Différences entre les versions de « Friedrich Nietzsche »
Ligne 46 : | Ligne 46 : | ||
|ISBN=9782070280315 | |ISBN=9782070280315 | ||
|page=267}} | |page=267}} | ||
+ | |||
+ | « '''Tout part, tout revient ; éternellement roule la roue de l’être. Tout meurt, tout refleurit, à tout jamais court l’an de l’être.''' | ||
+ | |||
+ | Tout se brise, tout se remet en place ; éternellement se rebâtit la même maison de l’être. Tout se sépare, tout à nouveau se salue ; éternellement fidèle reste à lui-même l’anneau de l’être. | ||
+ | |||
+ | À chaque instant l’être commence ; autour de chaque ici roule la sphère Là-bas. Le centre est partout. Courbe est la sente de l’éternité. » | ||
+ | {{Réf Livre | ||
+ | |auteur=Friedrich Nietzsche | ||
+ | |titre de la contribution=Ainsi parlait Zarathoustra | ||
+ | |année de la contribution=1883–1885 | ||
+ | |titre=Œuvres philosophiques complètes | ||
+ | |traducteur=Maurice de Gandillac | ||
+ | |éditeur=Gallimard | ||
+ | |collection=La Nouvelle Revue française | ||
+ | |année=2019 | ||
+ | |ISBN=9782070280315 | ||
+ | |page=239}} | ||
« Hélas ! où dois-je encore monter maintenant, avec ma nostalgie ? De toutes les montagnes je scrute l’horizon pour y trouver patries et terres maternelles. | « Hélas ! où dois-je encore monter maintenant, avec ma nostalgie ? De toutes les montagnes je scrute l’horizon pour y trouver patries et terres maternelles. |
Version du 27 novembre 2023 à 16:42
Citations
« Ce qui est de féminine sorte, ce qui est né de servile race, singulièrement le populacier salmigondis, voilà ce qui se veut à présent le maître de toute humaine destinée, — ô nausée, nausée, nausée ! »
« Que vous ayez méprisé, vous les hommes supérieurs, voilà qui me donne espoir. Car ceux qui méprisent sont ceux qui grandement vénèrent. »
« Malheur ! Tout à présent va de travers !
Déchéance ! Déchéance ! Jamais le monde ne toucha si bas !
Rome se fit putain et finit au bordel ;
Le César romain est tombé au rang de bétail, Dieu même — s’est fait juif ! »
« Tout part, tout revient ; éternellement roule la roue de l’être. Tout meurt, tout refleurit, à tout jamais court l’an de l’être.
Tout se brise, tout se remet en place ; éternellement se rebâtit la même maison de l’être. Tout se sépare, tout à nouveau se salue ; éternellement fidèle reste à lui-même l’anneau de l’être.
À chaque instant l’être commence ; autour de chaque ici roule la sphère Là-bas. Le centre est partout. Courbe est la sente de l’éternité. »
« Hélas ! où dois-je encore monter maintenant, avec ma nostalgie ? De toutes les montagnes je scrute l’horizon pour y trouver patries et terres maternelles.
Mais pays ne trouvai nulle part, errant je suis en toute ville et, devant toutes portes, séparation.
Me sont étrangers et dérision ces contemporains vers qui mon cœur naguère me poussait ; et je suis exilé des patries et des terres maternelles.
Ainsi je n’aime plus que le pays de mes enfants, l’inexploré, au plus lointain des mers ; à ma voile c’est celui-là que je commande de chercher et de chercher.
Par mes enfants me veux racheter d’être l’enfant de mes pères, et par tout l’avenir veux racheter — ce présent ! »
« Avec ces prêcheurs d’égalité je ne veux être confondu ni mêlé. Car ainsi me parle, à moi, la justice : “Égaux ne sont les hommes.”
Et ne le doivent devenir non plus ! Que serait, en effet, mon amour de surhomme si d’autre manière je parlais ?
Sur mille ponts et passerelles vers l’avenir ils se doivent presser, et que la guerre entre eux, et l’inégalité, toujours davantage règnent, ainsi me fait parler mon grand amour ! »
« “Morts sont tous dieux ; maintenant nous voulons que vive le surhomme !” — tel soit un jour, au grand midi, notre ultime vouloir ! »
« Beaucoup meurent trop tard, et quelques-uns meurent trop tôt. »
« Aucun peuple ne pourrait vivre qui d’abord n’évaluât ; mais se veut-il conserver, lors ne doit évaluer comme évalue le voisin. »
« Si l’on veut un ami il faut aussi pour lui partir en guerre, et pour partir en guerre d’être ennemi il faut être capable.
