Abel Bonnard
Citationes
« Il est tout naturel que les savants juifs disent qu’il n’y a pas de race, ils n’y ont que trop d’intérêt, et professent ainsi une doctrine que leurs usages démentent. »
« [...] le juif qui ne veut pas devenir Français devient parisien. »
« L’amour de l’égalité trahit la préférence pour l’inférieur. [...] Le racisme est démocratique ; il distribue la supériorité à tous. »
« Il y a plusieurs humanités dans l’humanité. »
« Maintenant, tout est dit. [...] Désormais, les événements se font tout seuls. On est entré dans une période géologique de l’Histoire, qui peut se caractériser aussi bien par des effondrements subits que par des engourdissements infinis, tandis qu’une réalité inconnue monte lentement vers la surface des choses. Tout se tient, aucun problème ne peut plus être encadré, étudié, résolu isolément par l’esprit. [...] Le désastre de l’homme s’étend à toute la terre. [...] Où nous avons voulu fonder un ordre, un abîme s’ouvre. Il arrive ce que nous nous étions expressément proposé d’éviter : le monde tombe dans le chaos. »
« Le Destin n’attend pas ; dans la vie des nations comme dans celle des individus, il n’y a que de rares moments de choix, dont il faut reconnaître l’insigne importance, si l’on veut profiter pleinement des chances qu’ils nous offrent. L’Occasion est une déesse qui ne s’assied pas. »
« Leur rôle est immense en histoire. Ce sont les introducteurs des catastrophes : ils ont, en annonçant le Progrès, ouvert la porte au Désastre. Les libéraux sont les personnages les plus vaniteux de l’histoire. Ils veulent que la politique soit un débat et non un combat. »
« Le premier réalisme, en politique, est de connaître les démons qui sont cachés dans les mots. [...] La France est le pays où l’on a peur des mots, comme dans d’autres on a peur des fantômes : en face de ceux qui servent d’épouvantails, il y a ceux qui servent d’appâts. »
« L’individu, c’est le dernier produit d’une société qui devient stérile, c’est l’être humain tombé de la plénitude de l’homme dans l’exiguïté du moi, c’est le nain arrogant, l’avorton prétentieux qui, toujours content de soi, n’est jamais content des autres, qui, restant toujours isolé sans être capable de vivre seul, à la fois dissident et dépendant, est l’atome d’une foule au lieu d’être l’élément d’un peuple. L’individu vit perpétuellement dans un état de désertion sociale. Il prétend être entretenu par une société qu’il n’entretient pas, il demande sans apporter, il voudrait tout recevoir sans rien donner et, dans une société décomposée, il représente un abaissement et une déchéance qui se retrouvent à travers toutes les classes. »
« On ne saurait croire à quel point l’homme d’aujourd’hui, à quelque rang qu’il se trouve, est las de dépendre d’organisations abstraites, d’autorités impersonnelles, de conseils d’administrations insaisissables ou de parlements informes. [...] Bien des fois, en regardant le spectacle de la société bourgeoise, j’ai admiré par quel triste enchantement elle étendait partout des déserts entre les âmes. Des gens que toutes les conditions et les habitudes de leur existence auraient dû réunir, qui passaient des années dans le même atelier, le même bureau, les mêmes chambres, qui auraient dû naturellement échanger ces regards, ces sourires, ces menus services par lesquels des hommes se sentent unis, arrivaient à vivre à côté les uns des autres sans jamais vivre ensemble ; ils frottaient leurs égoïsmes sans jamais rapprocher leurs âmes. »
« Entre le communisme qui broie l’homme et le capitalisme qui le dissout, c’est ici que luit la promesse, c’est ici que grandit la Révolution créatrice, c’est l’Europe à présent, et non pas une Amérique surannée et caduque sans le savoir qui, humainement, est le Nouveau-Monde. »
