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Liberalism

« L'individualisme est une expression récente qu'une idée nouvelle a fait naître. Nos pères ne connaissaient que l'égoïsme. L'égoïsme est un amour passionné et exagéré de soi-même, qui porte l'homme à ne rien rapporter qu'à lui seul et à se préférer à tout. L'individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. L'égoïsme naît d'un instinct aveugle ; l'individualisme procède d'un jugement erroné plutôt que d'un sentiment dépravé. Il prend sa source dans les défauts de l'esprit autant que dans les vices du cœur. L'égoïsme dessèche le germe de toutes les vertus, l'individualisme ne tarit d'abord que la source des vertus publiques ; mais, à la longue, il attaque et détruit toutes les autres et va enfin s'absorber dans l'égoïsme. L'égoïsme est un vice aussi ancien que le monde. Il n'appartient guère plus à une forme de société qu'à une autre. L'individualisme est d'origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s'égalisent. »

Democracy

« Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau. »

« L'on ne me fera point croire qu'un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d'un peuple de serviteurs. »

"There are two things which a democratic people will always find very difficult - to begin a war and to end it."

« Je pense donc que l’espèce d’oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde : nos contemporains ne sauraient en trouver l’image dans leur souvenir. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir puisque je ne peux la nommer. Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes, semblables et égaux, qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart et comme étranger à la destinée de tous les autres ; ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas : il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul et , s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche au contraire qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir ; il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre.

C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses ; elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »

« Il existe une loi générale qui a été faite ou du moins adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou tel peuple, mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c'est la justice. La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple.

Une nation est comme un jury chargé de représenter la société universelle et d'appliquer la justice qui est sa loi. Le jury, qui représente la société, doit-il avoir plus de puissance que la société elle-même dont il applique les lois ? »

  • Alexis de Tocqueville, « Tyrannie de la Majorité », De la démocratie en Amérique, vol I, Deuxième Partie : Chapitre VII

« La crainte du désordre et l’amour du bien-être portent insensiblement les peuples démocratiques à augmenter les attributs du pouvoir central. »

Equality

Democratic nations "are so enamored of equality, they would rather be equal in slavery than unequal in freedom."

« Je pense que les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté ; livrés à eux-mêmes, ils la cherchent, ils l’aiment, et ils ne voient qu’avec douleur qu’on les en écarte. Mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible ; ils veulent l’égalité dans la liberté, et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. Ils souffriront la pauvreté, l’asservissement, la barbarie, mais ils ne souffriront pas l’aristocratie. »

« Cette même égalité qui rend l'individu indépendant de chacun de ses concitoyens en particulier, le livre isolé et sans défense à l'action du plus grand nombre. »

« Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. »

« Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’oeil ; quand tout est à peu près de ce niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir d’égalité devient toujours insatiable à mesure que l’égalité est plus grande. »

Government

« Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu’il entend se substituer à eux dans l’organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu’à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d’eux-mêmes ?

Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui. »

« A mesure que les attributions du pouvoir central augmentent, le nombre des fonctionnaires qui le représentent s’accroît. Ils forment une nation dans chaque nation, et, comme le gouvernement leur prête sa stabilité, ils remplacent de plus en plus chez chacune d’elle l’aristocratie. Presque partout, en Europe, le souverain domine de deux manières il mène une partie des citoyens par la crainte qu’ils éprouvent de ses agents, et l’autre par l’espérance qu’ils conçoivent de devenir ses agents. »

« L’État s’établit davantage tous les jours, à côté, autour, au-dessus de chaque individu pour l’assister, le conseiller et le contraindre. »

« Au dessus des citoyens s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d’assurer leurs jouissances et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. »

Countries

« Le goût des fonctions publiques et le désir de vivre de l'impôt n'est point chez nous une maladie particulière à un parti, c'est la grande et permanente infirmité de la nation elle-même. »

« On tombe assez d’accord aujourd’hui, ce me semble, que la centralisation administrative et l’omnipotence de Paris sont pour beaucoup dans la chute de tous les gouvernements que nous avons vus se succéder depuis quarante ans. Je ferai voir sans peine qu’il faut attribuer au même fait une grande part dans la ruine soudaine et violente de l’ancienne monarchie, et qu’on doit le ranger parmi les principales causes de cette révolution première qui a enfanté toutes les autres. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), p. 169

