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Citations

« L’homme de couleur comprend le blanc quand celui-ci parle de “l’humanité” et de la paix éternelle. Il flaire l’incapacité et le manque de volonté de se défendre. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 244


« [...] en face du danger, le happy end d'une existence vide, dont l’ennui s’accompagne de la musique de jazz et des danses nègres qui sonnent la marche funèbre d’une vieille culture. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 243-244


« En Afrique, les Nègres, avec leur immense fécondité, s’accroîtront bien davantage depuis que la médecine européenne a “fait irruption” chez eux, et qu’elle empêche la grande sélection par les maladies. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 240


« Mais la décadence de la famille blanche, symbole inévitable de la vie citadine, est aujourd’hui près de sa fin, et elle dévore la “race” des nations. Le sens de l’homme et de la femme, la volonté de durée se perd. On ne vit plus que pour soi-même et non pour l’avenir des générations. La nation en tant que société, originairement un réseau de familles, menace de se désagréger, grâce à l’influence de la ville, en une somme d’atomes individuels, dont chacun voudrait tirer de sa propre vie et de celle des autres le plus de plaisirs possible — panem et circenses. L’émancipation des femmes du temps de Ibsen ne veut pas l’affranchissement de l’homme mais bien l’affranchissement de l’enfant, du fardeau de la maternité, et l’émancipation des hommes, contemporaine à la première, veut l’affranchissement des devoirs envers la famille, le peuple et l’État. Toute la littérature de problèmes libérale-socialiste se meut autour de ce suicide de la race blanche. Il en fut de même dans toutes les autres civilisations. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 239


« [...] le simple fait que l’on réfléchit au nombre d’enfants désirés ou redoutés, prouvent que l’instinct de la durée s’éteint ; — et on ne peut le réveiller par les écrits et les discours. Le mariage originel — ou tout autre institution profondément enracinée que la coutume populaire connaît et pratique pour sanctifier la conception — n’est rien moins que sentimentale. L’homme veut avoir de bons fils, pour faire croître et durer son nom et son œuvre au-delà de sa mort, comme lui-même se sent héritier de la réputation et de l’activité de ses ancêtres. C’est la conception nordique de l’immortalité. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 239


« La doctrine triviale de Malthus, qui consiste dans la glorification de la stérilité comme d’un progrès, et qui est prêchée aujourd’hui dans tous les pays blancs, prouve seulement que ces intellectuels n’ont pas de race, pour ne rien dire de l’opinion qui fait directement suite à cette doctrine, à savoir ; que les crises économiques peuvent être combattues par la dépopulation. C’est le contraire qui est vrai. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 238


« Il est temps que le monde “blanc” et l’Allemagne en premier lieu se rendent compte de ces faits. Car derrière les guerres mondiales et la révolution mondiale prolétarienne non encore achevée surgit le plus grand de tous les périls, celui des races de couleur, et pour lui faire face on aura besoin de tout ce que les peuples blancs possèdent encore comme “race”. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 221


« L’industrie fuit chez les peuples de couleur, et dans les pays blancs on ne paie encore que les inventions et les procédés destinés à économiser la main-d’œuvre parce que ceux-ci diminuent la pression des salaires. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 198-199


« Les vieilles et dignes formes de l’État sont aujourd’hui en ruines. Elles ont été remplacées par le parlementarisme amorphe, décombres de l’autorité, de l’art de gouverner et de la sagesse politique de jadis, où les partis, ces hordes de politiciens-hommes d’affaires, se disputent le butin. La souveraineté héréditaire a été remplacée par des élections qui mettent au pouvoir des foules toujours nouvelles d’incapable. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 173-174


« La théologie chrétienne est la grand’mère du bolchevisme. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 160


« Au contraire : l’ordre de la société doit être abaissé jusqu’au niveau de la plèbe. L’égalité universelle doit régner : tout doit être également commun. Un seul et même procédé de se procurer de l’argent pour le dépenser pour les seuls et mêmes plaisirs ; panem et circenses — c’est tout ce qu’il faut et c’est tout et c’est tout ce qu’on peut comprendre. Supériorité, bonnes manières, goût, toute prédominance morale, sont des crimes. Les éthiques, religieuses, nationales, le mariage pour les enfants, la famille, l’autorité de l’État sont démodés et réactionnaires. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 129


« Les nations véritables sont des idées, même de nos jours. Mais ce que le nationalisme entend depuis 1789 est déjà suffisamment caractérisé par le fait qu’il confond la langue maternelle avec la langue écrite des grandes villes où chacun apprend à lire et à écrire, donc avec la langue des journaux et des revues qui apprennent à chacun le “droit” de la nation et la nécessité de sa libération de quelque chose. Les véritables nations ont, comme tout organisme vivant, une riche hiérarchie intrinsèque ; elles sont, par leur existence même, une espèce d’ordre. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 71-72


« C’est l’orgueil de l’esprit citadin, déraciné, qui n’est plus guidé par quelque puissant instinct, et qui considère avec mépris la cruelle pensée de jadis et la sagesse des vieilles familles paysannes. C’est l’époque où chacun sait lire et écrire et s’imagine avoir pour cela le droit à la parole et à la critique. Cet esprit est dominé par les concepts — ces nouveaux dieux de notre époque — et il critique le monde entier : il ne vaut rien, nous pouvons faire mieux, allons-y, établissons le programme d’un monde meilleur. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 45


« Mais l’Allemagne n’est pas une île. Aucun autre pays n’est à ce point mêlé au destin du monde, que ce soit pour agir ou pour souffrir ; elle y est condamnée par sa situation géographique même, par l’absence de frontières naturelles. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 40


« Existe-t-il aujourd’hui un seul homme de race blanche qui se rende compte de ce qui se passe autour de lui dans le monde entier ? qui comprenne toute l’étendue et l’imminence du danger qui plane sur cette race ? Je ne parle pas des masses, cultivées ou incultes, de nos villes, ces lecteurs de journaux, cette chair à élections, où toute différence entre les électeurs de journaux, cette chair à élections, où toute différence entre les électeurs et ceux qui sont élus a disparu depuis longtemps ; je veux parler des classes dirigeantes des peuples blancs, tant qu’elles ne sont pas encore détruites, des hommes d’États, tant qu’il en existe encore, des vrais chefs de la politique et de l’économie, des armées et du monde des idées. »

— Oswald Spengler, Années décisives (1933), trad. Raïa Hadekel-Bogdanovitch, éd. Copernic, 1980, p. 39


« Nous sommes nés dans ces temps et devons suivre vaillamment et jusqu’à son terme la voie qui nous a été tracée. Il n’y en a pas d’autre. Être comme la sentinelle sacrifiée, sans espoir, sans salut, est un devoir. Persévérer comme ce soldat romain dont on retrouva les ossements devant une porte de Pompéi, et qui périt parce qu’on avait oublié de le relever lorsque le Vésuve entra en éruption. Voilà de la grandeur, voilà ce qu’on appelle être racé. Cette fin loyale est la seule que l’on ne puisse pas retirer à l’homme. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 71


« [...] la seule vision du monde qui soit digne de nous est celle [...] d’Achille : mieux vaut une courte vie pleine de faits et de gloire qu’une longue sans contenu. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 71


« Cette technique machinique arrive à terme avec l’homme faustien et sera un jour démolie et oubliée — les chemins de fer et les bateaux à vapeur apparaîtront comme autrefois les voies romaines et la muraille de Chine, nos villes géantes avec leurs gratte-ciel comme les palais des anciennes Memphis et Babylone. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 70


« La pensée faustienne arrive bientôt à réplétion de la technique. Une fatigue se répand, une sorte de pacifisme dans la lutte contre la nature. On se tourne vers des formes de vie plus simples et plus proches de la nature, on fait du sport plutôt que des essais techniques, on hait les grandes villes, on cherche à s’extraire de la contrainte des activités dénuées d’âme, du joug de la machine, de l’atmosphère claire et froide de l’organisation technique. Les dons justement forts et créatifs se détournent des problèmes et des sciences pratiques au profit de la pure spéculation. L’occultisme et le spiritisme, les philosophies indiennes, les ruminations métaphysiques à teneur chrétienne ou païenne que l’on méprisait de temps de Darwin, refont surface. C’est l’état d’âme de la Rome augustéenne. Par dégoût de la vie, on fuit la civilisation pour les contrées primitives de la planète, par le vagabondage ou le suicide. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 67


« D’où l’aspiration profonde, désespérée des hommes d’exception à rester intérieurement libres. C’est là et seulement à partir de là que l'individualisme prend son essor en s’opposant à la psychologie de la “masse”. Telle est la dernière rébellion de l’âme carnassière contre la captivité culturelle, la dernière tentative pour se soustraire au nivellement intellectuel et spirituel, nivellement causé et représenté par l’existence du grand nombre. De là les figures du conquérant, de l’aventurier, de l’ermite, et même d’un certain type de criminels et de bohémiens. On veut échapper à l’effet vampirique du grand nombre en se plaçant au-dessus d’eux, en les fuyant, les méprisant. L’idée de la personnalité, encore dans les limbes, est une protestation contre l’homme de la masse. La tension des deux s’accroît jusqu’à un dénouement tragique. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 53-54


« L’histoire, quant à elle, est hier comme aujourd’hui l’histoire des guerres. »

