur des élites culturelles réside dans leur disposition à assumer la responsabilité de normes astreignantes sans lesquelles la civilisation est impossible. Elles vivaient au service d’idéal exigeants. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), trad. Christian Fournier, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009 (ISBN 9782081236813), p. 38
Textes
Bibliographie