En son ami à l’ennemi l’on doit encore faire honneur. Sans passer à son bord peux-tu de près l’aborder ?
En son ami on doit avoir l’ennemi le meilleur. Lorsque tu lui résistes, de son cœur tu dois être le plus proche. »
« Où que ce soit, il est encore des peuples et des troupeaux, mais non chez nous, mes frères ; il n’est ici que des États.
États ? Qu’est-ce que cela ? Ouvrez-moi maintenant les oreilles, car maintenant je vous dis mon mot quant à la mort des peuples.
État, de tous les monstres froids ainsi se nomme le plus froid. Et c’est avec froideur aussi qu’il ment, et suinte de sa bouche ce mensonge : “Moi, l’État, je suis le peuple.” [...]
Là où le peuple encore existe, il n’entend point l’État et comme un méchant œil le hait, et comme un péché contre les mœurs et contre les droits. [...]
Naissent de bien-trop-nombreux ; c’est pour ces superflus que l’État fut inventé ! »
« Je leur veux parler de ce qui est le plus méprisable ; or c’est le dernier homme. [...]
Et de la sorte parlait au peuple Zarathoustra :
Le temps est venu pour l’homme de se fixer sa fin. De sa plus haute espérance le temps est venu pour l’homme de semer le grain.
Riche assez est encore pour cela son terreau. Mais pauvre un jour et domestiqué sera ce terreau et lors n’en pourra naître arbre de haute stature.
Malheur ! Arrive le temps où l’homme au-dessus de l’homme plus ne lancera la flèche et le temps où de vibrer désapprendra la corde de son arc !
Je vous le dis, pour pouvoir engendrer une étoile qui danse il faut en soi-même encore avoir quelque chaos. Je vous le dis, en vous-mêmes il est encore quelque chaos.
Malheur ! Arrive le temps où de l’homme ne naîtra plus aucune étoile. Malheur ! Arrive le temps du plus méprisable des hommes, qui lui-même plus ne se peut mépriser.
Voyez ! Je vous montre le dernier homme.
“Qu’est-ce qu’amour ? Qu’est-ce que création ? Qu’est-ce que nostalgie ? Qu’est-ce qu’étoile ?” — ainsi demande le dernier homme, et il cligne de l’œil.
La Terre alors est devenue petite, et sur elle clopine le dernier homme, qui rapetisse tout. Inépuisable est son engeance, comme le puceron ; le dernier homme vit le plus vieux.
“De l’heur nous avons fait, la découverte”, — disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil.
Ils ont abandonné les régions où dur était de vivre, car de chaleur on a besoin. On aime encore le voisin et l’on se frotte à lui, car de chaleur on a besoin.
Maladie et méfiance sont à leurs yeux péché ; on les aborde précautionneusement. Bien fou celui que font encore broncher pierres ou hommes !
Ça et là de poison une petite dose, ce qui fait agréablement rêver. Et, à la fin, force poison, pour agréablement mourir.
Encore l’on travaille, car le travail distrait. Mais on prend soin que distraction ne soit fatigue.
On ne devient plus pauvre et riche ; les deux sont trop pénibles. Qui encore veut commander ? Qui encore obéir ? Les deux sont trop pénibles.
Pas de pasteur, un seul troupeau ! Chacun veut même chose, tous sont égaux ! Qui sent d’autre manière, à l’asile des fous il entre de plein gré !
“Jadis tout le monde était fou” — disent les plus fins, et ils clignent de l’œil.
On est prudent, et l’on sait tout ce qui est advenu ; sans fin l’on peut ainsi railler. Encore on se chamaille, mais vite on se réconcilie — sinon l’on gâte l’estomac.
Pour le jour on a son petit plaisir, et pour la nuit son petit plaisir, mais on vénère la santé.