— Oswald Spengler, L’Homme et la Technique (1931), trad. Christophe Lucchese, éd. R&N Éditions, coll. « Du Rouge et du Noir », 2016 (ISBN 9791096562039), p. 51


« [...] le socialisme signifie la puissance. [...] Nous sommes socialiste. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 136


« Le sens du socialisme ne réside pas dans une opposition entre riche et pauvre mais dans le rang qui, conféré par le travail et les compétences, domine la vie. Telle est notre liberté : c’est elle qui nous affranchit du joug de l’individualisme et de son économie arbitraire. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 135


« Prussianité et socialisme affrontent ensemble cette Angleterre intérieure, cette conception du monde qui imprègne toute la vie de notre peuple, qui paralyse et conduit à la perte de l’âme. Le danger est effroyable. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 134


« Les Russes sont la promesse d’une culture à venir au moment où les ombres du soir s’allongent sur l’Occident. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 127-128


« [...] c’est là ce qu’on nomme la démocratie, c’est-à-dire la vénalité du gouvernement au bénéfice de la richesse privée. Dans une démocratie moderne, les leaders des masses n’affrontent pas les leaders du Capital : c’est à l’argent même qu’ils se trouvent confrontés, et à sa puissance anonyme. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 127


« Tel est le terrible danger qui menace : l’asservissement du monde par le commerce. La Société des Nations est aujourd’hui le moyen de cet asservissement ; elle constitue en effet un réseau de peuples possédant un “gouvernement” à l’anglaise, c’est-à-dire qu’elle est, en réalité, un réseau de provinces où, grâce à la corruption des parlementaires qui votent les lois, la population se trouve exploitée par l’oligarchie des marchands [...]. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 123


« Le milliardaire anglo-saxon substitue au socialisme autoritaire un socialisme privé [Privatsozialismus] — dont il faut bien reconnaître qu’il est impressionnant —, avec des entreprises de bienfaisance et le vaste exercice de sa charité qui lui permettent, une fois de plus, de jouir de sa puissance, et qui font aussi du peuple assisté moralement un vaincu. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 123


« L’esprit romain existait encore alors que les vrais Romains, déjà, avaient disparu. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 119


« [...] ces instincts, qui se manifestent dans la froideur intellectuelle de notre civilisation moderne avancée, nous viennent des premiers hommes doués d’intuition qui conquirent, à l’époque gothique, les marais de la Marche par le glaive et la charrue [...]. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 118


« À côté du socialisme, et contre lui, il y a le capitalisme et l’ultramontanisme, et ce sont là trois façons d’une volonté socialiste de puissance : au moyen de l’État, de l’argent, de l’Église. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 118


« La véritable Internationale, c’est l’impérialisme, la domination de la civilisation faustienne, donc de la terre entière, par un seul principe formateur ; non par des compromis et des concessions mais par la victoire et l’anéantissement. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 118


« Aujourd’hui, cependant, c’est la troisième qui triomphe : l’idée du lion britannique, du Viking ; le monde, non pas État ou Église, mais le monde devenu butin. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 118


« Une véritable Internationale n’est possible qu’avec la victoire sur toutes les autres de l’idée défendue par une race, et non pas par la dissolution de toutes les opinions dans une masse incolore. [...] Il n’y a qu’une issue à la lutte éternelle, la mort. La mort de l’individu, la mort des peuples, la mort d’une culture. La nôtre est encore loin devant nous, dans l’ombre incertaine du prochain millénaire. Nous, Allemands, plongés dans ce siècle, liés de façon existentielle à la civilisation faustienne, nous portons en nous des possibilités riches et intactes, et devant nous se dessinent des tâches prodigieuses. Nous contribuons à l’Internationale — qui se prépare irrévocablement —, par notre idée d’organisation du monde, d’État mondial ; les Anglais y contribuent, par leur idée de trusts internationaux et d’exploitation mondiale ; les Français, par rien. C’est nous qui sommes les garants de toute cela, non pas avec des discours mais avec notre existence. Toute prussianité repose sur l’idée d’un socialisme authentique, hérité de l’Ordre teutonique. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 117-118


« Malgré tout, les deux grandes idées universelles continuent à s’affronter : la dictature de l’argent et la dictature de l’organisation ; un monde-butin et un monde-État ; la richesse et l’autorité ; le succès et le métier. Il est temps que les deux partis socialistes d’Allemagne s’unissent contre cet adversaire de leur idée commune, c’est-à-dire contre cette “Angleterre de l’intérieur”, ce libéralisme du Capital et du Parlement. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 94


« [...] l’esprit prussien, était un héritage des Ordres de chevalerie de l’époque gothique et qui, avant lui, résuma dans la formule “Le Trône et l’Autel” une idée universelle. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 92


« Le Viking est devenu le défenseur du libre-échange, le chevalier, quant à lui, fonctionnaire dans l’administration. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 77


L’Anglais « est, depuis deux siècles, l’inventeur de toutes les doctrines qui liquident l’indépendance intérieure, inventeur, pour finir, du darwinisme selon lequel tout état psychique dépend de facteurs matériels de causalité et qui [...] est devenu la conception du monde du petit-bourgeois allemand. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 62


« Il existe, dans le socialisme, des traits plus anciens, plus forts, plus profonds que la critique sociale de Marx ; ils étaient là avant lui et ont continué à se développer sans lui et contre lui. Ils ne sont pas inscrits sur le papier, mais dans le sang. Et seule le sang dévide de l’avenir. [...]

Telle est bien notre tâche : il s’agit de libérer le socialisme allemand de Marx. »

— Oswald Spengler, Prussianité et Socialisme (1919), trad. Eberhard Gruber, éd. Actes Sud, 1986, p. 18


« Existe-t-il aujourd’hui un seul homme de race blanche qui se rende compte de ce qui se passe autour de lui dans le monde entier ? qui comprenne toute l’étendue et l’imminence du danger qui plane sur cette race ? Je ne parle pas des masses, cultivées ou incultes, de nos villes, ces lecteurs de journaux, cette chair à élections, où toute différence entre les électeurs de journaux, cette chair à élections, où toute différence entre les électeurs et ceux qui sont élus a disparu depuis longtemps ; je veux parler des classes dirigeantes des peuples blancs, tant qu’elles ne sont pas encore détruites, des hommes d’États, tant qu’il en existe encore, des vrais chefs de la politique et de l’économie, des armées et du monde des idées. »

« C’est en prenant connaissance de l’écriture et de la lecture liée au Verbe... qu’on commence à “se cultiver”, soit qu’on les pratique soi-même, soit qu’on fasse écrire et qu’on se fasse lire l’écrit. C’est ainsi que la conscience dispose du trésor, établi par l’écriture, modelé par l’esprit, de la culture réalisée et devenue héréditaire. La chose écrite est la mémoire de toutes les hautes cultures, que l’individu assume au cours de son existence et dans la mesure fixée par le rang de sa personnalité… Celui qui, spirituellement, ne vit que dans le jour présent et ne pense que selon ses opinion — celui-là n’a pas de culture. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 209


« De nos jours, on ne sait plus lire. Ce grand art, que pratiquait encore l’époque de Goethe, est mort. On parcourt “en masse” ce qui s’imprime, et, en règle générale, le lecteur dégrade moralement le livre. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 209


« Par ses méthodes intellectuelles, le commerce est plus proche de la diplomatie... que l’industrie et l’agriculture, plus proches de tout ce qui est administration et organisation. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 194


« Toute noblesse authentique, au sein d’un peuple, est “race” à l’état pur [...]. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 192


« Un roi est l’expression visible d’une volonté d’État. Là où l’État n’a pas de volonté, il n’y a pas de roi. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 180


« La santé d’un corps vivant, c’est la fécondité. La fécondité est puissance politique. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 170


« La paix universelle… implique le renoncement personnel de l’immense majorité à la guerre, et par suite qu’on accepte, sans l’avouer, de devenir la proie de ces autres qui ne renoncent pas. Tout commence par le désir, funeste à l’État, d’une réconciliation générale ; tout aboutit à ce que personne ne prend plus la peine de se remuer, dès que le malheur ne frappe que le voisin. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 169


« Une ethnie est en général, mais non toujours, une unité de sang. Un peuple est toujours l’unité d’une idée. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 169


« Connaître l’histoire, c’est entrevoir le destin. Écrire l’histoire, c’est composer une tragédie. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 160


« L’histoire universelle, c’est l’image du monde vivant, au tissu duquel l’homme se voit mêlé par sa naissance, par ses ascendants et ses descendants, et qu’il tente de comprendre à partir de son sentiment du monde. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 158


« L’histoire des hommes est l’histoire de la guerre. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 154


« L’histoire universelle a été faite par des ethnies mobiles ; non par une paysannerie sédentaire, mais contre elle. La liberté de la plaine, la liberté de la mer ont produit les créateurs des peuples et des États et les grands hommes d’action. La paysannerie subit l’histoire, qui passe au-dessus d’elle ; ce sont le cavalier et le navigateur qui la font. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 139


« Pour l’essentiel, la volonté est identique à la force vitale. Les hommes sans race sont sans volonté. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 137


« Le héros dédaigne la mort, et le saint dédaigne la vie. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 132


