Michel Houellebecq, « Rester vivant (1991) », Poésie, éd. Flammarion, coll. « J’ai Lu », 2015, Confrontation, p. 7-30.

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D’abord, la souffrance

« L’univers crie. Le béton marque la violence avec laquelle il a été frappé comme mur. Le béton crie. L’herbe gémit sous les dents de l’animal. Et l’homme ? Que dirons-nous de l’homme ? »


Le monde est une souffrance déployée. À son origine, il y a un nœud de souffrance. Toute existence est une expansion, et un écrasement. Toutes les choses souffrent, jusqu’à ce qu’elles soient. Le néant vibre de douleur, jusqu’à parvenir à l’être : dans un abject paroxysme.

Les êtres se diversifient et se complexifient, sans rien perdre de leur nature première. À partir d’un certain niveau de conscience, se produit le cri. La poésie en dérive. Le langage articulé, également.

La première démarche poétique consiste à remonter à l’origine. À savoir : à la souffrance.

Les modalités de la souffrance sont importantes ; elles ne sont pas essentielles. Toute souffrance est bonne ; toute souffrance est utile ; toute souffrance porte ses fruits ; toute souffrance est un univers.

Henri a un an. Il gît à terre, ses couches sont souillées ; il hurle. Sa mère passe et repasse en claquant des talons dans la pièce dallée, cherchant son soutien-gorge et sa jupe. Elle est pressée d’aller à son rendez-vous du soir. Cette petite chose couverte de merde, qui s’agite sur le carrelage, l’exaspère. Elle se met à crier, elle aussi. Henri hurle de plus belle. Puis elle sort.

Henri est bien parti dans sa carrière de poète.

Marc a dix ans. Son père est en train de mourir d’un cancer à l’hôpital. Cette espèce de machinerie usée, avec des tuyaux dans la gorge et des perfusions, c’est son père. Seul le regard vit ; il exprime la souffrance et la peur. Marc souffre aussi. Il a peur également. Il aime son père. Et en même temps il commence à avoir envie que son père meure, et à s’en sentir coupable.

Marc devra travailler. Il devra développer en lui cette souffrance si particulière et si féconde : la Très Sainte Culpabilité.

Michel a quinze ans. Aucune fille ne l’a jamais embrassé. Il aimerait danser avec Sylvie ; mais Sylvie danse avec Patrice, et manifestement elle y prend plaisir. Il est figé ; la musique pénètre jusqu’au plus profond de lui-même. C’est un slow magnifique, d’une beauté surréelle. Il ne savait pas qu’on pouvait souffrir autant. Son enfance, jusqu’à présent, avait été heureuse.

Michel n’oubliera jamais le contraste entre son cœur figé par la souffrance et la bouleversante beauté de la musique. Sa sensibilité est en train de se former.

Si le monde est composé de souffrance c’est parce qu’il est, essentiellement, libre. La souffrance est la conséquence nécessaire du libre jeu des parties du système. Vous devez le savoir, et le dire.

Il ne vous sera pas possible de transformer la souffrance en but. La souffrance est, et ne saurait par conséquent devenir un but.

Dans les blessures qu’elle nous inflige, la vie alterne entre le brutal et l’insidieux. Connaissez ces deux formes. Pratiquez-les. Acquérez-en une connaissance complète. Distinguez ce qui les sépare, et ce qui les unit. Beaucoup de contradictions, alors, seront résolues. Votre parole gagnera en force, et en amplitude.

Compte tenu des caractéristiques de l’époque moderne, l’amour ne peut plus guère se manifester ; mais l’idéal de l’amour n’a pas diminué. Étant, comme tout idéal, fondamentalement situé hors du temps, il ne saurait ni diminuer ni disparaître. D’où une discordance idéal-réel particulièrement criante, source de souffrances particulièrement riche. Les années d’adolescence sont importantes. Une fois que vous avez développé une conception de l’amour suffisamment idéale, suffisamment noble et parfaite, vous êtes fichu. Rien ne pourra, désormais, vous suffire. Si vous ne fréquentez pas de femme (par timidité, laideur ou quelque autre raison), lisez des magazines féminins. Vous ressentirez des souffrances presque équivalentes.

