Joseph de Maistre
Citationes
« Jusqu’à présent les nations ont été tuées par la conquête, c’est-à-dire par voie de pénétration ; mais il se présente ici une grande question : — Une nation peut-elle mourir sur son propre sol sans transplantation, ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui font ce qu’elle est ? C'est un grand et redoutable problème. Si vous en êtes là, il n'y a plus de Français, même en France ; Rome n'est plus dans Rome, et tout est perdu. »
« La guerre est donc divine en elle-même, puisque c'est une loi du monde. »
« Mais qu'est-ce qu'une nation ? mon cher ami. C'est le souverain et l'aristocratie. Il faut peser les voix et non les compter. Je ne sais combien tu as de domestiques, mais quand tu en aurais cinquante, je prendrais la liberté d'estimer leurs voix réunies un peu moins que la tienne. Tu me dis un grand mot en me disant : Je sais qu'ils ont des amis dans la haute classe ; mais c'est précisément dans les hautes classes que résident les principes conservateurs et les véritables maximes d'État. »
« [...] l'homme en général, s'il est réduit à lui-même, est trop méchant pour être libre. »
« Mais les fausses opinions ressemblent à la fausse monnaie qui est frappée d'abord par de grands coupables, et dépensée ensuite par d'honnêtes gens, qui perpétuent le crime sans savoir ce qu'ils font. »
« Mais de tous les monarques, le plus dur, le plus despotique, le plus intolérable, c'est le monarque peuple. »
« Le peuple est souverain, dit-on ; et de qui ? — De lui-même apparemment. Le peuple est donc sujet. Il y a sûrement ici quelque équivoque s’il n’y a pas une erreur, car le peuple qui commande n’est pas le peuple qui obéit. Il suffit donc d’énoncer la proposition générale : le peuple est souverain, pour sentir qu’elle a besoin d’un commentaire. »
« [...] jamais le christianisme, si vous y regardez de près, ne vous paraîtra plus sublime, plus digne de Dieu, et plus fait pour l'homme qu'à la guerre. »
« [...] le glaive de la justice n'a point de fourreau ; toujours il doit menacer ou frapper. »
« Nous flétrissons celui qui vole un centime dans la poche de son ami ; s'il ne lui prend que sa femme, ce n'est rien. Tous les crimes brillants qui supposent un développement de qualités grandes ou aimables ; tous ceux surtout qui sont honorés par le succès, nous les pardonnons, si même nous n'en faisons pas des vertus ; tandis que les qualités brillantes qui environnent le coupable, le noircissent aux yeux de la véritable justice, pour qui le plus grand crime est l'abus de ses dons. »
« La constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l'homme. Or, il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan : mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie ; s'il existe, c'est bien à mon insu. [...] une constitution qui est faite pour toutes les nations, n'est faite pour aucune : c'est une pure abstraction, une œuvre scolastique faite pour exercer l'esprit d'après une hypothèse idéale, et qu'il faut adresser à l'homme, dans les espaces imaginaires où il habite. »
« Plus on écrit et plus l'institution est faible, la raison en est claire. Les lois ne sont que des déclarations de droits, et les droits ne sont déclarés que lorsqu'ils sont attaqués ; en sorte que la multiplicité des lois constitutionnelles écrites ne prouve que la multiplicité des chocs et le danger d'une destruction.