« Le premier fait auquel est confronté l’homme, comme à un destin inéluctable, et ce que nulle pensée ne peut comprendre, ni nul ne peut vouloir modifier, c’est le temps et le lieu de sa naissance : chacun est, lorsqu’il vient au monde, inséré dans un peuple, une religion, un état, un temps, une culture. Mais ce fait implique déjà la presque totalité des décisions. »

— Oswald Spengler, Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 117


« La paix est un souhait, la guerre est un fait, et l’histoire des hommes ne s’est jamais souciée des souhaits ni des idéaux humains. La vie est un combat entre les plantes, les animaux et les hommes, un combat entre les individus, les classes de la société, les peuples et les États, qu’il se déroule sous des formes économiques, sociales, politiques ou militaires. C’est une lutte pour le pouvoir d’imposer sa volonté, son avantage, ou sa conception de l’utile ou du juste, et quand d’autres moyens manquent leu but, on aura toujours et sans cesse recours au moyen ultime, la violence. [...] Il y a un fait dangereux : c’est qu’aujourd’hui, les peuples blancs sont seuls à parler de paix mondiale, et non les peuples de couleur, qui représentent beaucoup plus d’êtres humains. Tant que des penseurs et des idéalistes isolés le font — comme ils l’ont fait de tout temps —, ces discours n’ont aucune conséquence. Mais quand des peuples entiers deviennent pacifistes, c’est là un symptôme de sénilité. Les races robustes et en pleine possession de leurs forces ne le sont pas. Et c’est un renoncement à l’avenir, car l’idéal pacifiste revient à un état final contraire au fait de la vie. Tant qu’il y aura une évolution humaine, il y aura des guerres. Mais si les peuples blancs devaient se lasser de la guerre au point que leurs gouvernements ne puissent plus, quoi qu’il advînt, l’obtenir d’eux, le monde succomberait sous les coups des peuples de couleur, de même que l’Empire romain est tombé au pouvoir des Germains. [...] Le pacifisme restera toujours un idéal, la guerre un fait, et si les peuples blancs sont résolus à ne plus jamais y entrer, ce sont les peuples de couleur qui le feront et qui régneront sur le monde. »

— Réponse télégraphique à une enquête américaine

— Oswald Spengler, « La paix mondiale est-elle possible ? » (1936), dans Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 113-114


« La mer a toujours mis les cultures et les populations primitives en rapport les unes avec les autres ; la forêt vierge les a séparées. »

— Oswald Spengler, « Projet d’un nouvel atlas de l’antiquité » (2 octobre 1924), dans Écrits historiques et philosophiques (1918-1936), trad. Henri Plard, éd. Copernic, 1980, p. 67


« Le Troisième Reich est l’idéal germanique, une aurore éternelle, à laquelle tous les grands hommes depuis Dante jusqu’à Nietzsche et Ibsen ont relié leurs existences. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 509


« Non moins titanique est l’assaut de l’argent contre la puissance spirituelle. L’industrie aussi est encore liée à la terre comme la paysannerie. Elle a son lieu d’origine et ses sources de matière jaillissant du sol. Seule la haute finance est tout à fait libre, tout a fait insaisissable. Les banques et aussi les bourses se sont développées depuis 1789 (grâce au besoin de crédit de l’industrie croissant à l’infini) en une puissance propre et veulent être, comme l’argent dans toutes les civilisations, la puissance unique. La lutte originelle entre l’économie productive et l’économie conquérante s’élève à une silencieuse lutte titanique des esprits, qui se décide sur le sol des villes mondiales. C’est la lutte désespérée de la pensée technique pour sa liberté menacée par la pensée financière.

La dictature de l’argent progresse et se rapproche d’une apogée naturelle, dans la civilisation faustienne comme dans toutes les autres. Et il se produit alors une chose, qui ne peut être comprise que par celui qui a sondé la nature de l’argent. S’il était une chose concrète, son existence serait éternelle ; comme il est une forme de la pensée, il s’éteint dès qu’il a pensé jusqu’au bout le monde économique, et ce par manque de substance. Il a envahi la vie du paysage rural et mis le sol en mouvement ; il a transformé les affaires de chaque artisanat ; il pénètre aujourd’hui en vainqueur dans l’industrie pour faire également son butin du travail productif des entrepreneurs, des ingénieurs et des ouvriers. La machine avec son armée humaine, véritable maîtresse du siècle, est en danger de tomber sous une puissance plus forte. Mais ainsi l’argent arrive au bout de ses succès, et le dernier combat commence, qui donnera à la civilisation sa forme définitive : le combat de l’argent et du sang.

L’avènement du césarisme brise la dictature de l’argent et de son arme politique, la démocratie. Après un long triomphe, de l’économie de la ville mondiale et de ses intérêts, sur la force plastique politique, le côté politique de la vie ne se révélera pas moins le plus fort. L’épée vaincra l’argent, la volonté du seigneur s’assujettira à nouveau la volonté du pirate. Si on appelle ces forces de l’argent le capitalisme, et si le socialisme est la volonté de faire naître, par delà tous les intérêts de classe, une puissante organisation politico-économique, un système du souci et du devoir supérieur, qui consolide l’ensemble pour la lutte décisive de l’histoire, cela sera en même temps une lutte entre l’argent et le droit. Les puissances économiques privées veulent frayer la voie à leur conquête des grandes fortunes. Aucune législation ne leur barrera la route. Elle veulent légiférer dans leur intérêt et se servent, pour ce faire, de l’instrument qu’elles se sont créé elles-mêmes : la démocratie, le parti qu’elles paient. Le droit a besoin, pour parer à cet assaut, d’une tradition supérieure, de l’ambition des fortes familles qui trouvent leur satisfaction non dans l’accumulation des richesses, mais dans les devoirs de l’autorité authentique, par delà tous les avantages financiers. Une puissance ne peut être détruite que par une autre, non par un principe, et il n’y en a point d’autre contre l’argent. L’argent ne sera dominé que par le sang et supprimé par lui. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 465-466


« À cause de la machine, la vie de l’homme devient précieuse. [...] La machine travaille et force l’homme à collaborer. La culture entière est tombée à un degré d’activité qui fait trembler la terre. [...]

On a senti le diable dans la machine et on n’a pas tort. Elle signifie, aux yeux d’un croyant le Dieu détrôné. Elle livre à l’homme la sainte causalité et est mise en mouvement par lui silencieusement, irrésistiblement, avec une sorte d’omniscience prophétique. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 462-463


« [...] la pensée la plus proche de la pensée financière est la mathématique. Penser en homme d’affaires, c’est compter. La valeur d’argent est une valeur numérique qui est mesurée à une unité de compte. Cette exacte “valeur en soi” a, comme le nombre en soi, d’abord été produite par la pensée du citadin, de l’homme déraciné. Pour le paysan il n’existe que des valeurs passagères, senties relativement à lui, qu’il met en valeur de temps en temps dans l’échange. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 444


« Avec l’âme de la ville c’est une tout autre espèce de vie qui s’éveille. Dès que le marché est devenu la ville, il n’y a plus de centres de gravité purs et simples pour la circulation des biens à travers un paysage purement rural, mais un second univers à l’intérieur des murailles, pour lequel la vie productive absolue “du dehors” n’est qu’un instrument et un objet, et duquel naît un autre courant qui commence à circuler. L’élément décisif est celui-ci : le citadin pur n’est pas productif au sens terrien originel. Il lui manque le lien intérieur avec le sol, comme avec le bien qui passe entre ses mains. Il ne vit pas avec lui, mais le regarde du dehors et seulement par rapport à son train de vie.

Ainsi le bien devient marchandise, l’échange transaction, et à la pensée en biens se substitue la pensée en argent. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 443-444


« Échange signifie à cette époque un événement par lequel des biens passent d’un milieu vivant dans un autre. Ils sont estimés par la vie, d’après une mesure momentanée, fuyante, sentie. Il n’y a ni concept de valeur ni bien servant de mesure générale. Même l’or et les monnaies ne sont rien d’autre que des biens qui doivent leur valeur à leur rareté et à leur résistance. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 443


« Jusqu’au servage et à l’esclavage, bien que l’esclavage ne soit très souvent par exemple dans l’Orient moderne et à Rome chez les vernae, économiquement rien d’autre qu’une forme de contrat de travail obligatoire et qui est à peine sensible, abstraction faite de cette obligation. L’employé libre vit souvent dans une dépendance beaucoup plus dure et jouit d’un moindre respect, et son droit de dénoncer formellement le contrat est dans bien des cas absolument sans aucune signification pratique. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 441


« Le premier et presque le seul élément originel en économie est le paysan, espèce de vie productive absolue, qui la première rend possibles toutes les autres. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 440


« [...] ce n’est plus la volonté de puissance pour un devoir, mais le bonheur du plus grand nombre, le plaisir et la commodité, le panem et circenses, qui deviennent le sens de la vie, et où à la grande politique, la politique économique se substitue comme fin en soi. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 434


« Chaque vie économique est l’expression d’une vie psychique.