Aller jusqu’au fond du gouffre de l’absence d’amour. Cultiver la haine de soi. Haine de soi, mépris des autres. Haine des autres, mépris de soi. Tout mélanger. Faire la synthèse. Dans le tumulte de la vie, être toujours perdant. L’univers comme une discothèque. Accumuler des frustrations en grand nombre. Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre.

Aimez votre passé, ou haïssez-le ; mais qu’il reste présent à vos yeux. Vous devez acquérir une connaissance complète de vous-même. Ainsi, peu à peu, votre moi profond se détachera, glissera sous le soleil ; et votre corps restera sur place ; gonflé, boursouflé, irrité ; mûr pour de nouvelles souffrances. La vie est une série de tests de destruction. Passer les premiers tests, échouer aux derniers. Rater sa vie, mais la rater de peu. Et souffrir, toujours souffrir. Vous devez apprendre à ressentir la douleur par tous vos pores. Chaque fragment de l’univers doit vous être une blessure personnelle. Pourtant, vous devez rester vivant — au moins un certain temps.

La timidité n’est pas à dédaigner. On a pu la considérer comme la seule source de richesse intérieure ; ce n’est pas faux. Effectivement, c’est dans ce moment de décalage entre la volonté et l’acte que les phénomènes mentaux intéressants commencent à se manifester. L’homme chez qui ce décalage est absent reste proche de l’animal. La timidité est un excellent point de départ pour un poète.

Développez en vous un profond ressentiment à l’égard de la vie. Ce ressentiment est nécessaire à toute création artistique véritable. Parfois, c’est vrai, la vie vous apparaîtra simplement comme une expérience incongrue. Mais le ressentiment devra toujours rester proche, à portée de main — même si vous choisissez de ne pas l’exprimer. Et revenez toujours à la source, qui est la souffrance.

Lorsque vous susciterez chez les autres un mélange de pitié effrayée et de mépris, vous saurez que vous êtes sur la bonne voie. Vous pourrez commencer à écrire.

Articuler

« Une force devient mouvement dès qu’elle entre en acte et se développe dans la durée. »


Si vous ne parvenez pas à articuler votre souffrance dans une structure bien définie, vous êtes foutu. La souffrance vous bouffera tout cru, de l’intérieur, avant que vous ayez eu le temps d’écrire quoi que ce soit. La structure est le seul moyen d’échapper au suicide. Et le suicide ne résout rien. Imaginez que Baudelaire ait réussi sa tentative de suicide, à vingt-quatre ans.

Croyez à la structure. Croyez aux métriques anciennes, également. La versification est un puissant outil de libération de la vie intérieure.

Ne vous sentez pas obligé d’inventer une forme neuve. Les formes neuves sont rares. Une par siècle, c’est déjà bien. Et ce ne sont pas forcément les plus grands poètes qui en sont l’origine. La poésie n’est pas un travail sur le langage ; pas essentiellement. Les mots sont sous la responsabilité de l’ensemble de la société.

La plupart des formes neuves se produisent non pas en partant de zéro, mais par lente dérivation à partir d’une forme antérieure. L’outil s’adapte, peu à peu ; il subit de légères modifications ; la nouveauté qui résulte de leur effet conjoint n’apparaît généralement qu’à la fin, une fois l’œuvre écrite. C’est tout à fait comparable à l’évolution animale.

Vous émettrez d’abord des cris inarticulés. Et vous serez souvent tenté d’y revenir. C’est normal. La poésie, en réa- lité, précède de peu le langage articulé.

Replongez dans les cris inarticulés, chaque fois que vous en ressentirez le besoin. C’est un bain de jouvence. Mais n’oubliez pasþ: si vous ne parvenez pas, au moins une fois de temps à autre, à en sortir, vous mourrez. L’organisme humain a ses limites.

Au paroxysme de la souffrance, vous ne pourrez plus écrire. Si vous vous en sentez la force, essayez tout de même. Le résultat sera probablement mauvais ; probable- ment, mais pas certainement. Ne travaillez jamais. Écrire des poèmes n’est pas un travail ; c’est une charge.

