Christopher Lasch
Citationes
“[...] the devaluation of the past has become one of the most important symptoms of the cultural crisis to which this book addresses itself, often drawing on historical experience to explain what is wrong with our present arrangements. A denial of the past, superficially progressive and optimistic, proves on closer analysis to embody the dispair of a society that cannot face the future.”
- « [...] la dépréciation du passé est devenue l’un des symptômes les plus significatifs de la crise culturelle à laquelle ce livre est consacré. Je ferai souvent appel à l’expérience historique pour expliquer nos errements présents. Le refus du passé, attitude superficiellement progressiste et optimiste, se révèle, à l’analyse, la manifestation du désespoir d’une société incapable de faire face à l’avenir. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), Préface, p. 24
- « Vivre dans l’instant est la passion dominante — vivre pour soi-même, et non pour ses ancêtres ou la postérité. Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur. C’est le déclin de sens du temps historique. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 31
- « Nous vivons dans un tourbillon d’images et d’échos qui interrompt l’expérience et la rejoue au ralenti. Les caméras et les machines à enregistrer ne transcrivent pas seulement le vécu, elles en altèrent la qualité. [...] La vie se présente comme une succession d’images ou de signaux électroniques, d’impressions enregistrées et reproduites par la photographie, le cinéma et la télévision, et des moyens d’enregistrement perfectionnés. La vie moderne est si complètement médiatisée par les images électroniques qu’on ne peut s’empêcher de réagir à autrui comme si leurs actions – et les nôtres – étaient enregistrées et transmises simultanément à une audience invisible ou emmagasinées pour être scrutées plus tard. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 80
- « [...] Robinson Crusoé incarne le type idéal de l’homme économique, héros de la société bourgeoise ascendante [...]. »
- — (fr) Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 87
- « De nos jours, les conditions sociales se rapprochent de la vision de la société républicaine élaborée par le marquis de Sade au tout début de la Ier République. De bien des façons, celui-ci s'est montré le plus clairvoyant, et certainement le plus troublant, des prophètes de l’individualisme révolutionnaire, en proclamant que la satisfaction illimitée de tous les appétits était l’aboutissement logique de la révolution dans les rapports de propriété, la seule manière d'atteindre la fraternité révolutionnaire dans sa forme la plus pure. »
- — Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 105
- « À une époque moins complexe, la publicité se contentait d’attirer l’attention sur un produit et de vanter ses avantages. Maintenant, elle fabrique son propre produit : le consommateur, être perpétuellement insatisfait, agité, anxieux, blasé. La publicité sert moins à lancer un produit qu’à promouvoir la consommation comme style de vie. Elle “éduque” les masses à ressentir un appétit insatiable, non seulement de produits, mais d’expériences nouvelles et d’accomplissement personnel. Elle vante la consommation, remède universel aux maux familiers que sont la solitude, la maladie, la fatigue, l’insatisfaction sexuelle. Mais simultanément, elle crée de nouvelles formes de mécontentements, spécifiques de l’âge moderne. Elle utilise et stimule le malaise de la civilisation industrielle. Votre travail est ennuyeux et sans signification ? Il vous donne un sentiment de fatigue et de futilité ? Votre existence est vide ? Consommez donc, cela comblera ce vide douloureux. D’où la volonté d’envelopper la marchandise d’une aura romantique d’allusions à des lieux exotiques, à des expériences merveilleuses, et de l’affubler d’images de seins féminins, d’où coulent tous les bien-faits. »
- — Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 109
- « Les demandes de l’économie de la consommation de masse ont rendu caduque la morale du travail, même pour les ouvriers. Auparavant, les gardiens de la santé et la moralité publiques prêchaient l’obligation morale du travail ; maintenant, ils pressent l’ouvrier de travailler pour jouir des fruits de la consommation. »
- — Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 110
- « La société de consommation « se met du côté de la femme (ou fait semblant) contre l’oppression masculine, du côté de l’enfant contre l’autorité de ses aînés. Il est logique, du point de vue de la création de la demande que les femmes fument et boivent en public, qu’elles se déplacent librement, qu’elles affirment leurs droits au bonheur, plutôt que de vivre pour les autres. L’industrie de la publicité encourage ainsi une pseudo-émancipation qu’elle flatte en lui rappelant insidieusement “Tu reviens de loin, ma belle”, sur une marque de cigarette, et déguise sa liberté de consommer en autonomie authentique. De même, elle encense et glorifie la jeunesse dans l’espoir d’élever les jeunes au rang de consommateurs de plein droit, avec téléphone, télévision, appareil haute-fidélité dans sa chambre. L’“éducation” des masses a altéré l’équilibre des forces au sein de la famille, affaiblissant l’autorité du mari vis-à-vis de sa femme, et celle des parents vis-à-vis de leurs enfants. Mais si elle émancipe femmes et enfants de l’autorité patriarcale, ce n’est que pour mieux les assujettir au nouveau paternalisme de la publicité, des grandes entreprises industrielles et de l’État. »
- — Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p. 110-111
“Mass education, which began as a promising attempt to democratize the higher culture of the privileged classes, has ended by stupefying the privileged themselves. Modern society has achieved unprecedented rates of formal literacy, but at the same time has produced new forms of illiteracy. People increasingly find themselves unable to use language with ease and precision, to recall the basic facts of their country’s history, to make logical deductions, to understand any but the most rudimentary written texts, or even to grasp their constitutional rights.”