Ceci est une conception économique nouvelle, allemande, au delà du capitalisme et du socialisme, qui sont tous deux issus des prosaïques raisonnements bourgeois du XVIIIe siècle [...]. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 432


« Il n’y a pas de plus grande opposition que celle entre la mort de famine et la mort du héros. Économiquement, la vie est menacée, dégradée, rabaissée par la faim, au sens le plus large, qui implique aussi l’impossibilité d’amener ses forces à leur plein épanouissement, l’étroitesse de l’espace où l’on vit, l’obscurité, la pression, non seulement le danger immédiat. Des peuples entiers ont perdu, par l’épuisante misère de leur train de vie, la force élastique de leur race. Là, on meurt de quelque chose, non pour quelque chose. La politique sacrifie les hommes pour une fin ; ils tombent pour une idée ; l’économie les fait seulement périr. La guerre crée, la faim anéantie toutes les grandes choses. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 433


« Ce que nous appelons aujourd’hui économie nationale n’est bâti que sur des hypothèses spécifiquement anglaises. Le machinisme, absolument inconnu de toutes les autres cultures, en forme le point central, comme s’il était l’évidence même, et il gouverne absolument la conception économique et les prétendues lois qui en dérivent, sans que personne n’en prenne conscience. Le crédit, sous la forme particulière résultant du rapport anglais entre le commerce mondial et l’industrie d’exportation dans un pays non agricole, sert de base pour définir les concepts de capital, de valeur, de prix, de biens, qui sont ensuite appliqués sans plus aux autres stades culturaux et aux autres milieux vivants. La situation insulaire de l’Angleterre a déterminé, dans toutes les théories économiques, la conception de la politique et de ses rapports avec l’économie. Les fondateurs de cette image économique sont David Hume et Adam Smith. Tout ce qui s’est écrit depuis, sur ou contre eux, pour les dépasser, suppose toujours inconsciemment la base critique et les méthodes de leurs systèmes. C’est le cas de Carey et de List, aussi bien que de Fourier et de Lassalle. Quant au plus grand adversaire d’Adam Smith, Carl Marx, peu importe qu’on élève contre lui des protestations publiques, quand on est soi-même tout à fait emprisonné dans le monde des représentations du capitalisme anglais : on l’approuve par ces protestations mêmes et l’on ne fait que détourner, par un mode de calcul différent, l’avantage de ses objets pour le donner à ses sujets.

Il n’y a donc pas d’économie nationale [...]. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 431-432


« [...] la puissance se transfère dès aujourd’hui des parlements dans les milieux privés, et de même les élections tombent irrésistiblement au rang d’une comédie, pour nous comme pour les Romains. L’argent les organise dans l’intérêt de ceux qui le possèdent, et le scrutin devient un jeu de convenance qu’on fait passer pour une libre disposition du peuple. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 428


« Par l’argent, la démocratie s’anéantie elle-même, après que l’argent a anéanti l’esprit. Mais précisément parce que se sont envolées en rêves toutes les espérances d’améliorer jamais la réalité par les idées d’un Zénon ou d’un Marx, et que dans l’empire des réalités une volontés de puissance ne peut s’étayer que sur une autre (grande expérience de la période des États batailleurs en Chine), il finit par s’éveiller une nostalgie profonde de tout ce qui vit encore des vieilles et nobles traditions. On est las jusqu’au dégoût de l’économie de l’argent. On nourrit l’espoir d’une rédemption quelconque, on s’attend à un ton authentique d’honneur et de valeur chevaleresque, à une noblesse intérieure, à un désintéressement, à un sentiment du devoir. Et l’on voit alors poindre le temps qui réveillera de leur profondeur les puissances formelles du sang, que le rationalisme des grandes villes avait supplantées. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 429


« [...] l’âme gothique primitive se réveille une seconde fois : l’esprit des ordres chevaleresques dominera celui du Wiking avide de butin. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 429


« Un démocrate d’ancienne trempe réclamerait aujourd’hui non la liberté pour la presse, mais notre libération de la presse ; mais entre temps les chefs se sont transformés en “parvenus” obligés d’assurer leur position envers la masse. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 427


« La démocratie a complètement supplanté le livre par le journal dans la vie spirituelle des masses populaires. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 426


« Qu’est-ce que la vérité ? Pour la foule, c’est ce qu’elle lit et entend constamment. Si un pauvre diable s’assied quelque part et rassemble des raisons pour constater “la vérité”, celle-ci restera sa vérité. L’autre, la vérité publique du moment, qui seule importe dans le monde réel des actions et des succès, est aujourd’hui un produit de la presse. Ce qu’elle veut est vrai. Ses chefs produisent, transforment, échangent les vérités. Trois semaines de travail de la presse et le monde entier a connu la vérité. Ses raisons sont irréfutables tant qu’il y a de l’argent pour les répéter sans interruption. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 426


« [...] ainsi la parole imprimée, fabriquée en masse et répandue sur des étendues illimités, prend le rang d’une arme effrayante entre les mains de ceux qui savent la manier. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 425


« Mais tandis que l’antiquité, ayant à sa tête le forum de Rome, concentrait la masse populaire en un corps visible et serré, pour l’obliger à faire de ses droits l’usage qu’on voulait, la politique européo-américaine “contemporaine” créa par la presse un champ de force, qui étend sur la terre entière ses tensions spirituelles et financières où chacun est encadré à son insu, de telle sorte qu’il lui lui faut penser, vouloir et agir, comme une personnalité dirigeante lointaine le juge quelque part profitable pour ses fins. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 425


« [...] s’annonce l’autre grandeur de chaque démocratie, pour rappeler qu’on ne peut faire usage des droits constitutionnels que si l’on a de l’argent. [...] Dès qu’existe cette direction, l’élection n’a plus que la signification d’une censure que la foule accorde aux organisations particulières, sur la formation desquelles elle finit par ne plus posséder la moindre influence. Et c’est encore ainsi que le droit idéal des constitutions d’Occident, droit des masses à désigner librement leurs représentants, reste une pure théorie, car chaque organisation développée se complète en réalité elle-même. Enfin un sentiment se fait jour, selon lequel le droit de suffrage universel en général ne renferme aucun droit réel, pas même celui de choisir entre deux partis, parce que les institutions juridiques qui poussent sur son terrain dominent par l’argent tous les moyens spirituels de la parole et de l’écriture et, par conséquent, dirigent à leur gré l’opinion de l’individu sur les partis, tandis que d’autre part, en disposant des charges, de l’autorité et des lois, ils éduquent un groupe d’adeptes inconditionnés, celui du “caucus”, qui écarte tous les autres groupes et les fait aboutir à une lassitude électorale impossible à supprimer même dans les grandes crises. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 421


« Les fanatiques jacobins de la liberté et de l’égalité ont livré la France, depuis le Directoire, pour toujours à la domination alternative de l’armée et de la bourse, et chaque révolte socialiste fraye la voie au capitalisme. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 419


« [...] il n’existe au fond qu’un seul parti, celui de la bourgeoisie, des libéraux, et il a aussi parfaitement conscience de ce rang occupé par lui.

Les ordres primaires sont la noblesse et le clergé. Le parti primaire est celui de l’argent et de l’esprit, les libéraux de la grande ville. C’est ici que les concepts d’aristocratie et de démocratie trouvent, pour toutes les cultures, leur justification profonde. Aristocratique est le mépris de l’esprit citadin, démocratique le mépris du paysan, la haine contre la campagne. [...] le “tiers” se constituait en ordre sur le modèle de la noblesse, il se développe aujourd’hui sur le plastron libérale, la carcasse défensive du parti conservateur, dominé absolument par la forme libérale, embourgeoisé sans être bourgeois, et contraint à une tactique dont les moyens et les méthodes sont déterminés exclusivement par le libéralisme. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 414-415


« [...] sur le terrain de l’égalité bourgeoise, la possession de l’argent prend-elle immédiatement la place du rang généalogique. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 414


« Un trait essentiel de la démocratie anglaise et américaine est qu’elle a fait disparaître la paysannerie en Angleterre et que celle-ci n’existait pas auparavant en Amérique. Le “farmer” est psychiquement un faubourien qui, pratiquement, fait de l’agriculture une industrie ; au lieu de villages il n’y a que des fragments de grandes ville. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 414


« Le danger que court une aristocratie est d’être conservatrice dans les moyens, celui de la démocratie est de confondre la formule avec la forme. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 411


« Au commencement, là où la civilisation fleurit en pleine maturité (aujourd’hui), il y a le miracle de la ville cosmopolite, grand symbole en pierre de la non-forme, immense, magnifique, s’étendant avec orgueil. Elle absorbe en elle les importants courants existentiels de la campagne, masses humaines qui passent l’une dans l’autre au souffle du vent, qui murmurent comme du sable mouvant entre deux rochers. Ici, l’esprit et l’argent célèbrent leur suprême et leur extrême victoire. L’œil de l’homme dans le monde lumineux n’a rien vu de plus fin et de plus artificiel, fantasmagorie invraisemblable qui est déjà presque au delà des possibilités plastiques du cosmos. Mais ensuite les réalités toutes crues réapparaissent dans leur gigantesque nudité. Le tact éternel cosmique a définitivement dominé les tensions spirituelles de quelques siècles. L’argent avait triomphé sous la forme de la démocratie. Il y eut un temps où, seul ou à peu près seul, il faisait la politique. Mais dès qu’il a brisé les anciennes organisations de la culture, il sort du chaos une grandeur nouvelle, toute-puissante, plongeant jusqu’à la racine première de tout le devenir : les hommes de trempe césarique. Dans ces hommes, la toute-puissance de l’argent s’anéantit. L'époque impériale signifie dans chaque culture la fin de la politique de l’esprit et de l’argent. Les puissances du sang, les instincts primaires végétatifs de toute vie, la force corporelle non interrompue rentrent dans leur ancien pouvoir. La race réapparaît, pure et irrésistible : succès du plus fort et le reste comme butin. Elle s’empare du gouvernement du monde, et l’empire des livres et des problèmes se dessèche et tombe dans l’oubli. Dorénavant, les destins héroïques de style préhistorique redeviennent possibles, ils ne sont pas dissimulés pour la conscience par des causalités. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 400