« Dans la société démembrée du capitalisme et du libéralisme, on trouvait deux extrême aussi vicieux l’un que l’autre : ou bien, selon la tyrannie du capitalisme, l’homme donnait son travail et son concours à la collectivité sans recevoir d’elle en retour une rétribution équitable, ou bien, au contraire, selon la décomposition du libéralisme, l’individu demandait tout à la société sans rien lui fournir. »
« Camarades, la Révolution ne se fera pas toute seule. Elle se fera parce que nous la ferons, la Révolution nécessaire, la Révolution sacrée, la Révolution de renaissance. »
« L’ordre est le nom social de la beauté. »
« Parmi toutes les causes de faiblesse qui affectent l’action des nations blanches, la plus profonde, de beaucoup, est de n’avoir pas de doctrine. [...] Sa faiblesse intime [l’homme blanc], essentielle, est dans son esprit : il manque d’une source où puiser l’âme de ses actes. C’est seulement lorsqu’il se sera refait une doctrine qu’il sera, à la fois, plus noble et plus fort. »
« Le malheur de la République est d’être née dans la haine : elle date du moment où la France s’est divisée. Elle ne pourra jamais devenir sincèrement un régime d’amitié ; elle ne pourra jamais faire ce qui était si naturel à la monarchie, de prendre la France entière dans ses bras. »
« La France est le seul pays où la nation ait en permanence son gouvernement contre soi, le seul où une guerre sinistre et grotesque ait été déclarée à Dieu, le seul où l’ordre ne subsiste que par survivance, sans être jamais soutenu ni fortifié, le seul où l’enseignement officiel n’ait pas d’autre tâche que de détruire obstinément tout ce qu’il devrait conserver, et dérobe à la nation la connaissance de sa propre grandeur. La République est le seul régime où rien de sublime, ni seulement d’honnête, n’est donné en aliment à un peuple dont l’âme est à jeun ; c’est le seul régime qui, pressé de tous côtés par les choses, ne parle jamais un langage qui leur réponde, le seul où les problèmes les plus importants ne puissent pas être résolus, ni même posés, parce que l’intérêt du parti régnant entretient partout des fictions qui séparent la nation du réel. »
« Ainsi des formes sociales aujourd’hui détruites nous encombrent encore des façons d’être qu’elles ont créées; ainsi quantité de Français nous paraissent tour à tour n’avoir pas l’âme assez forte pour agir dans le drame où ils sont jetés, et n’avoir pas l’esprit assez simple pour l’apercevoir. Cette impossibilité d’aller à l’important et au principal, cette curiosité volage pour toutes les idées qui n’est que l’incapacité d’en retenir fortement aucune, cette frivolité qui espère encore s’amuser des événements dont elle s’effraye, cette parodie de l’esprit de finesse qui donne une furieuse envie de retrouver l’esprit d’épaisseur, cette façon de faire la roue au bord de l’abîme, avant d’y tomber, cette rage de paraître jusqu’au moment où l’on disparaît, tous ces défauts, misérables parce qu’on y sent à la fois l’insuffisance de la personne et la suffisance de l’individu, ce sont, dans une nation que le destin somme de renaître, les dernières expressions d’une société qui meurt. »
« C’est ainsi qu’Aristote et saint Thomas se répondent, que Cicéron pourrait converser avec Lavoisier, que les plus nobles des Croisés et des Musulmans se renvoient les mêmes rayons de chevalerie, qu’un jésuite français et un sage chinois, produits par deux mondes presque sans rapports, se trouvent néanmoins face à face sur le même plan. Ces fraternités involontaires, au bout d’efforts séparés, cette rencontre suprême de ceux qui ne se sont pas cherchés, voilà, sans doute, ce que notre espèce peut offrir de plus beau ; si le mot d’humanité a un sens, c’est quand il tremble comme une lueur autour de cette réunion de quelques hommes. »
« Ainsi cette Révolution n’est pas une chose faite une fois pour toutes, qui assure des droits égaux à tous les Français ; c’est un drame qui se continue, l’effort d’un monde qui en veut remplacer un autre, et le misérable rallié, qui se croyait quitte, s’aperçoit qu’il ne se sera jamais suffisamment renié, tant qu’il ne se sera pas tout à fait détruit. »
