Oswald Spengler.jpg

Citationes

« Tout devenu est périssable. Périssables non seulement les peuples, les langues, les races, les cultures. Dans quelques siècles, il n'y aura plus de culture européenne d'Occident, plus d'Allemands, d'Anglais, de Français, comme il n'y avait plus de Romania au temps de Justinien. Ce n'était pas la suite des générations humaines qui était alors éteinte, mais la forme intérieure d'un peuple, qui avait condensé en une physionomie unitaire un certain nombre de ces générations, avait cessé d'exister. Le civis Romanus, tout en étant un des symboles les plus puissants de l'être antique, n'avait néanmoins comme forme qu'une durée de quelques siècles. Mais le phénomène primaire de la grande culture en général disparaîtra un jour, lui aussi, de même que le spectacle de l'histoire universelle et enfin l'homme lui-même et, par delà l'homme, l'apparition de la vie végétale et animale à la surface de la terre, cette terre même, le soleil et l'univers entier des systèmes solaires. Tout art est mortel, non seulement les œuvres individuelles, mais les arts eux-mêmes. Un jour, le dernier portrait de Rembrandt et la dernière mesure de la musique de Mozart auront cessé d'exister, même si une toile peinte ou un feuillet de notes aura peut-être subsisté, parce que le dernier œil et la dernière oreille, auxquels leur langage formel était accessible, auront disparu. Périssables chaque pensée, chaque croyance , chaque science, dès que sont éteints les esprits dans les univers desquels leurs "vérités éternelles" étaient senties comme vraies avec nécessité. Périssables même les étoiles qui "apparaissent" aux astronomes du Nil et de l'Euphrate comme des univers pour un œil, car notre œil — également périssable — est différent. Nous savons cela. Un animal ne le sait pas, et ce qu'il ne sait pas n'existe pas dans la réalité vivante de son univers ambiant. Mais avec l'image du passé disparaît aussi le désir nostalgique de donner au passé un sens plus profond. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 166


« L'homme est le seul vivant connaissant la mort. Tous les autres vieillissent, mais leur conscience reste absolument restreinte au moment, qui doit leur paraître éternel. Ils vivent sans rien savoir de la vie, comme ces enfants de première jeunesse que le christianisme désigne encore sous le nom d'"innocents". Ils meurent et voient mourir, mais n'en savent rien. L'homme entièrement éveillé, l'homme proprement dit, dont l'intelligence est dégagée de la vision de l'habitude du langage, est le premier à posséder, outre la sensation, également le concept de trépas, c'est-à-dire une mémoire du passé et une expérience de l'irrévocable. Nous sommes le temps, mais nous possédons aussi une image de l'histoire et dans cette image, en considérant la mort, la naissance nous apparaît comme la deuxième énigme. Pour tous les autres vivants, la vie s'écoule sans le moindre pressentiment de sa limité, c'est-à-dire sans qu'ils en sachent le rôle, le sens, la durée et le but. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 164


« À la surface des événements cosmiques règne l'imprévu. Il adhère comme marque distinctive à tout événement isolé, à toute décision particulière, à toute personne individuelle. Nul n'a prévu le bond de l'Islam dans l'apparition de Mohammed, ou Napoléon dans la chute de Robespierre. L'arrivée des grands hommes, ce qu'ils entreprennent, le succès de ces entreprises – sont incommensurables : personne ne sait si une évolution puissante en germe s'achèvera à grands traits, comme la noblesse romaine, ou tombera victime du sort, comme les Hohenstaufen et la culture Maya tout entière.

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 141


« C'est le sens de tous les déclins dans l'histoire — le sens de l'accomplissement intérieur et extérieur, celui de la fin qui menace toutes les cultures vivantes ; — parmi ces déclins, le plus distinct, celui de "l'antiquité", s'étale à grands traits sous nos yeux, tandis qu'en nous et autour de nous, nous suivons clairement à la trace les premiers symptômes de notre événement, absolument semblable au premier par son cours et sa durée et appartenant aux premiers siècles du prochain millénaire, le "déclin de l'Occident". »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 114


« Une masse à perte de vue d'êtres vivants humains, une onde immense jaillie des profondeurs d'un passé obscur, où notre sentiment du temps perd son efficacité organisatrice et où l'imagination sans trêve — ou la peur — nous a transportés comme par enchantement dans l'image de périodes géologiques terrestres pour y dissimuler une énigme à jamais insoluble ; un courant qui se perd dans un futur aussi obscur et atemporel : tel est le fondement de l'image faustienne de l'histoire humaine. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 113


Oswald Spengler 2.jpg

« Ville mondiale signifie cosmopolitisme au lieu de "patrie", sens froid des réalités au lieu de respect pour la tradition et ses enfants, irréligion scientifique pétrifiant la religion du cœur qui l'a précédée, "sociétés" au lieu d'États, droits naturels au lieu de droits acquis. L'argent, comme grandeur anorganique, abstraite, dépouillée de tout rapport avec le sens du sol fertile et les valeurs d'une économie domestique primitive — est un avantage que les Romains avaient sur les Grecs. La ville mondiale n’a pas un peuple, mais une masse. Son incompréhension du traditionnel, dans lequel elle combat la culture (la noblesse, l’église, les privilèges, la dynastie, les conventions artistiques, la possibilité d’une limite à la connaissance scientifique) ; son intelligence froide et perspicace, supérieure à celle du paysan ; son naturalisme d’un sens tout nouveau, qui prend sa source dans les instincts les plus vieux et les conditions primitives de l’homme, par delà Socrate et Rousseau et loin derrière eux, en ce qui concerne toutes les questions sexuelles et sociales ; le panem et circences qui reparaît sous le manteau de la lutte des salaires et de la place du sport — tout cela marque, à côté de la culture définitivement achevée, à côté de la province, une forme tout à fait nouvelle et tardive, sans avenir, mais inévitable, de l’existence humaine. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « NRF », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 45


Bibliographia

Modèle:Amazon

Modèle:Facebook