« Ce courage caractérise l’homme de race, par l’existence duquel seulement l’histoire existe. La vie est dure quand elle doit être grande. Elle ne laisse choisir qu’entre la victoire ou la défaite, non entre la guerre et la paix ; et les sacrifices de la victoire appartiennent à la victoire, car ce qui traîne des lamentations et du zèle à côté des événements n’est rien d’autre que de la littérature, de la littérature écrite, pensée, vécue. Des vérités nues qui se perdent dans la poussée des faits. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 398


« Nous entrons ainsi dans la période des combats gigantesques, où nous nous trouvons aujourd’hui. Passage du napoléonisme au césarisme [...]. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 385


« [...] le résultat de la révolution a été, malgré tout le reste, l’émancipation de l’argent qui régnait désormais dans les comices par centuries. Le mot populus devient ici de plus en plus un instrument entre les mains des grandes fortunes [...]. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 379


« Tous les concepts du libéralisme et du socialisme ont été mis en circulation d’abord par l’argent et dans l’intérêt de l’argent. [...] les Jacobins avaient détruit les vieux liens du sang et émancipé ainsi l’argent ; maintenant il apparaît et prend le gouvernement du pays. Il n’y a pas un mouvement prolétarien, ni même communiste qui, sans que les idéalistes parmi ses chefs en eussent conscience en quelque manière, n’agisse dans l’intérêt de l’argent, dans la direction voulue par l’argent et pendant la durée fixée par l’argent. L’esprit propose, l’argent dispose ; telle est l’organisation de toutes les cultures finissantes, depuis que la grande ville est devenue maîtresse du reste. Et il n’y a pas là, en fin de compte, une injustice contre l’esprit, car celui-ci a ainsi triomphé, notamment dans le royaume des vérité, dans celui des livres et des idéals, qui n’est pas de ce monde. Ces concepts sont devenus sacrés pour la civilisation commençante, mais l’argent triomphe d’eux dans son royaume qui, lui, n’est que de ce monde. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 371


« À côté des concepts abstraits apparaît l’argent abstrait, affranchi des valeurs primordiales du terroir ; à côté de la chambre du philosophe apparaît le comptoir comme puissance politique. Tous deux sont intérieurement apparentés et inséparables. C’est l’ancienne opposition du clergé et de la noblesse qui subsiste sous forme citadine avec non moins de rigueur au milieu de la bourgeoisie. Et l’argent comme réalité pure se révèle absolument supérieur aux vérités idéales qui n’existent, comme nous l’avons dit, que comme mots-clichés, comme instrument du monde réel. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 370


« [...] cette époque signifie encore que pour la première fois les vérités abstraite cherchent à empiéter sur le domaine des réalités. Les villes capitales sont devenues si grandes et l’homme citadin si supérieur dans son influence sur l’être éveillé de toute la culture (cette influence s’appelle opinion publique) que les puissances du sang et de la tradition qui est dans le sang sont ébranlées dans leur position jusqu’ici intangible. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 369


« Ce concept, la civilisation le trouve tout fait et elle le détruit par le concept du quatrième ordre, de la masse, qui rejette par principe la culture et ses formes organiques. La masse est l’informe absolu, qui poursuit avec haine chaque espèce de forme, toutes les différences de rang, la propriété constituée, le savoir constitué. C’est le nouveau nomadisme des villes mondiales, pour lequel les esclaves et les Barbares dans l’antiquité, le tschoudra dans l’Inde, tout ce qui est humain, forment également un je ne sais quoi de flottant qui est entièrement séparé de ses origines, qui ne reconnaît pas son passé et quie possède aucun avenir. Le quatrième ordre devient ainsi l’expression de l’histoire qui aboutit à la non-histoire. La masse est la fin, le radical néant. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 330-331


« [...] la propriété au sens propre est-elle toujours une propriété terrienne, et l’instinct qui transforme l’acquis en terres et immobiliers est toujours la marque des hommes d’une bonne trempe. La plante possède le sol où elle prend racine. Il est sa propriété, qu’elle défend avec désespoir durant toute son existence contre les germes étrangers, contre les plantes voisines trop puissantes, contre la nature entière. C’est ainsi que l’oiseau défend le nid où il couve. Les combats les plus acharnés pour la propriété n’ont pas lieu aux époques tardives des grandes cultures ni entre les riches et les pauvres pour un bien meuble, mais ici dans les débuts du monde végétal. Quiconque sent au milieu d’une forêt la bataille silencieuse qui s’accomplit autour de lui pour le sol, nuit et jour, sans répit, sera saisi d’un frisson devant la profondeur de cet instinct qui est presque identique à la vie. Il y a ici une lutte de plusieurs années, opiniâtre, acharnée ; une résistance désespérée du faible contre le fort, qui dure jusqu'à la défaite du vainqueur lui-même ; des tragédies comme on n’en voit que dans la première humanité lorsqu’une vieille famille paysanne est arrachée à la glèbe, au nid ou qu’une famille de souche noble l’est par l’argent au sens littéral du mot Geld. Les combats ultérieurs visibles qui se déroulent dans les villes tardives ont une signification tout autre, car ici, dans le communisme général, il ne s'agit pas de l’événement vécu, mais du concept de la propriété en tant que moyen purement matériel. La négation de la propriété n'est jamais un instinct racique — tout au contraire, — mais la protestation doctrinale de l’être éveillé purement spirituel, citadin, déraciné, négateur du végétal, par les saints, les philosophes, les idéalistes. Qu'ils s'appellent Moh-Ti, Zénon ou Marx, l'anachorète monacal et le socialiste savant rejettent la propriété pour la même raison ; les hommes de race la défendent pour le même sentiment. Ce sont encore ici les réalité et les vérités qui sont en opposition. “La propriété est un vol” : qu'est-ce autre chose sinon la répétition exacte, sous la forme la plus matérialiste possible, de cette ancienne pensée : “A quoi sert à l’homme de conquérir le monde entier si son âme devait en souffrir ?” Avec la propriété, le prêtre renonce à quelque chose de périlleux et d'étranger, le noble renonce à sa personne même.

En partant de là, on voit se développer dès lors un double sentiment de la propriété : l’avoir comme puissance et l’avoir comme butin. Tous deux se situent immédiatement l’un à côté de l’autre, dans l’homme racique originel. Chaque Bédouin et chaque Wiking veut les deux à la fois. Le héros marin est toujours aussi un brigand marin ; chaque guerre a pour but la possession, avant tout la possession de la terre ; il n’y a qu’un pas du chevalier au chevalier pillard, de l’aventurier au conquérant et au roi, comme le Normand Rurik en Russie et maint pirate achéen ou étrusque au temps d’Homère. [...]

À mesure que la culture croît, ces intrigues s’affirment et entrent en collision. Leur histoire est presque l’histoire universelle. Du sentiment de puissance sont nés la conquête, la politique et le droit, du sentiment du butin le commerce, l’économie et l’argent. Le droit est la propriété du puissant. Son droit est le droit de tous. L’argent est l’arme la plus forte de l’industriel. Grâce à lui, il s’assujettit le monde. L’économique veut un État faible et qui le serve, le politique exige l’intégration de la vie économique dans la compétence de l’État : Adam Smith et Friedrich List, Capitalisme et Socialisme. Il y a dans toutes les cultures au début une noblesse guerrière et une noblesse marchande, ensuite une noblesse terrienne et une noblesse d’argent, enfin une stratégie militaire et économique et un combat ininterrompu entre l’argent et le droit. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 315-317


« Le prêtre s’entoure du monde naturel, il en approfondit l’image par la réflexion. Le noble vit dans le monde historique et il l’approfondit en modifiant l’image. Les deux se développent en une grande tradition, mais la tradition de l’un résulte de l'instruction, celle de l’autre de la discipline. Ceci est une différence capitale entre les deux ordres, et c’est pourquoi la noblesse seule est un ordre réel, tandis que le clergé apparaît comme ordre par son extrême opposition à l’autre. La discipline, l’élevage, s’étend au sang et passe des pères aux fils. Mais l’instruction suppose du génie et c’est pourquoi un clergé authentique et fort est toujours une collection de génies individuels — une communauté d’êtres éveillés, — indépendamment de leur origine au sens racique du mot, et par là aussi une négation du temps et de l’histoire. Parenté spirituelle et parenté sanguine — essayez d’approfondir la différence de ces deux mots. [...] Le prêtre est le médiateur dans l’étendue atemporelle qui s’étend entre l’existence éveillée du laïc et le dernier mystère ; le clergé de toutes les cultures est déterminé ainsi, de par sa signification par son symbole primaire. L’âme antique nie l’espace et n’a donc pas besoin du médiateur ; d’où la mort dans le germe de l’ordre sacerdotal antique. L’homme faustien se trouve en face de l’infini et rien ne le protège contre la force oppressante de cette vision ; aussi le clergé gothique s’est-il élevé jusqu’à l’idée de la papauté.