« J’arrête le premier Américain que je rencontre, soit dans son pays, soit ailleurs, et je lui demande s’il croit la religion utile à la stabilité des lois et au bon ordre de la société ; il me répond sans hésiter qu’une société civilisée, mais surtout une société libre, ne peut subsister sans religion. Le respect de la religion y est, à ses yeux, le plus grande garantie de la stabilité de l’État et de la sûreté des particuliers. Les moins versés dans la science du gouvernement savent au moins cela. Cependant il n’y a pas de pays au monde où les doctrines les plus hardies des philosophes du dix-huitième siècle, en matière de politique, soient plus appliquées qu’en Amérique ; leurs seules doctrines antireligieuses n’ont jamais pu s’y faire jour, même à la faveur de la liberté illimitée de la presse. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), p. 244

Liberty

"The man who seeks freedom for anything but freedom's self is made to be a slave."

« Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle-même est fait pour servir. Que manque-t-il à ceux-là pour rester libres ? Quoi ? Le goût sublime de l'être. »
  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), p. 259

« L'individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. »

« Les hommes ne sauraient jouir de la liberté politique sans l’acheter par quelques sacrifices, et ils ne s’en emparent jamais qu’avec beaucoup d’efforts. »

« Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. »

« Je n'ai pas de traditions, je n'ai pas de parti, je n'ai point de cause, si ce n'est celle de la liberté et de la dignité humaine. »

« Chacun est le meilleur juge de ce qui le concerne exclusivement. »

Race

« Le plus redoutable de tous les maux qui menacent l'avenir des États-Unis naît de la présence des Noirs sur leur sol. [...] Le préjugé qui repousse les nègres semble croître à proportion que les nègres cessent d'être esclaves et que l'inégalité se grave dans les moeurs à mesure qu'elle s'efface dans les lois. »

« Quelque respectable que soit la position des Noirs, quelque sainte que doive être à nos yeux leur infortune, qui est notre ouvrage, il serait injuste et imprudent de ne se préoccuper que d’eux seuls. Si les Nègres ont droit à devenir libres, il est incontestable que les colons ont droit à n’être pas ruinés par la liberté des Nègres. »

Revolution

« Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d'ordinaire celui où il commence à se réformer. »

« La Révolution française ne sera que ténèbres pour ceux qui ne voudront regarder qu'elle ; c'est dans les temps qui la précèdent qu'il faut chercher la seule lumière qui puisse l'éclairer. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), p. 298

Politics

« Les peuples démocratiques haïssent souvent les dépositaires du pouvoir central ; mais ils aiment toujours ce pouvoir lui-même. »

Alexis de Tocqueville « En politique, ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. »

« Une nation fatiguée de longs débats consent volontiers qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose, et l’histoire nous apprend qu’il suffit alors pour la contenter de ramasser dans tout le pays un certain nombre d’hommes obscurs ou dépendants, et de leur faire jouer devant elle le rôle d’une assemblée politique, moyennant salaire. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), p. 236

« Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »

Islam

« J’ai beaucoup étudié le Coran à cause surtout de notre position vis-à-vis des populations musulmanes en Algérie et dans tout l’Orient. Je vous avoue que je suis sorti de cette étude avec la conviction qu’il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet. Elle est, à mon sens, la principale cause de la décadence aujourd’hui si visible du monde musulman et quoique moins absurde que le polythéisme antique, ses tendances sociales et politiques étant, à mon avis, infiniment plus à redouter, je la regarde relativement au paganisme lui-même comme une décadence plutôt que comme un progrès. »

« Quand Mahomet n’aurait commis que la faute de joindre intimement un corps d’institutions civiles et politiques à une croyance religieuse, de façon à imposer au premier l’immobilité, qui est dans la nature des Saoudis, c’en eût été assez pour vouer dans un temps donné ses sectateurs à une infériorité d’abord et ensuite à une ruine inévitable. La grandeur, et la sainteté du christianisme, est de n’avoir au contraire entrepris de régner que dans la sphère naturelle des religions, abandonnant tout le reste aux mouvements libres de l’esprit humain. »

« L'islam, c'est la polygamie, la séquestration des femmes, l'absence de toute vie publique, un gouvernement tyrannique et ombrageux qui force de cacher sa vie et rejette toutes les affections du coeur du côté de l'intérieur de la famille. »

History

"I go back from age to age up to the remotest antiquity, but I find no parallel to what is occurring before my eyes; as the past has ceased to throw its light upon the future, the mind of man wanders in obscurity."

