Chanson de Roland
Citations
« Celui qui trahit perd et lui-même et les autres. »
« [...] celui de tant de terres qu’il a conquises en vaillant chevalier, de la douce France, des hommes de son lignage, de Charlemagne son seigneur qui l’a formé. À ces pensées il ne peut retenir ses larmes et ses soupirs. Mais il ne veut pas s’oublier lui-même. Il fait son mea culpa et demande pardon à Dieu : “Vrai Père, toi qui n’as jamais menti, qui as ressuscité saint Lazare, qui as sauvé Daniel des lions, sauve aussi mon âme de tous les périls auxquels l’exposent tous les péchés que j’ai commis pendant mas vie !” Il fait à Dieu l’offrande de son gant droit. Saint Gabriel le prend de sa main. Roland laisse pencher sa tête sur son bras et les mains jointes il va à sa fin. Dieu lui envoie son ange Chérubin et saint Michel du Péril. Saint Gabriel se joint à eux et ils emportent l’âme du comte au Paradis. »
« Roland sent que ses yeux ne voient plus. Il se remet debout et rassemble ses dernières forces. Son visage n’a plus de couleurs. Devant lui se trouve une roche grise. Il la frappe de dix coups d’épée avec colère, avec dépit. L’acier grince sans se briser ni s’ébrécher. “Ah ! prie le comte, sainte Marie, au secours ! Ah ! Durendal, ma bonne épée, quel malheur pour vous ! Puisque me voilà perdu, je ne suis plus désormais responsable de vous. Grâce à vous j’ai remporté tant de victoires sur les champs de bataille et conquis tant de vastes territoires que possède maintenant Charles dont la barbe est toute blanche. Ne tombez jamais aux mains d’un guerrier capable de fuir devant un autre. Vous avez appartenu longtemps à un vaillant seigneur. Jamais on ne reverra pareille épée dans la sainte France.” »
« Maintenant Roland voit son ami mort, étendu le visage contre terre. Avec tendresse il commence à dire l’adieu : “Seigneur, mon ami, votre hardiesse vous a perdu ! Nous avons vécu ensemble pendant tant d’année et tant de jours sans que jamais l’un de nous deux ait fait du tort à l’autre. Maintenant que toi tu es mort, moi je souffre de rester en vie.” À ces mots le marquis s’évanouit sur son cheval qu’il appelle Veillantif. Mais il est si bien retenu par ses étriers d’or pur que, de quelque côté qu’il penche, il ne peut tomber. »
« Roland a porté le cor à ses lèvres. Il l’embouche bien et sonne à pleins poumons. Les montagnes sont hautes et le son se prolonge dans le lointain. À plus de trente lieues, on en perçoit l’écho. Charles l’entend et toute son armée aussi. [...]
Le comte Roland haletant à grand-peine souffre terriblement en sonnant du cor. Son sang clair jaillit hors de sa bouche et ses tempes en éclatent. La portée de son cor est très grande et Charles le perçoit, lui qui est en train de franchir les défilés. »