- « L’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, a fini par abrutir les privilégiés eux-mêmes. La société moderne, qui a réussi à créer un niveau sans précédent d’éducation formelle, a également produit de nouvelles formes d’ignorance. Il devient de plus en plus difficile aux gens de manier leur langue avec aisance et précision, de se rappeler les faits fondamentaux de l’histoire de leur pays, de faire des déductions logiques, de comprendre des textes écrits autres que rudimentaires, et même de concevoir leurs droits constitutionnels. Les traditions populaires d’autonomie de l’individu ont fait place à des connaissance ésotériques gérées par des experts ; comment ne pas croire, dès lors, qu’une compétence suffisante, dans quelque domaine que ce soit, y compris l’art de se gouverner soit-même, est hors de la portée de l’homme ordinaire ? Les niveaux scolaires baissent, les victimes d’un enseignement médiocre en viennent à croire à la mauvaise opinion que les experts ont de leur capacité ; pendant ce temps, les pédagogues se plaignent d’avoir des élèves à qui l’on ne peut rien enseigner. »
- — Christopher Lasch, La Culture du narcissisme (1979), trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, coll. « Champs Essais », 2008 (ISBN 9782081218758), p.
« L'abdication de l'autorité par les parents intensifie la peur de la punition au lieu de l'affaiblir ; elle ancre plus fermement que jamais chez l'enfant l'idée que la punition est un acte arbitraire, d'une violence irrésistible. [...] Dans une société permissive, les gens sont très surpris d'apprendre que d'être privé d'une souffrance peut être ressenti comme une frustration. Pourtant, il est beaucoup plus douloureux, pour certains enfants, d'avoir à porter une culpabilité impunie que de recevoir une fessée. »
« Nous voyons en effet combien la signification de la démocratie s’est brouillée, combien nous nous sommes éloignés des prémisses sur lesquelles ce pays a été fondé. Le mot en est arrivé à servir simplement de description à l’Etat-thérapeute. Aujourd’hui, quand nous parlons de démocratie, nous renvoyons le plus souvent à la démocratisation de l’ "estime de soi". Les scies qui ont cours à l’heure actuelle – diversité, compassion, (re)prise de pouvoir, (re)prise de statut – expriment l’espoir indistinct que l’on pourra surmonter les divisions profondes de la société américaine à force de bonne volonté et de discours aseptisé. On nous demande de reconnaître que toutes les minorités ont droit au respect non pas en vertu de ce qu’elles on accompli mais de ce qu’elles ont souffert dans le passé. On nous explique qu’en prêtant attention avec compassion à ce qu’elles font et disent, nous aboutirons, sans bien savoir comment, à améliorer l’opinion qu’elles ont d’elles-mêmes ; l’interdiction des épithètes raciales et autres formes de discours de haine est censée faire des miracles pour leur moral. Dans cette obsession pour les mots, nous avons perdu de vue les dures réalités qu’il est impossible d’adoucir en se contentant de flatter l’image que les gens se font d’eux-mêmes. Quel avantage les habitants des bas-fonds du Bronx retirent-ils de l’application stricte des codes de discours sur les campus des universités de l’élite ? »
« La dégénérescence de la politique en spectacle a transformé les programmes d’action en publicité, avili le commentaire politique, et tourné les élections en événements sportifs, chaque parti proclamant que “l’élan” est de son côté. Elle a aussi rendu plus difficile que jamais l’organisation d’une opposition politique. Lorsque les images du pouvoir éclipsent sa réalité, ceux qui sont sans pouvoir se battent contre des fantômes. Dans une société où le pouvoir aime se présenter sous un aspect débonnaire - le gouvernement n’ayant que rarement recours à l’utilisation brutale de la force - il est particulièrement difficile d’identifier l’oppresseur, plus encore de le personnifier, ou de maintenir un sentiment brûlant d’injustice dans la population. »