James C. Scott.jpg

Citations

« [...] les grands acquis émancipateurs et porteurs de liberté pour l’humanité ne sont pas le fruit de procédures institutionnelles ordonnées, mais bien d’actions désordonnées, imprévues et spontanées qui ont fissuré l’ordre social de bas en haut. »

— James C. Scott, Petit éloge de l’anarchisme (2012), trad. Patrick Cadorette et Miriam Heap-Lalonde, éd. Lux Éditeur, 2019 (ISBN 9782895963004), p. 228


« Un jour, vous serez appelés à enfreindre une grosse loi au nom de la justice et de la rationalité. Tout en dépendra. Vous devrez être prêts. Comment vous préparerez-vous à ce jour où votre choix sera vraiment important ? Il faut “garder la forme” pour être prêts quand le grand jour arrivera. Ce dont vous avez besoin, c’est d’une “callisthénie anarchiste”. Chaque jour, si possible, enfreignez une loi ou un règlement mineur qui n’a aucun sens, ne serait-ce qu’en traversant la rue hors du passage piéton. Servez-vous de votre tête pour juger si une loi est juste ou raisonnable. De cette façon, vous resterez en forme ; et quand le grand jour viendra, vous serez prêts. »

— James C. Scott, Petit éloge de l’anarchisme (2012), trad. Patrick Cadorette et Miriam Heap-Lalonde, éd. Lux Éditeur, 2019 (ISBN 9782895963004), p. 36


« Il existe tout un domaine que je nomme “infrapolitique” parce qu’il se situe hors de l’éventail visible de ce que l’on considère habituellement comme de l’activité politique. L’État a de tout temps contrecarré l’organisation des classes subordonnées, sans parler des épisodes de contestation publique. Pour les groupes subalternes, ce type d’activité politique est dangereux. Ceux-ci ont en grande partie compris, comme les guérillas, que la divisibilité, les petits nombres et la dispersion les aident à échapper aux représailles.

Par infrapolitique, j’entends les actes tels que le ralentissement délibéré, le braconnage, le chapardage, la dissimulation, le sabotage, la désertion, l’absentéisme, l’occupation illégale et la fuite. Pourquoi risquer d’être fusillé après une mutinerie ratée quand la désertion fait tout aussi bien l’affaire ? À quoi bon risquer l’invasion ouverte d’une terre lorsque l’occupation illégale procure de facto la terre et les droits ? Pourquoi ouvertement lutter pour l’accès à la forêt et pour le droit au produit de la pêche et de la chasse quand le braconnage permet d’atteindre les mêmes buts en douce ? Dans plusieurs cas, ces moyens autonomes d’améliorer sa condition matérielle se multiplient et sont soutenus par des convictions fortes, profondément ancrées dans la collectivité, à l’égard de la conscription, des guerres injustes et du droit à la terre et à la nature, convictions qui ne peuvent être exprimées ouvertement en toute sûreté. Pourtant, la somme de milliers, et même de millions, de petits actes peut entraîner des effets majeurs sur la guerre, le droit à la terre, les impôts et les rapports de propriété. »

— James C. Scott, Petit éloge de l’anarchisme (2012), trad. Patrick Cadorette et Miriam Heap-Lalonde, éd. Lux Éditeur, 2019 (ISBN 9782895963004), p. 20-21


« Lorsque l’identité est stigmatisée par l’État ou la société plus large, elle a de grandes chances de devenir pour beaucoup une identité de résistance et de défiance. Là, les identités inventées se combinent avec la production héroïque de soi, au cours de laquelle de telles identifications deviennent un signe distinctif arboré avec fierté. »

— James C. Scott, Zomia ou l’Art de ne pas être gouverné (2009), trad. Nicolas Guilhot, Frédéric Joly et Olivier Ruchet, éd. Seuil, 2013 (ISBN 9782757878231), p. 15-16


« Mon objectif consiste à déconstruire les discours de civilisation, chinois et autres, sur le “barbare”, le “cru”, le “primitif”. Après examen attentif, ces termes signifient en pratique “non gouverné”, “non encore incorporé”. Les discours de civilisation n’imaginent en effet jamais la possibilité que des gens choisissent volontairement de rejoindre les barbares, et de tels statuts sont dès lors stigmatisés et ethnicisés. La “tribu” et l’ethnie commencent exactement là où les impôts et la souveraineté s’arrêtent — que ce soit au sein de l’Empire romain ou de l’Empire chinois. »

— James C. Scott, Zomia ou l’Art de ne pas être gouverné (2009), trad. Nicolas Guilhot, Frédéric Joly et Olivier Ruchet, éd. Seuil, 2013 (ISBN 9782757878231), p. 12


— James C. Scott, La Domination et les arts de la résistance (1990), trad. Olivier Ruchet, éd. Éditions Amsterdam, 2019 (ISBN 9782354802011), p. 


Textes