Si l’emploi d’une forme déterminée (par exemple l’alexandrin) vous demande un effort, renoncez-y. Ce type d’effort n’est jamais payant. Il en va autrement de l’effort général, permanent, consistant à échapper à l’apathie. Il est, lui, indispensable. Au sujet de la forme, n’hésitez jamais à vous contredire. Bifurquez, changez de direction autant de fois que nécessaire. Ne vous efforcez pas trop d’avoir une personnalité cohérente ; cette personnalité existe, que vous le vouliez ou non.

Ne négligez rien de ce qui peut vous procurer une parcelle d’équilibre. De toute façon, le bonheur n’est pas pour vous ; cela est décidé, et depuis fort longtemps. Mais si vous pouvez attraper un de ses simulacres, faites-le. Sans hésiter. De toute façon, ça ne durera pas.

Votre existence n’est plus qu’un tissu de souffrances. Vous pensez parvenir à les déployer dans une forme cohérente. Votre objectif, à ce stade : une espérance de vie suffisante.

Survivre

« Le métier des lettres est tout de même le seul où on puisse sans ridicule ne pas gagner d’argent. »

Jules Renard


Un poète mort n’écrit plus. D’où l’importance de rester vivant.

Ce raisonnement simple, il vous sera parfois difficile de le tenir. En particulier au cours des périodes de stérilité créatrice prolongée: Votre maintien en vie vous apparaîtra, dans ces cas, douloureusement inutile ; de toute façon, vous n’écrirez plus. À cela, une seule réponse : au fond, vous n’en savez rien. Et si vous vous examinez honnêtement, vous devrez finalement en convenir. On a vu des cas étranges. Si vous n’écrivez plus, c’est peut-être le prélude d’un changement de forme. Ou d’un changement de thème. Ou des deux. Ou c’est peut-être, effectivement, le prélude de votre mort créatrice. Mais vous n’en savez rien. Vous ne connaîtrez jamais exactement cette part de vous-même qui vous pousse à écrire. Vous ne la connaîtrez que sous des formes approchées, et contradictoires. Égoïsme ou dévouement ? Cruauté ou compassion ? Tout pourrait se soutenir. Preuve que, finalement, vous ne savez rien ; alors ne vous comportez pas comme si vous saviez. Devant votre ignorance, devant cette part mystérieuse de vous-même, restez honnête et humble.

Non seulement les poètes qui vivent vieux produisent dans l’ensemble davantage, mais la vieillesse est le siège de processus physiques et mentaux particuliers, qu’il serait dommage de méconnaître. Cela dit, survivre est extrêmement difficile. On pourra penser à adopter une stratégie à la Pessoa : trouver un petit emploi, ne rien publier, attendre paisiblement sa mort. En pratique, on ira au-devant de difficultés importantes : sensation de perdre son temps, de ne pas être à sa place, de ne pas être estimé à sa vraie valeur ... tout cela deviendra vite insoutenable. L’alcool sera difficile à éviter. En fin de compte l’amertume et l’aigreur seront au bout du chemin, vite suivies par l’apathie, et la stérilité créatrice complète.Cette solution a donc ses inconvénients, mais c’est en général la seule. Ne pas oublier les psychiatres, qui disposent de la faculté de donner des arrêts de travail. Par contre, le séjour prolongé en hôpital psychiatrique est à proscrire: trop destructeur. On ne l’utilisera qu’en dernier ressort, comme alternative à la clochardisation.

Les mécanismes de solidarité sociale (allocation chômage, etc.) devront être utilisés à plein, ainsi que le soutien financier d’amis plus aisés. Ne développez pas de culpabilité excessive à cet égard. Le poète est un parasite sacré.

Le poète est un parasite sacré ; semblable aux scarabées de l’ancienne Égypte, il peut prospérer sur le corps des sociétés riches et en décomposition. Mais il a également sa place au cœur des sociétés frugales et fortes.