« Je remonte de siècle en siècle jusqu'à l'antiquité la plus reculée ; je n'aperçois rien qui ressemble à ce qui est sous nos yeux. Le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres. »

« L’histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies. »

Countries

"The American Republic will survive until the day that Congress discovers that it can bribe the public with the public's money."

« J'avoue que dans l'Amérique j'ai vu plus que l'Amérique ; j'y ai cherché une image de la démocratie elle-même, de ses penchants, de son caractère, de ses préjugés, de ses passions ; j'ai voulu la connaître, ne fût-ce que pour savoir du moins ce que nous devions espérer ou craindre d'elle. »

Monarchism

« [...] des entrailles mêmes d'une nation qui venait de renverser la royauté on vit sortir tout à coup un pouvoir plus étendu, plus détaillé, plus absolu que celui qui avait été exercé par aucun de nos rois. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), pp. 297-298

Socialism

« Démocratie et socialisme n'ont rien en commun sauf un mot, l'égalité. Mais notez la différence : pendant que la démocratie cherche l'égalité dans la liberté, le socialisme cherche l'égalité dans la restriction et la servitude. ».

« On croit que les théories destructives qui sont désignées de nos jours sous le nom de socialisme sont d'origine récente ; c'est une erreur: ces théories sont contemporaines des premiers économistes. Tandis que ceux-ci employaient le gouvernement tout-puissant qu'ils rêvaient à changer les formes de la société, les autres s'emparaient en imagination du même pouvoir pour en ruiner les bases.

Lisez le Code de la Nature par Morelly, vous y trouverez, avec toutes les doctrines des économistes sur la toute-puissance de l'État et sur ses droits illimités, plusieurs des théories politiques qui ont le plus effrayé la France dans ces derniers temps, et que nous nous figurions avoir vues naître : la communauté de biens, le droit au travail, l'égalité absolue, l'uniformité en toutes choses, la régularité mécanique dans tous les mouvements des individus, la tyrannie réglementaire et l'absorption complète de la personnalité des citoyens dans le corps social.

« Rien dans la société n'appartiendra singulièrement ni en propriété à personne, dit l'article 1er de ce Code. La propriété est détestable, et celui qui tentera de la rétablir sera renfermé pour toute sa vie, comme un fou furieux et ennemi de l'humanité. Chaque citoyen sera sustenté, entretenu et occupé aux dépens du publie, dit l'article 2. Toutes les productions seront amassées dans des magasins publics, pour être distribuées à tous les citoyens et servir aux besoins de leur vie. Les villes seront bâties sur le même plan; tous les édifices à l'usage des particuliers seront semblables. A cinq ans tous les enfants seront enlevés à leur famille et élevés en commun, aux frais de l'État, d'une façon uniforme. » Ce livre vous paraît écrit d'hier : il date de cent ans ; il paraissait en 1755, dans le même temps que Quesnay fondait son école : tant il est vrai que la centralisation et le socialisme sont des produits du même sol ; ils sont, relativement l'un à l'autre, ce que le fruit cultivé est au sauvageon. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), pp. 254-255

« On a dit que le caractère de la philosophie du dix-huitième siècle était une sorte d’adoration de la raison humaine, une confiance sans bornes dans sa toute-puissance pour transformer à son gré lois, institutions et mœurs. Il faut bien s’entendre : c’était moins encore, à vrai dire, la raison humaine que quelques-uns de ces philosophes adoraient que leur propre raison. Jamais on a montre moins de confiance que ceux-là dans sagesse commune. Je pourrais en citer plusieurs qui méprisaient presque autant la foule que le bon Dieu. Ils montraient un orgueil de rivaux à celui-ci et un orgueil de parvenus à celle-là. La soumission vraie et respectueuse pour les volontés de la majorité leur était aussi étrangère que la soumission aux volontés divines. Presque tous les révolutionnaires ont montré depuis ce double caractère. Il y a bien loin de là à ce respect témoigné par les Anglais et les Américains aux sentiments de la majorité de leurs concitoyens. Chez eux, la raison est fière et confiante en elle-même, mais jamais insolente ; aussi a-t-elle conduit à la liberté, tandis que la nôtre n’a guère fait qu’inventer de nouvelles formes de servitude. »

  • Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (1856), éd. Flammarion, col. Garnier Flammarion, 1993 (ISBN 9782080705006), notes, p. 358

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Michel Houellebecq

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