Deux visions du monde, deux modalités de la circulation du sang dans les veines et de l’enchaînement de la pensée à l’existence et à l’action quotidiennes ; — il a fini par naître dans chaque haute culture deux morales dont chacune regarde l’autre de haut : la coutume noble et l’ascèse spirituelle, qui se reprochent mutuellement leur mondanité ou leur esclavage. On a déjà montré que l’une est fille du château, l’autre du couvent et de la cathédrale, que l’une naît de la pleine existence au milieu du courant de l’histoire, l’autre hors de ce courant, dans une pure existence éveillée au centre d’une nature remplie de Dieu. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 312-313


« Quant à la civilisation — véritable retour à la nature, — elle est l’extinction de la noblesse, considérée non comme souche, ce qui serait de moindre importance, mais comme tradition vivante ; elle est la substitution de l’intelligence causale au tact de destin. Dès lors, noblesse n’est plus qu’une épithète, et c’est précisément ce qui fait de l’histoire civilisée une histoire de surface, dirigée vers des fins disparates et proches et devenue par conséquent informe dans le cosmos, soumise au hasard des grands hommes, dépourvue de sécurité intérieure, de ligne, de signification. Avec le césarisme l’histoire retourne à l’ahistorique, au tact primitif des vieux âges et aux luttes aussi interminables qu’insignifiantes pour la puissance matérielle [...]. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 311


« Tout cela est nié par le clergé, et donc aussi par la philosophie, dans la mesure où elle est cléricale. L’ordre du pur être éveillé et des vérités éternelles est dirigé contre le temps, contre la race, contre le genre dans toutes ses acceptions. L’homme en tant que paysan ou chevalier se tourne vers la femme en tant que destin, l’homme en tant que prêtre s’en détourne. La noblesse court toujours le danger de faire disparaître la vie publique dans la vie privée, en dirigeant le large courant de l’existence dans le lit plus étroit du fleuve de ses ancêtres et de ses petits-enfants. Le prêtre authentique n’admet pas en règle générale la vie privée, le sexe, la “maison”. Pour l’homme de race, il n’y a que la mort sans héritiers qui est la mort vraie et effrayante ; c’est ce qu’enseignent tout aussi bien les sagas islandaises que le culte ancestral des Chinois. Qui continue à vivre dans ses fils et ses petits-fils ne meurt jamais entièrement. Mais pour le vrai prêtre, c’est le media vita in morte sumus qui prévaut : son héritier est d’ordre spirituel et écarte le sens de la femme. [...]

Le noble, c'est l’homme-histoire, le prêtre l'homme-nature. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 309-310


« En vérité, la noblesse est l'ordre proprement dit, la quintessence de la race et du sang, un courant existentiel sous forme achevée possible. C’est justement pourquoi la noblesse est une paysannerie supérieure. Encore en 1250, la formule suivante avait une valeur générale en Occident : “Quiconque laboure le matin chevauche le soir vers la place des tournois”. Et il en était de même de la coutume qui faisait épouser aux chevaliers les filles des paysans. Par opposition à la cathédrale, le château a grandi sur la voie qui mène à peu près de la maison paysanne à travers les propriétés rurales de la noblesse franque. Dans les sagas islandaises on voit des fermes assiégées et prises d’assaut comme les châteaux. Nobles et paysans sont tout végétal et tout instinct, profondément enracinés au sol natal ; ils croissent dans l’arbre généalogique où ils disciplinent et se disciplinent. Par comparaison, le clergé est proprement le contre-ordre, l’ordre de la négation, la non-race, l’indépendance du sol, l’être éveillé libre, atemporel, ahistorique. Dans chaque village paysan, de l’âge de pierre aux sommets de la culture, dans chaque génération paysanne, il se joue une histoire universelle en miniature. Ce sont des familles au lieu des peuples, des fermes au lieu des pays, mais la signification dernière de l’objet du combat est le même ici et là : la conservation du sang, la succession des générations, le cosmique, la femme, la puissance. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 308


« [...] une grande morale n’existe qu’en vue de la mort, inspirée par une crainte des raisons et des conséquences métaphysiques remplissant l’être éveillé tout entier, par un amour triomphant de la vie, par la conscience d’être inéluctablement enfermé dans un système causal de commandements sacrés et de fins, système qu’il faut vénérer comme étant vrai et auquel il faut appartenir tout entier ou renoncer tout entier. Une tension constante, une observation et un examen de soi-même, accompagnent l’exercice de cette morale qui est un art et près de laquelle le monde historique sombre dans le néant. Soyez héros ou sain. L’intermédiaire n’est pas la sagesse, mais la banalité. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 250


« Mahomet mourut en 632. En 641, tous les territoires monophysites et nestoriens, donc du Talmud et de l’Avesta, étaient propriété de l’Islam. En 717, il était aux portes de Constantinople, et même l’Église était menacée de disparaître. Dès 628, un parent de Mahomet avait apporté des cadeaux à l’Empereur de Chine, Tai Dsung, et obtenu de lui l’autorisation de faire des missions en Chine. Depuis 700, il y a des mosquées à Schantung, et en 720, les Arabes, établis depuis longtemps dans le Midi de la France, reçurent de Damas l’ordre de conquérir le pays des Francs. Deux siècle plus tard quand une nouvelle religion était née, en Occident, des débris de l’Église d’Occident, l’Islam avait pénétré dans le Soudan et à Java. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 240-241


« Comme son prédécesseur Paul et son successeur Athanase, il a sauvé le Christianisme, à un moment ou il menaçait de se dissoudre, et la grandeur de ses idées ne subit assurément aucun préjudice si la concentration chrétienne s’est opérée non par elles, mais contre elles. La vieille Église catholique, c’est-à-dire l'Église de la pseudomorphose, ne doit son grand développement, qui commença en 190, qu’à sa résistance contre l’église de Marcion dont elle hérita de l’organisation entière.

[...] ainsi l’Église érigée contre Marcion, et contre sa négation du judaïsme, était pour les Juifs du Talmud, ayant maintenant tout leur centre de gravité spirituel en Mésopotamie et aux universités mésopotamiennes, un simple fragment du paganisme hellénistique. La destruction de Jérusalem était un événement-limite qui ne pouvait être surmonté, dans le monde des faits, par aucune puissance spirituelle. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 210-211


« Une des idées les plus profondes de toute l’histoire religieuse, et qui restera toujours inintelligible au croyant moyen, c’est l’identité marcioniste entre le “juste” et le mal, et son opposition dans ce sens entre la loi de l’Ancien Testament et l’évangile du Nouveau Testament. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 208


« Paul prophète a déclaré l’ancien Testament accompli et achevé, Marcion fondateur de religion le déclare vaincu et aboli. Il veut supprimer les derniers restes de judaïsme. Il n’a combattu, sa vie durant, que les Juifs. Comme chaque authentique fondateur de religion et chaque époque créatrice en religion, comme Zoroastre et les prophètes d’Israël, comme les Grecs d’Homère et les Germains convertis au Christianisme, il a transformé les anciens dieux en puissance du mal. [...]

Marcion devint par là le véritable créateur du Nouveau Testament. [...] Il n’avait voulu, ce faisant, ni augmenter ni remplacer les évangiles proprement dits, mais il a créé, en pleine conscience, à la différence de Marc, quelque chose de tout à fait nouveau, le premier “livre saint” de la littérature chrétienne, le Coran de la nouvelle religion. Ce livre prouve qu’on sentait déjà dans cette religion quelque chose d’achevé et de durable. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 208-209


« Ainsi fut résolue la tendance citadine et occidentale de la jeune église. Les derniers païens furent nommés plus tard pagani, ou gens de la campagne. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 205


« [...] les Juifs étaient devenus une nation magique sans patrie et sans unité de descendance, à Jérusalem on se cramponnait à la conception raciale tribale. Il ne s’agissait pas de “mission juive” ou de “mission païenne” : le dualisme était bien plus profond. Le mot mission a ici deux sens tout différents. Au sens judaïque, il n’avait pas besoin de prosélytisme proprement dit ; au contraire, le prosélytisme était contradictoire à l’idée de mission. Les concepts de race et de mission s’excluent réciproquement. Les hommes du peuple élu, et en particulier les clercs, avaient simplement à se convaincre que la promesse était maintenant un fait accompli. Mais dans le second cas, l’idée de nation magique reposant sur un consensus impliquait qu’avec la résurrection la vérité complète et définitive et, grâce au consensus sur elle, par conséquent aussi le fondement de la vraie nation, étaient des donnés qu’il fallait désormais étendre jusqu’à leur faire absorber toutes les données plus anciennes idéellement imparfaites. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 202


« Le christianisme est la seule religion de l’histoire universelle, où un destin humain du présent immédiat a été transformé en symbole et en point central de toute la création. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 195