Vous n’avez pas à vous battre. Les boxeurs se battent ; pas les poètes. Mais, quand même, il faut publier un petit peu ; c’est la condition nécessaire pour que la reconnaissance posthume puisse avoir lieu. Si vous ne publiez pas un minimum (ne serait-ce que quelques textes dans une revue de second ordre), vous passerez inaperçu de la postérité ; aussi inaperçu que vous l’étiez de votre vivant. Fussiez-vous le plus parfait génie, il vous faudra laisser une trace ; et faire confiance aux archéologues littéraires pour exhumer le reste. Cela peut rater ; cela rate souvent. Vous devrez au moins une fois par jour vous répéter que l’essentiel est de faire son possible. L’étude de la biographie de vos poètes préférés pourra vous être utile ; elle devrait vous permettre d’éviter certaines erreurs. Dites-vous bien qu’en règle générale il n’y a pas de bonne solution au problème de la survie matérielle ; mais il y en a de très mauvaises.

Le problème du lieu de vie ne se posera en général pas ; vous irez où vous pourrez. Essayez simplement d’éviter les voisins trop bruyants, capables à eux seuls de provoquer une mort intellectuelle définitive. Une petite insertion professionnelle peut apporter certaines connaissances, éventuellement utilisables dans une œuvre ultérieure, sur le fonctionnement de la société. Mais une période de clochardisation, où l’on plongera dans la marginalité, apportera d’autres savoirs. L’idéal est d’alterner. D’autres réalités de la vie, telles qu’une vie sexuelle harmonieuse, le mariage, le fait d’avoir des enfants, sont à la fois bénéfiques et fécondes. Mais elles sont presque impossibles à atteindre. Ce sont là, sur le plan artistique, des terres pratiquement inconnues.

D’une manière générale, vous serez bringuebalé entre l’amertume et l’angoisse. Dans les deux cas, l’alcool vous aidera. L’essentiel est d’obtenir ces quelques moments de rémission qui permettront la réalisation de votre œuvre. Ils seront brefs ; efforcez-vous de les saisir…

N’ayez pas peur du bonheur ; il n’existe pas.

Frapper là où ça compte

« Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’a point à rougir, qui dispense droitement la parole de la vérité. »

(II Timothée, 2, 15)


Ne recherchez pas la connaissance pour elle-même. Tout ce qui ne procède pas directement de l’émotion est, en poésie, de valeur nulle. (Il faut bien sûr entendre émotion au sens large ; certaines émotions ne sont ni agréables ni désagréables ; c’est en général le cas du sentiment d’étrangeté.)

L’émotion abolit la chaîne causale ; elle est seule capable de faire percevoir les choses en soi ; la transmission de cette perception est l’objet de la poésie. Cette identité de buts entre la philosophie et la poésie est la source de la secrète complicité qui les lie. Celle-ci ne se manifeste pas essentiellement par l’écriture de poèmes philosophiques, la poésie doit découvrir la réalité par ses propres voies, purement intuitives, sans passer par le filtre d’une reconstruction intellectuelle du monde. Encore moins par la philosophie exprimée sous forme poétique, qui n’est le plus souvent qu’une misérable duperie. Mais c’est toujours chez les poètes qu’une philosophie neuve trouvera ses lecteurs les plus sérieux, les plus attentifs et féconds. De même, seuls certains philosophes seront capables de discerner, de mettre au jour et d’utiliser les vérités cachées dans la poésie. C’est dans la poésie, presque autant que dans la contemplation directe et beaucoup plus que dans les philosophies antérieures, qu’ils trouveront matière à de nouvelles représentations du monde.

Respectez les philosophes, ne les imitez pas ; votre voie, malheureusement, est ailleurs. Elle est indissociable de la névrose. L’expérience poétique et l’expérience névrotique sont deux chemins qui se croisent, s’entrecroisent, et finissent le plus souvent par se confondre ; ceci par dissolution du filon poétique dans le flot sanglant de la névrose. Mais vous n’avez pas le choix. Il n’y a pas d’autre chemin.

Le travail permanent sur vos obsessions finira par vous transformer en une loque pathétique, minée par l’angoisse ou dévastée par l’apathie. Mais, je le répète, il n’y a pas d’autre chemin. Vous devez atteindre le point de non-retour. Briser le cercle. Et produire quelques poèmes, avant de vous écraser au sol. Vous aurez entrevu des espaces immenses. Toute grande passion débouche sur l’infini.