“De l’heur, nous avons fait la découverte” — disent les derniers hommes et ils clignent de l’œil. »
Le « grouillement des mal venus, des malades, des épuisés qui commencent à infester l’Europe [...]. »
« Il existe aujourd’hui, dans presque toute l’Europe, une sensibilité et une susceptibilité maladives à la souffrance en même temps qu’une odieuse intempérance dans la plainte, un amollissement douillet qui à l’aide de la religion et de je ne sais quel bric-à-brac philosophique voudrait se faire passer pour quelque chose de plus élevé, — il existe un véritable culte de la souffrance. Ce qui, à mon sens, saute toujours d’emblée aux yeux, c’est le manque de virilité de ce que ces cercles d’échauffé baptisent du nom de “compassion”. — Il faut proscrire avec la dernière rigueur cette forme récente du mauvais goût [...]. »
« L’aversion maladive, le fossé que la folie nationaliste a créés et crée encore entre les peuples européens, les politiciens au regard myope et aux décisions promptes qui se sont élevés à la faveur de cette aversion et qui ne soupçonnent pas à quel point leur politique de division constitue simplement un intermède, tous ces facteurs et bien d’autres dont il n’est pas encore possible de parler aujourd’hui font qu’on ne veut pas voir ou qu’on interprète arbitrairement et mensongèrement les signes indubitables où se manifeste le désir d’unité de l’Europe. Tous les hommes vastes et profonds de ce siècle aspirèrent au fond, dans le secret travail de leur âme, à préparer cette synthèse nouvelle et voulurent incarner, par anticipation, l’Européen de l’avenir : les “patries” ne furent pour eux qu’un prétexte et ils ne leur appartinrent qu’aux heures de faiblesse, par exemple dans leur vieillesse ; devenir des “patriotes” n’a été pour eux qu’une manière de se reposer d’eux-mêmes. Je songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Heinrich Heine, Schopenhauer ; qu’on ne m’en veuille pas si je joins à leurs noms celui de Richard Wagner, sur le compte duquel les malentendus qu’il a lui-même créés ne doivent pas nous égarer, — des génies comme le sien ont rarement le droit de se comprendre eux-mêmes. [...] Ils sont fondamentalement consanguins dans leurs aspirations les plus hautes et les plus profondes : dans leur art complexe et tumultueux, c’est l’âme de l’Europe, de l’Europe tout entière qui se presse, s’élance, aspire... »
« [...] la noblesse européenne — noblesse du sentiment, du goût, des mœurs, bref la noblesse à tous les sens élevés du mot — est l’œuvre et l’invention de la France ; la vulgarité européenne, la bassesse plébéienne des idées modernes est l’œuvre de l’Angleterre. »
« Qu’on nomme “civilisation” ou “humanisation” ou “progrès” ce que l’on tient maintenant pour la marque distinctive des Européens ; que, recourant à un terme politique qui n’implique ni louange ni blâme, on nomme simplement cette évolution le mouvement démocratique de l’Europe, on voit se dérouler, derrière les phénomènes moraux et politiques exprimés par ces formules, un immense processus physiologique qui ne cesse de gagner en ampleur : les Européens se ressemblent toujours davantage, ils s’émancipent toujours plus des conditions qui font naître des races liées au climat et aux classes sociales, ils s’affranchissent dans une mesure accrue de tout milieu déterminé, générateur de besoins identiques, pour l’âme et le corps, durant le cours des siècles ; ils donnent naissance peu à peu à un type d’humanité essentiellement supranationale et nomade qui, pour employer un terme de physiologie, possède au plus haut degré et comme un trait distinctif le don et le pouvoir de s’adapter. Ce processus d’européanisation, dont le rythme sera peut-être ralenti par d’importantes régressions, mais qui de ce fait même croîtra peut-être en violence et en profondeur — les furieuses poussées de “sentiment nationale” qui sévissent encore font partie de ces régressions, de même que la montée de l’anarchisme —, ce processus aboutira vraisemblablement à des résultats que ses naïfs promoteurs et ses thuriféraires, les apôtres des “idées modernes”, étaient très loin d’escompter. Les conditions nouvelles qui entraîneront en gros l’apparition d’hommes tout pareils et pareillement médiocres — hommes grégaires utiles, laborieux, diversement utilisables et adroits — sont éminemment propres à donner naissance à des hommes d’exception du genre le plus dangereux et le plus