« J’appelle pseudomorphose historique les cas dans lesquels une vieille culture étrangère couvre le sol, avec une telle puissance qu’elle empêche une jeune culture de respirer et que celle-ci n’arrive pas, dans son propre domaine, non seulement à développer ses formes d’expression pures, mais encore à l’épanouissement complet de la conscience d’elle-même. Tout ce qui s’élève des profondeurs d’une mentalité printanière se déverse dans les formes creuses de la vie étrangère ; des sentiments juvéniles se figent dans des œuvres vieillottes et, au lieu de l’élan en hauteur de la force végétative indépendante, seule la sève de la haine nourrit des branches gigantesques contre la force lointaine. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 173


« La mort est meilleure que l’esclavage, disent les vieux paysans frisons. Renversez cet aphorisme et vous aurez la formule de toutes les civilisations tardives, dont chacune a dû savoir par expérience ce qu’il en coûte. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 171


« C’est dans les villes cosmopolites que naît, à côté d’une minorité qui a une histoire et qui vit la nation intérieurement, qui la sent représentée chez elle et qui veut la diriger, une seconde minorité, celle des hommes intemporels, ahistoriques, littérateurs, hommes des raisons et des causes, non du destin, et qui, intérieurement étrangers au sang et à l’existence, tout à fait êtres éveillés pensants, ne découvrent plus au concept de nation aucun contenu “raisonnable”. Ils ne lui appartiennent plus réellement, car les peuples de culture sont de formes de courants existentiels, tandis que le cosmopolitisme est une simple combinaison des “intelligences” éveillées. Il renferme de la haine contre le destin, avant tout contre l’histoire comme expression du destin. Tout ce qui est national est racial à tel point qu’il ne trouve aucune langue pour l’exprimer et qu’il reste, dans toutes les exigences de la pensée, gauche et malheureux jusqu’à la fatalité. Le cosmopolitisme est littérature et le restera, très fort dans l’argumentation et très faible dans la défense de cette argumentation, non au moyen de nouveaux arguments, mais au moyen du sang. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 169-170


« L’écriture est le grand symbole du lointain, c’est-à-dire non seulement de la largeur, mais aussi et surtout de la durée, de l’avenir, de la volonté d’éternité. Parler et entendre ne se font que dans la proximité et le présent, mais par l’écriture on parle à des hommes qu’on n’a jamais vus, ou qui ne sont pas encore nés, et la voix d’un homme est entendue encore des siècles après sa mort. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 139


« [...] la race est dans une connexion correspondante avec tout ce que nous appelons la vie, considérée comme lutte pour la puissance, avec l’histoire, considérée comme destin, avec ce qui s’appelle aujourd’hui la politique. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 106


« Ainsi se termine l’histoire de la ville. Passant de marché à la ville de culture et de là à la ville mondiale, elle sacrifie le sang et l’âme de ses créateurs à cette évolution grandiose et à sa dernière floraison, l’esprit de la civilisation, et elle finit ainsi par se tuer aussi elle-même. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 100


« Et de ce déracinement croissant de l’être, de cette tension croissante de l’être éveillé il résulte, comme conséquence suprême, un phénomène préparé de longue date, sourdement, qui se manifeste soudain à la claire lumière de l’histoire pour mettre fin à tout ce spectacle : la stérilité du civilisé. [...] Les enfant manquent non seulement parce que leur naissance devient impossible, mais parce que l’intelligence extrêmement avancée ne trouve plus de raisons pour sa propre existence. [...] Le grand tournant apparaît au moment précis où la pensée vulgaire d’une population très civilisée trouve des “raisons” pour l’existence des enfants. La nature ignore ces raisons. Partout où il y a vie réelle règne une logique intérieure organique, un impersonnel, un instinct, qui sont absolument indépendants du nexus causal et ne sont même pas aperçus par la vie. L’abondance des naissances chez les populations originelles est un phénomène naturel, dont personne ne songe à fonder l’existence et, à plus forte raison, l’utilité ou l’inconvénient. Là où on introduit des raisons dans les questions vitales, la vie elle-même devient déjà un problème. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 97-98


« La nostalgie de la grande ville est peut-être la plus forte. Pour lui, chaque grande ville est sa patrie, mais le village prochain est déjà l’Étranger. Il aime mieux mourir sur le pavé que de retourner à la campagne »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 95


« Avec la civilisation commence la sénilité. Les vieilles racines de l’être se dessèchent dans la masse pierreuse des villes. L’esprit libre — parole fatidique ! — apparaît comme une flamme resplendissante qui s’élève dans les airs, où elle s’éteint tout à coup. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 87


« L’agriculture a introduit, la première, une profonde révolution — car elle est art et, comme tel, absolument étrangère au chasseur et au pasteur : on bêche et laboure non pour détruire, mais pour transformer la nature. Planter n’est pas prendre quelque chose, mais le produire. Mais ainsi, on devient soi-même plante, c’est-à-dire paysan. On prend racine dans le sol qu’on cultive. L’âme humain découvre une âme dans le paysage, un nouvel enchaînement de l’être à la terre s’annonce comme devant être un nouveau mode de sentir. D’hostile, la nature devient notre amie, notre mère. Nous sentons un profond rapport entre semer et engendrer, entre la moisson et la mort, le grain et l’enfant. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 84


« Nous possédons, en conséquence, un droit privé fondé sur l’ombre de l’économie antique tardive. La profonde amertume avec laquelle on oppose capitalisme et socialisme, depuis le début de la vie économique occidentale civilisée, vient en grande partie de ce que la pensé juridique savante, et par elle, celle de l’élite en général, rattachent à des états et à des organisations de la vie antique, des concepts aussi décisifs que ceux de personne, de chose et de propriété. [...]

Nous voilà revenus à nouveau à cette question : Qui a créé le droit occidental et pour qui l’a-t-il créé ? Le préteur romain était propriétaire foncier, officier, expert en finances et en administration, par là même préparé tout d’abord au rôle de juge et de justicier. Dans un cité cosmopolite de l’antiquité tardive, le préteur pérégrin maniait le droit des étrangers comme un droit de circulation économique, sans plan ni tendance, en parlant de cas réellement constatés. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 77


« L’habitude s’est développée très tôt de ne plus appliquer les vieilles lois de la cité en général à la matière effective de chaque cas particulier, mais de citer les textes des juristes et de la Bible. Qu’est-ce que cela signifie ? Pour nos romanistes, c’est un signe de décadence très profonde dans le régime juridique. Du point de vue arabe, c’est le contraire : cela prouve que ces hommes ont enfin réussi à s’assimiler intérieurement une littérature étranger imposée, et sous la forme unique que pouvait prendre en considération leur propre sentiment cosmique. Là se révèle toute l’antithèse du sentiment cosmique de l’Arabe et de celui de l’antiquité. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 70


« Ce concept arabe de la nation est un fait nouveau tout à fait décisif. Entre la patrie et l’Étranger, la culture apollinienne situait la frontière entre deux cités, la magique entre deux communautés de foi. Le pérégrin, l’hostis, était au Romain ce que le païen est au chrétien, l’amharez au Juif. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 2, p. 67


« Sans aucun doute, l’athéisme bien compris est l’expression nécessaire d’une mentalité achevée en soi, épuisée dans ses possibilités religieuses, vouée à l’anorganique. [...] L’athéisme fait partie de l’homme de la civilisation commençante, non encore de celui de l’“époque des lumières”. Il appartient à la grande ville, il appartient à “l’homme instruit” des grandes villes qui s’approprie mécaniquement ce que ses ancêtres qui ont crée sa culture ont vécu organiquement. [...] Mais l’homme des villes mondiales est irréligieux. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 391-392


« Il n’y a pas de science naturelle sans religion antérieure. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 363


« La métaphysique stricte a épuisé ses possibilités. La ville cosmopolitique a définitivement vaincu la campagne et son esprit se constitue aujourd’hui une théorie propre, nécessairement dirigée vers le dehors, mécaniste, sans âme. [...] Le philosophe n’est pas plus libre de choisir ses thèmes, que la philosophie d’avoir partant et toujours les mêmes thèmes. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 350


« Cette extinction de la religiosité intérieure vivante forme et pénètre peu à peu jusqu’à moindre trait de l’existence et elle se manifeste dans l’image historique du monde comme la transition de la culture à la civilisation, comme le climactrium de la culture, selon le nom que je lui ai déjà donné, tournant de son histoire où la fécondité psychique d’une espèce humaine s’éteint pour toujours et où la génération fait place à la construction. Si l’on rend tout son poids originel au mot stérilité, il désignera le destin complet de l’homme-cerveau des villes cosmopolites, et l’un des traits les plus significatifs de ce tournant symbolique est qu’il exprime non seulement l’extinction du grand art, des grandes formes sociales, des grands systèmes philosophiques, du grand style en général, mais aussi de manière tout à fait physiologique, la non-prolificité et la mort raciale des couches sociales civilisées, déracinées du pays, phénomène très remarqué et très déploré déjà aux époques impériale de Rome et de la Chine, mais nécessairement impossible à atténuer. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 341-342


« Chaque culture a donc son propre mode d’extinction psychique, et elle n’en a qu’un seul, résultant avec une nécessité très profonde de sa vie tout entière. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 338


« La ville cosmopolite elle-même se dresse, comme point extrême anorganique au milieu du paysage de culture, dont elle déracine les hommes, les attire à elle et les suce. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 336