Voilà pourquoi l'institution la plus vigoureuse de l'antiquité profane fut celle de Lacédémone, où l'on n'écrivit rien. »
« Le peuple le mieux constitué est celui qui a le moins écrit de lois constitutionnelles ; et toute constitution écrite est NULLE. »
« Il y a dans la révolution française un caractère satanique qui la distingue de tout ce qu'on a vu et peut-être de tout ce qu'on verra. [...] Il n'y a plus de prêtres, on les a chassés, égorgés, avilis; on les a dépouillés. Et ceux qui ont échappé à la guillotine, aux buchers, aux poignards, aux fusillades, aux noyades, à la déportation, reçoivent aujourd'hui l'aumône qu'ils donnaient jadis. Les autels sont renversés, on a promené dans les rues des animaux immondes sous des vêtements des pontifes. Les coupes sacrées ont servi à d'abominables orgies. Et sur ces autels que la foi antique environne de chérubins éblouis, on a fait monter des prostituées nues. »
« On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution ; c'est la révolution qui emploie les hommes. »
« La Contre-Révolution ne sera pas une révolution contraire, mais le contraire de la Révolution. »
« Il n’y a pas d’homme d’esprit en France qui ne se méprise plus ou moins. L’ignominie nationale pèse sur tous les coeurs (car jamais le peuple ne fut méprisé par des maîtres plus méprisables) ; on a donc besoin de se consoler, et les bons citoyens le font à leur manière. Mais l’homme vil et corrompu, étranger à toutes les idées élevées, se venge de son abjection passée et présente, en contemplant, avec cette volupté ineffable qui n’est connue que de la bassesse, le spectacle de la grandeur humiliée. »
« Ce qui distingue la Révolution française et ce qui en fait un événement unique dans l'histoire, c'est qu'elle est mauvaise radicalement, aucun élément de bien n'y soulage l'œil de l'observateur. C'est le plus haut degré de corruption, comme c'est la pure impureté. »
« Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite. »
« [...] toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage. »
« Partout où vous verrez un autel, là se trouve la civilisation. »
« Je ne vis plus qu'à demi. D'autres épines encore s'enfoncent dans mon coeur, mon esprit s'en ressent : de petit il est devenu nul, hic jacet ; mais je meurs avec l'Europe, je suis en bonne compagnie. »
« Je crois de plus en mon âme et conscience que si l’homme pouvait vivre dans ce monde exempt de toute espèce de malheurs, il finirait par s’abrutir au point d’oublier complètement toutes les choses célestes et Dieu même. Comment pourrait-il, dans cette supposition, s’occuper d’un ordre supérieur, puisque dans celui-même où nous vivons, les misères qui nous accablent ne peuvent nous désenchanter des charmes trompeurs de cette malheureuse vie ? »
« [...] il n'y aurait rien de si infortuné qu'un homme qui n'aurait jamais éprouvé l'infortune : car jamais un tel homme ne pourrait être sûr de lui-même, ni savoir ce qu'il vaut. »
« Qu'on rie de ces idées [les idées religieuses] ou qu'on les vénère, n'importe : elles ne forment pas moins (vraies ou fausses) la base unique de toutes les institutions durables. »
« Il y a une règle sûre pour juger les livres comme pour les hommes, même sans les connaître : il suffit de savoir par qui ils sont aimés, et par qui ils sont haïs. Cette règle ne trompe jamais, et déjà je vous l’ai proposée à l’égard de Bacon. Dès que vous le voyez mis à la mode par les encyclopédistes, traduit par un athée et loué sans mesure par le torrent des philosophes du dernier siècle, tenez pour sûr, sans autre examen, que sa philosophie est, du moins dans ses bases générales, fausse et dangereuse. »
Citationes de Joseph de Maistre
« De Maistre et Edgar Poe m'ont appris à raisonner. »
« Joseph de Maistre disait, il y a plus d’un siècle, que l’homme est trop méchant pour mériter d’être libre.
Ce Voyant était un contemporain de la Révolution dont il contemplait, en prophète, la grandiose horreur, et il lui parlait face à face.
Il mourut dans l’épouvante et le mépris de ce colloque, en prononçant l’oraison funèbre de l’Europe civilisée.
Il n’aurait donc rien de plus à dire aujourd’hui, et les finales porcheries de notre dernière enfance n’ajouteraient absolument rien à la terrifiante sécurité de son diagnostic. »
« Aussi réactionnaires qu'ils aient été sur un plan politique, des hommes tels que Coleridge, Bonald, de Maistre, Justus Möser ou Donoso Cortès ont fait preuve d'une compréhension de l'importance d'institutions à croissance spontanée telles que le langage, le droit, la morale et les coutumes qui anticipait des analyses scientifiques récentes et dont les libéraux auraient pu profiter. »
— Friedrich von Hayek, « Pourquoi je ne suis pas un conservateur », extrait de la Constitution de la liberté (trad. française 1994)
Textus
- Jugement sur Voltaire — Joseph de Maistre
- Plaidoyer pour l’Inquisition — Joseph de Maistre
- Considérations sur la France — Joseph de Maistre
- Lettre à sa fille — Joseph de Maistre