séduisant. En effe, alors que ce pouvoir d’adaptation qui affronte des circonstances sans cesse changeantes et se remet à l’oeuvre à chaque génération, presque tous les dix ans, ne permet pas au type humain de s’affirmer avec force ; alors que ces Européens à venir offriront probablement dans l’ensemble l’apparence d’ouvriers bons à tout, bavards, faibles de volonté et utilisables à toutes fins, qui ont besoin d’un maître, d’un chef autant que de leur pain quotidien ; bref, alors que la démocratisation de l’Europe engendrera un type d’hommes préparés à l’esclavage au sens le plus raffiné du mot, l’homme fort, qui représente le cas isolé et exceptionnel, devra pour ne pas avorter être plus fort et mieux doué qu’il ne l’a peut-être jamais été, et ceci grâce à une éducation sans préjugés, grâce à la prodigieuse diversité de son expérience, de ses talents, et de ses masques. Je veux dire : que la démocratisation de l’Europe est en même temps, et sans qu’on le veuille, une école des tyrans, ce mot étant pris dans toutes ses acceptions, y compris la plus spirituelle. »
« La femme veut s’émanciper, et pour cela elle a entrepris d’éclairer les hommes sur “la femme en soi” : c’est là un des pires aspects de l’enlaidissement général de l’Europe. »
« Comme le cavalier sur une monture qui s’emballe, nous lâchons les rênes devant l’infini, nous autres modernes, nous autres semi-barbares, et nous ne goûtons notre béatitude qu’au moment où notre péril est à son comble. »
« Aimer ses ennemis ? Je crois que cet enseignement a été bien appris : de nos jours on l’applique de mille manières, en grand et en petit ; déjà même il se produit parfois quelque chose de plus haut et de plus sublime : nous apprenons à mépriser ce que nous aimons, surtout ce que nous aimons le mieux, mais tout cela inconsciemment, sans bruit, sans ostentation, avec cette pudeur et cette retenue de la bonté qui interdit de prononcer des paroles pompeuses et des formules vertueuses. Aujourd’hui la pose morale nous dégoûte. »
« [...] le plus grand sera celui qui saura être le plus solitaire, le plus impénétrable, le plus à l’écart, l’homme par-delà bien et mal, l’homme maître de ses vertus, en qui surabonde l’énergie du vouloir ; il nommera grandeur le pouvoir d’unir la totalité à la multiplicité, l’ampleur à la plénitude. Et, demandons-le encore une fois : la grandeur est-elle aujourd’hui possible ? »
« Peut-être ne faudra-t-il pas seulement des guerres aux Indes et des imbroglios en Asie pour délivrer l’Europe du plus grand danger qui la menace, mais des bouleversements intérieurs, l’éclatement de l’empire russe en une mosaïque de petits États et avant tout l’introduction de l’imbécilité parlementaire jointe à l’obligation pour chacun de lire son journal au petit-déjeuner. Ce n’est pas que je souhaite une pareille évolution, je souhaite plutôt le contraire, une telle aggravation de la menace russe qu’elle contraigne enfin l’Europe à devenir tout aussi menaçante, à se forger sa propre volonté, par le moyen d’une nouvelle caste régnant sur l’Europe, une volonté redoutable et à longue portée capable de se fixer des buts pour des millénaires. Ainsi l’Europe en finirait une bonne fois avec la comédie trop prolongée de sa division en petits États et de ses velléités divergentes, dynastiques ou démocratiques. Le temps de la petite politique est passé : le siècle prochain déjà apportera la lutte pour la domination universelle — l’obligation d’une grande politique. »
« La dégénérescence générale de l’humanité, son abaissement au niveau de ce que les rustres et les têtes plates du socialisme tiennent pour “l’homme futur”, — leur idéal ! — cette déchéance et ce rapetissement de l’homme transformé en bête de troupeau (l’homme, comme ils disent, de la “société libre”), cette bestialisation des hommes ravalés au rang de gnomes ayant tous les mêmes droits et les mêmes besoins, c’est là une chose possible, nous ne pouvons en douter ! Quiconque a pensé jusqu’au bout cette possibilité connaît un dégoût de plus que les autres hommes — et peut-être aussi une tâche nouvelle ! »
« [...] le mouvement démocratique est l’héritier du mouvement chrétien. »