« Un réactionnaire [...] c’est un homme qui refuse de devenir un individu. »
« [...] le modéré a toujours trop de paroles, et le réactionnaire n’en a pas assez ; le premier, béat, disert, important, raisonne à perte d’haleine ; le second, irrité de la niaiserie de son contradicteur et s’en voulant à soi-même de ne pas savoir mieux défendre le monde de noblesse dont il sent la poussée en soi, rougit, gronde, s’indigne, et laisse finalement à son futile adversaire toutes les apparences de la victoire. Mais c’est pour avoir vu des hommes de cette sorte dans cet embarras que je leur ai voué une amitié qui ne se démentira point et que je me suis promis de parler pour eux, s’ils ne trouvaient pas leurs paroles. »
« Dans ce monde où rien ne reste authentique, l’étalage des beaux sentiments devient quelque chose de plus ignoble encore que l’obscénité des plus laids [...]. »
« Quand une société qui ne vit plus que par survivance se désagrège en hommes épars, qui ne sont sauvés de leur pauvreté intérieure par aucun rapport avec un fonds commun à tous, sans terroir, sans religion, sans disciplines, fonctionnaires ennuyés de leur emploi, artisans dépris de leur métier, ouvriers qui n’aiment plus leur besogne et qui ont, trop souvent, une besogne qu’ils ne peuvent pas aimer, comment ces individus désintégrés pourraient-ils essayer de revivre autrement que par des opinions révolutionnaires ? Comment le grain de poussière rentrerait-il dans le drame universel, sinon par la turbulence des vents ? »
« Maintenant nous pouvons comprendre la vraie fonction de nos amis : ils ne sont pas nos alliés dans la bataille des intérêts, mais ils le sont dans la bataille des caractères. Ils prennent la vie comme nous. De là vient que nous supportons aisément qu’ils aient d’autres idées que les nôtres. Outre que ces dissentiments intellectuels peuvent avoir une fin, notre ami se rangeant à notre opinion, ou nous à la sienne, ils ne touchent pas au fond des natures. Mais très libres de différer sur les grands sujets, nous avons absolument besoin d’être d’accord avec nos amis dans les petites choses. Car les natures se révèlent dans ces occasions imprévues, nous y pouvons tâter l’étoffe dont chaque homme est fait, et quand il s’agit de ceux que nous aimons, nous avons besoin de sentir que c’est de la soie. Qu’un de nos amis s’oppose à nous dans une question de philosophie ou d’art, cela nous procurera le plaisir de faire de belles armes ensemble. Mais qu’un homme soit dur avec un pauvre, grossier avec une femme, brutal avec un inférieur, quand même il nous aurait donné d’autre part toutes les approbations possibles, il n’est pas de notre race, nous n’avons rien de commun avec lui. Car si les amitiés se développent sur le plan de l’esprit, elles se forment ailleurs. »
« Le sentiment qu’on trouve au fond de certaines amitiés, parmi les plus solides et les plus réelles, c’est l’avidité d’une âme qui, ne pouvant tout être à elle seule, veut s’augmenter de ce que sont les autres. Un homme médiocre ne saurait se concevoir une autre vie que celle qu’il a, et où il épuise tout ce qu’il est : il choisit donc ses amis parmi ses pareils. Dès qu’un homme arrive, au contraire, à une certaine richesse intérieure, il sent bien que ce qu’il a fait n’exprime pas toute sa nature et qu’il reste en lui, au-dessous des facultés qu’il discipline et qu’il organise, tout un fonds confus qui aurait pu fournir leur substance à des personnages qu’il n’aura pas portés jusqu’au jour. A ces fantômes de lui-même répondent les personnes de ses amis. C’est par eux qu’il se complète. Ils sont comme nos délégués et nos remplaçants à tous les genres d’activité que nous n’avons pu exercer et, quand nous nous trouvons dans leur compagnie, nous annexons leur expérience à la nôtre. Ainsi nous choisissons nos amis selon ce que nous sommes et selon ce que nous n’avons pas pu être, selon nos affinités et nos nostalgies. »