En définitive, l’amour résout tous les problèmes. De même, toute grande passion finit par conduire à une zone de vérité. À un espace différent, extrêmement douloureux, mais où la vue porte loin, et clair. Où les objets nettoyés apparaissent dans leur netteté, leur vérité limpide.

Croyez à l’identité entre le Vrai, le Beau et le Bien.

La société où vous vivez a pour but de vous détruire. Vous en avez autant à son service. L’arme qu’elle emploiera est l’indifférence. Vous ne pouvez pas vous permettre d’adopter la même attitude. Passez à l’attaque !

Toute société a ses points de moindre résistance, ses plaies. Mettez le doigt sur la plaie, et appuyez bien fort. Creusez les sujets dont personne ne veut entendre parler. L’envers du décor. Insistez sur la maladie, l’agonie, la laideur. Parlez de la mort, et de l’oubli. De la jalousie, de l’indifférence, de la frustration, de l’absence d’amour. Soyez abjects, vous serez vrais.

N’adhérez à rien. Ou bien adhérez, puis trahissez tout de suite. Aucune adhésion théorique ne doit vous retenir bien longtemps. Le militantisme rend heureux, et vous n’avez pas à être heureux. Vous êtes du côté du malheur ; vous êtes la partie sombre.

Votre mission n’est pas avant tout de proposer, ni de construire. Si vous pouvez le faire, faites-le. Si vous aboutissez à des contradictions insoutenables, dites-le. Car votre mission la plus profonde est de creuser vers le Vrai. Vous êtes le fossoyeur, et vous êtes le cadavre. Vous êtes le corps de la société. Vous êtes responsables du corps de la société. Tous responsables, dans une égale mesure. Embrassez la terre, ordures !

Déterminez l’innocence, et la culpabilité. D’abord en vous-même, ce qui fournira un guide. Mais aussi chez les autres. Considérez leur comportement, et leurs excuses ; puis jugez, en toute impartialité. Vous ne vous épargnez pas ; n’épargnez personne.

Vous êtes riches. Vous connaissez le Bien, vous connaissez le Mal. Ne renoncez jamais à les séparer ; ne vous laissez pas engluer dans la tolérance, ce pauvre stigmate de l’âge. La poésie est en mesure d’établir des vérités morales définitives. Vous devez haïr la liberté de toutes vos forces.

La vérité est scandaleuse. Mais, sans elle, il n’y a rien qui vaille. Une vision honnête et naïve du monde est déjà un chef d’œuvre. En regard de cette exigence, l’originalité pèse peu. Ne vous en préoccupez pas. De toute manière, une originalité se dégagera forcément de la somme de vos défauts. Pour ce qui vous concerne, dites simplement la vérité ; dites tout simplement la vérité, ni plus ni moins.

Vous ne pouvez aimer la vérité et le monde. Mais vous avez déjà choisi. Le problème consiste maintenant à tenir ce choix. Je vous invite à garder courage. Non que vous ayez quoi que ce soit à espérer. Au contraire, sachez que vous serez très seuls. La plupart des gens s’arrangent avec la vie, ou bien ils meurent. Vous êtes des suicidés vivants.

À mesure que vous approchez de la vérité, votre solitude augmente. Le bâtiment est splendide, mais désert. Vous marchez dans des salles vides, qui vous renvoient l’écho de vos pas. L’atmosphère est limpide et invariable ; les objets semblent statufiés. Parfois vous vous mettez à pleurer, tant la netteté de la vision est cruelle. Vous aimeriez retourner en arrière, dans les brumes de l’inconnaissance ; mais au fond vous savez qu’il est déjà trop tard.

Continuez. N’ayez pas peur. Le pire est déjà passé. Bien sûr, la vie vous déchirera encore ; mais, de votre côté, vous n’avez plus tellement à faire avec elle. Souvenez- vous-en : fondamentalement, vous êtes déjà mort. Vous êtes maintenant en tête à tête avec l’éternité.

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