« Si l’on admet que le socialisme, entendu au sens éthique, non économique, est le sentiment cosmique qui poursuit au nom de tous son opinion propre, nous sommes tous socialistes sans exception, que nous le sachions et le voulions ou non. Même Nietzsche ; le plus passionné des adversaires de toute “morale grégaire”, est tout à fait incapable de restreindre à soi-même son zèle au sens antique. Il ne pense qu’à “l’humanité”. Il attaque tous ceux qui pensent différemment. Épicure, au contraire, restait froidement indifférent aux pensées et aux actions des autres. Il n’a pas dépensé la moindre réflexion à une réforme de l’humanité. Il était, comme ses amis, satisfait d’être ce qu’il était et non autre chose. L’déal de la vie antique était le désintéressement (απαθεια) à ce qui se passe dans le monde, c’est-à-dire précisément à ce dont la domination fait pour l’homme faustien le contenu intégral de la vie. Le concept essentiel de la αδιαϕορα fait partie de cette catégorie. Il y a aussi un polythéisme moral en Hellade. À preuve l’insouciante coordination des Épicuriens, des Stoïciens et de Cyniques. Mais le Zarathoustra tout entier — qui prétend s’établir “au delà du bien et du mal” — respire la douleur de voir les hommes tels qu’on ne veut pas les voir, la passion profonde, si absolument non-antique, d’utiliser naturellement la vie à les transformer selon sa propre et unique direction. Et c’est là précisément, dans cette générale transvaluation, qu’est le monothéisme éthique, qui est le socialisme au sens nouveau et plus profond. Tous les réformateurs du monde sont socialistes. Il n’y a donc pas de réformateurs dans le monde antique. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 324-325


« Tout devenu est périssable. Périssables non seulement les peuples, les langues, les races, les cultures. Dans quelques siècles, il n’y aura plus de culture européenne d’Occident, plus d’Allemands, d’Anglais, de Français, comme il n’y avait plus de Romania au temps de Justinien. Ce n’était pas la suite des générations humaines qui était alors éteinte, mais la forme intérieure d’un peuple, qui avait condensé en une physionomie unitaire un certain nombre de ces générations, avait cessé d’exister. Le civis Romanus, tout en étant un des symboles les plus puissants de l’être antique, n’avait néanmoins comme forme qu’une durée de quelques siècles. Mais le phénomène primaire de la grande culture en général disparaîtra un jour, lui aussi, de même que le spectacle de l’histoire universelle et enfin l’homme lui-même et, par delà l’homme, l’apparition de la vie végétale et animale à la surface de la terre, cette terre même, le soleil et l’univers entier des systèmes solaires. Tout art est mortel, non seulement les œuvres individuelles, mais les arts eux-mêmes. Un jour, le dernier portrait de Rembrandt et la dernière mesure de la musique de Mozart auront cessé d’exister, même si une toile peinte ou un feuillet de notes aura peut-être subsisté, parce que le dernier œil et la dernière oreille, auxquels leur langage formel était accessible, auront disparu. Périssables chaque pensée, chaque croyance, chaque science, dès que sont éteints les esprits dans les univers desquels leurs “vérités éternelles” étaient senties comme vraies avec nécessité. Périssables même les étoiles qui “apparaissent” aux astronomes du Nil et de l’Euphrate comme des univers pour un œil, car notre œil — également périssable — est différent. Nous savons cela. Un animal ne le sait pas, et ce qu’il ne sait pas n’existe pas dans la réalité vivante de son univers ambiant. Mais avec l’image du passé disparaît aussi le désir nostalgique de donner au passé un sens plus profond. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 166


« L’homme est le seul vivant connaissant la mort. Tous les autres vieillissent, mais leur conscience reste absolument restreinte au moment, qui doit leur paraître éternel. Ils vivent sans rien savoir de la vie, comme ces enfants de première jeunesse que le christianisme désigne encore sous le nom d’“innocents”. Ils meurent et voient mourir, mais n’en savent rien. L’homme entièrement éveillé, l’homme proprement dit, dont l’intelligence est dégagée de la vision de l’habitude du langage, est le premier à posséder, outre la sensation, également le concept de trépas, c’est-à-dire une mémoire du passé et une expérience de l’irrévocable. Nous sommes le temps, mais nous possédons aussi une image de l’histoire et dans cette image, en considérant la mort, la naissance nous apparaît comme la deuxième énigme. Pour tous les autres vivants, la vie s'écoule sans le moindre pressentiment de sa limité, c’est-à-dire sans qu’ils en sachent le rôle, le sens, la durée et le but. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 164


« À la surface des événements cosmiques règne l’imprévu. Il adhère comme marque distinctive à tout événement isolé, à toute décision particulière, à toute personne individuelle. Nul n’a prévu le bond de l’Islam dans l’apparition de Mohammed, ou Napoléon dans la chute de Robespierre. L’arrivée des grands hommes, ce qu’ils entreprennent, le succès de ces entreprises — sont incommensurables : personne ne sait si une évolution puissante en germe s’achèvera à grands traits, comme la noblesse romaine, ou tombera victime du sort, comme les Hohenstaufen et la culture Maya tout entière. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 141


« Chaque culture traverse les phases évolutives de l’homme en particulier. Chacune a son enfance, sa jeunesse, sa maturité et sa vieillesse. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 115


« C’est le sens de tous les déclins dans l’histoire — le sens de l’accomplissement intérieur et extérieur, celui de la fin qui menace toutes les cultures vivantes ; — parmi ces déclins, le plus distinct, celui de “l’antiquité”, s’étale à grands traits sous nos yeux, tandis qu’en nous et autour de nous, nous suivons clairement à la trace les premiers symptômes de notre événement, absolument semblable au premier par son cours et sa durée et appartenant aux premiers siècles du prochain millénaire, le “déclin de l’Occident”. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 114


« Une culture naît au moment où une grande âme se réveille, se détache de l’état psychique primaire d’éternelle enfance humaine, forme issue de l’informe, limite et caducité sorties de l’infini et de la durée. Elle croît sur le sol d’un paysage exactement délimitable, auquel elle reste liée comme la plante. Une culture meurt quand l’âme a réalisé la somme entière de ses possibilités, sous la forme de peuples, de langues, de doctrines religieuses, d’arts, d’États, de sciences, et qu’elle retourne ainsi à l’état psychique primaire. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 114


« Une masse à perte de vue d’êtres vivants humains, une onde immense jaillie des profondeurs d’un passé obscur, où notre sentiment du temps perd son efficacité organisatrice et où l’imagination sans trêve — ou la peur — nous a transportés comme par enchantement dans l’image de périodes géologiques terrestres pour y dissimuler une énigme à jamais insoluble ; un courant qui se perd dans un futur aussi obscur et atemporel : tel est le fondement de l’image faustienne de l’histoire humaine. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 113


« Impérialisme est civilisation pure. Le destin d’Occident est dans ce phénomène irrévocable. L’homme cultivé a son énergie dirigée en dedans, le civilisé en dehors. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 48


« Ville mondiale signifie cosmopolitisme au lieu de “patrie”, sens froid des réalités au lieu de respect pour la tradition et ses enfants, irréligion scientifique pétrifiant la religion du cœur qui l’a précédée, “sociétés” au lieu d’États, droits naturels au lieu de droits acquis. L'argent, comme grandeur anorganique, abstraite, dépouillée de tout rapport avec le sens du sol fertile et les valeurs d’une économie domestique primitive — est un avantage que les Romains avaient sur les Grecs. La ville mondiale n’a pas un peuple, mais une masse. Son incompréhension du traditionnel, dans lequel elle combat la culture (la noblesse, l’église, les privilèges, la dynastie, les conventions artistiques, la possibilité d’une limite à la connaissance scientifique) ; son intelligence froide et perspicace, supérieure à celle du paysan ; son naturalisme d’un sens tout nouveau, qui prend sa source dans les instincts les plus vieux et les conditions primitives de l’homme, par delà Socrate et Rousseau et loin derrière eux, en ce qui concerne toutes les questions sexuelles et sociales ; le panem et circences qui reparaît sous le manteau de la lutte des salaires et de la place du sport — tout cela marque, à côté de la culture définitivement achevée, à côté de la province, une forme tout à fait nouvelle et tardive, sans avenir, mais inévitable, de l’existence humaine. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 45


Il ne s’agit plus de raisonner en occidental, car nous « pensons aujourd’hui en continents. Nos philosophes et nos historiens seuls l’ignorent encore. Que peuvent signifier pour nous les concepts et les perspectives qui prétendent à une valeur universelle et dont l’horizon s’arrête à la frontière spirituelle de l’Europe occidentale ? »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 34


« Il y a une croissance et une vieillesse des cultures, des peuples, des langues, des vérités, des dieux, des paysages, comme il y a des chênes, des pins, des fleurs, des branches, des feuilles, jeunes et vieux, mais il n’y a pas d’“humanité” vieillissante. Chaque culture a ses possibilités d’expressions nouvelles qui germent, mûrissent, se fanent et disparaissent sans retour. »

— Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident (1918-1922), trad. Mohand Tazerout, éd. Gallimard, coll. « La Nouvelle Revue française », 1948 (ISBN 9782070260478), t. 1, p. 33
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Bibliographie

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