« S’il y a chez les Français de tous les partis un préjugé abstrait en faveur des opinions révolutionnaires, il est confirmé par la prévention qu’on leur a inspirée en faveur des hommes de la Révolution : tant qu’ils prendront ces personnages pour de grands hommes, ils seront irréparablement séparés de toute grandeur, et comme ceux qui se trompent dans leurs admirations sont condamnés à s’égarer dans tout le reste, ils ne sauront même pas ce qui est noble, honnête ou sensé. Une nation qui veut vivre ne peut tirer de la Révolution française aucun principe de pensée ni de conduite [...]. »
« [...] le romantisme nous a léguées, de croire que les révolutions sont favorables à la manifestation des plus fortes âmes : elles les étouffent au contraire [...]. Les révolutions sont les temps de l’humiliation de l’homme et les moments les plus matériels de l’histoire. Elles marquent moins la revanche des malheureux que celle des inférieurs. »
« Les modérés sont des libéraux qui n’ont plus foi en eux-mêmes [...]. Ce qu’on reproche aux libéraux, ce n’est pas d’avoir aimé la liberté, mais de n’avoir pas discerné les conditions de son existence. Ils ont mal conçu le possible, parce qu’ils ont mal connue le réel. Convaincus qu’on pouvait désarmer le pouvoir, sans affaiblir l’ordre, ils n’ont pas vu que la société où ils épanouissaient leurs doctrines ne restait assez solide pour les abriter que parce qu’elle avait été construite sur des principes opposées aux leurs. Protégés par les remparts qu’ils allaient abattre, ils ont déployé leur suffisance entre un passé qu’ils condamnaient sans le comprendre, et un avenir qu’ils amenaient sans le prévoir ; ils ont fait la roue dans un entracte du drame. Sous prétexte d’assurer la plénitude de la liberté, ils ont ruiné les vieux régimes qui étaient assez pénétrés de civilisation pour garder le respect de la personne humaine, et favorisé l’irruption des forces élémentaires qui ne font plus d’elle aucun cas. »
« Ce n’est point par la raison que les peuples se rattachent à la sagesse, mais par un ensemble de traditions saintes, d’usages, de mœurs [...]. »
« Un système politique n’est véritablement bon et excellent que lorsqu’en satisfaisant la raison, il déborde assez l’ordre rationnel pour permettre à ceux qu’il régit d’y manifester parfois leurs émotions les plus nobles, et de connaître en lui toute leur qualité d’hommes. »
« [...] il s’agit pour tous de maintenir un système de profits, en dépit de la réalité qui l’étreint, et de nier les difficultés, jusqu’au moment où les désastres arrivent. Ainsi le régime parlementaire ne se perfectionne que pour s’isoler de toutes les questions qu’il devrait résoudre, le politicien devient le parasite d’une société et d’une nation qu’il détruit ou laisse détruire ; il vit de nous sans vivre pour nous et la démocratie à son comble offre ce contraste singulier, que tout le monde semble s’inquiéter du sort de l’État, et que personne ne s’en occupe : il y a de la politique partout, et il n’y a des politiques nulle part. »
« Cette démagogie embourgeoisée ne pouvait durer que dans un pays dont une grande partie continuait à vivre hors d’elle ; à force d’étendre sa clientèle, les ressources lui font défaut pour l’entretenir ; la nation manque à ceux qui l’épuisent et la mort du malade interrompt la prospérité de la maladie. La République répugne aujourd’hui aux Français, sous un ciel noir [...]. »
« Ces Français non pas nouveaux, mais renouvelés, remis, pour penser ou agir, en possession de toute leur valeur virile, c’est une question de savoir s’ils seront assez nombreux pour sauver leur pays en le refaisant [...]. »
« Les partis finissent par être égaux dans l’abaissement [...]. »