« L’homme d’une époque de dissolution qui mélange toutes les races, l’homme qui recèle dans son corps l’héritage d’une ascendance composite, autrement dit des instincts et des jugements de valeur contradictoires, sinon plus, lesquels s’affrontent entre eux et le laissent rarement en repos, cet homme des civilisations tardives et de la clarté déclinante sera en gros un individu plutôt débile ; son vœu le plus profond sera de mettre fin une bonne fois à la guerre qu’il est lui-même ; son bonheur s’accordera à la médecine sédative qui est le fond de la pensée épicurienne ou chrétienne, par exemple, et lui apparaîtra comme un repos, un état de satiété que rien ne dérange, une réconciliation définitive comme le “sabbat des sabbats” du saint rhéteur Augustin, qui fut lui-même un homme de ce genre. »
« Les Juifs — peuple “né pour l’esclavage”, comme dit Tacite et avec lui toute l’Antiquité, peuple “élu parmi les nations”, comme ils le disent et le croient eux-mêmes — les Juifs ont réussi ce prodigieux renversement des valeurs qui, pour quelques millénaires, a donné à la vie terrestre un attrait nouveau et dangereux : leurs prophètes ont fondu en une seule notion celles de “riche”, “impie”, “méchant”, “violent”, “sensuel” et pour la première fois ont donné un sens infamant au mot “monde”. Ce renversement des valeurs (qui veut aussi que “pauvre” soit synonyme de “saint” et d’“ami”) fait toute l’importance du peuple juif : avec lui commence dans l’ordre moral la révolte des esclaves. »
« Ce qui est fait par amour s’accomplit toujours par-delà bien et mal. »
« [...] le bilan total montre que les religions existantes, les religions souveraines, ont contribué dans une large mesure à maintenir le type “homme” à un niveau inférieur, car elles ont conservé trop d’êtres qui devaient périr. [...] tandis qu’ils consolaient les affligés, réconfortaient les opprimés et les désespérés, soutenaient les débiles, offraient aux individus atteints dans leur santé mentale et aux furieux le refuge des cloîtres ou des asiles, que durent-ils faire au surplus, pour travailler par principe et avec bonne consciences à la conservation de tous les êtres malades et souffrants, c’est-à-dire, en fait et en vérité, à la détérioration de la race européenne ? »
« La foi chrétienne est essentiellement un sacrifice, sacrifice de toute liberté, de toute fierté, de toute confiance de l’esprit en soi-même ; elle est en même temps asservissement et dépréciation de soi-même, mutilation de soi-même. Il entre de la cruauté et du phénicisme religieux dans cette foi qui se propose à une conscience fatiguée, complexe et blasée ; elle implique que la soumission de l’esprit soit inexprimablement douloureuse, que tout le passé et les habitudes d’un tel esprit se rebellent contre le comble d’absurdité qui s’offre à lui sous le nom de “foi”. Les modernes, devenus insensibles à toute la terminologie chrétienne, ne ressentent plus la suprême horreur que comportait, pour le goût antique, le paradoxe du “Dieu sur la croix”. Jamais et nulle part on n’avait vu un retournement aussi prodigieux, jamais on n’avait rien conçu d’aussi effroyable et qui soulevait autant de problèmes : cette formule annonçait le renversement de toutes les valeurs antiques. C’est l’Orient, le profond Orient, c’est l’esclave orientale qui se vengeait ainsi de Rome et de sa tolérance aristocratique et frivole, de la romaine “catholicité” de la foi : en tout temps ce ne fut pas la foi, mais le détachement de la foi, cette insouciance mi-stoïque mi-souriante à l’endroit du sérieux de la foi qui indigna les esclaves et les dressa contre leurs maîtres. La philosophie “éclairée” indigne : l’esclave veut de l’absolu, il ne comprend que ce qui est tyrannique, en morale comme ailleurs, il aime comme il hait, profondément, jusqu’à la douleur, jusqu’à la maladie ; ses souffrances nombreuses et cachées se révoltent contre le goût aristocratique qui semble nier la souffrance. Le scepticisme à l’égard de la souffrance, simple attitude, au fond, de la morale aristocratique, n’a pas peu contribué à susciter la dernière grande révolte d’esclaves qui a commencé avec la révolution française. »
Ce « goût de l’“hospitalité”, péril par excellence des âmes nobles et riches qui sont prodigues et comme insoucieuses d’elles-mêmes et portent jusqu’au vice la vertu de générosité. On doit savoir se garder ; c’est la plus forte preuve d’indépendance. »
« Les livres pour tout le monde sentent toujours mauvais ; une odeur de petites gens s’élève de leurs pages. Là où le peuple mange et boit, même là où il adore, l’air s’empuantit. N’entrez pas dans les églises si vous voulez respirer un air pur.
Textus
Bibliographie