Différences entre les versions de « Michel Clouscard »
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+ | « Pas de mariage et pas d’enfant : l’aventure, la liaison et l’avortement, constant mot d’ordre de la phallocratie bourgeoise. » | ||
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+ | « [...] la femme a tout à gagner des lois sociales et le phallocrate a tout à gagner du féminisme. L’émancipation mondaine de la femme non seulement s’accompagne d’une plus grande garantie d’usage pour le phallo mais encore élargit extraordinairement son champ de consommation. » | ||
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+ | Celles qui parviennent, arrivent. Qui s’intègrent à la dynamique du système. Celles qui ont droit aux essais et erreurs. Aux expériences non seulement permises mais recommandées. Et qui, en définitive, réussissent ou réussiront leurs mariages, leurs enfants, leurs carrières. Et celles pour qui l’avortement, le divorce, le travail-chômage sont de terribles drames, des traumatismes irrécupérables, des épreuves insurmontables. [...] | ||
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+ | Le système a su gérer magistralement cet échec. Grâce à ses lois “sociales” qui empêchent ces femmes de s’insurger. Il a su récupérer le négatif par une bonne gestion de l’échec : un bon avortement, un bon divorce, un bon chômage. Toute une population féminine est assurée de “réussir” ses échecs. Au prix d’une insatisfaction profonde. » | ||
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+ | Certes, le féminisme relève d’un bon sentiment. À l’origine, c’est la saine et même sainte colère de la femme outragée. C’est vouloir reconquérir une dignité bafouée. Dignité de la femme scandalisée d’être réduite à la seule valeur d’usage. [...] | ||
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+ | Mais ces bons sentiments sont aussitôt récupérés par l’idéologie, par le féminisme. Ce ne sera pas la faute du néo-capitalisme. Ce ne sera pas la social-démocratie libertaire qui sera responsable. Mais l’homme. Pas tel groupe d’hommes. Mais l’homme en général. L’homme en tant qu’essence. Et c’est en défaisant l’homme que la nouvelle femme se fera. » | ||
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+ | « La seule mesure de l’égalité politique entre l’homme et la femme, c’est l’égalité devant le travail. C’est l’égalité proposée par le socialisme (celui qui lutte contre la social-démocratie). C’est la seule manière d’en finir à la fois avec l’Ève éternelle et l’Homme éternel. Alors plus de phallocrates ni de féministes. Mais un rôle commun, dans le procès de production et de consommation. [...] | ||
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+ | L’émancipation ne peut être que l’émancipation du sexe par le sexe. Alors la contradiction fondamentale du féminisme — l’égalité des sexes par le sexisme — s’avère la ''coquetterie'' de la femme moderne. » | ||
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+ | L’idéologie social-démocrate, à partir du plan Marshall, est devenue l’idéologie de l’émancipation libidinale, ludique, marginale. Le fonctionnel — acquis par le travail des autres — devient ludique en même temps que la France se soumet au modèle américain. » | ||
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+ | « Le hippie se situe, lui aussi, dans cette mouvance. Comme un charognard, il s’installe dans la misère rurale. De la désertification, il fait un décor bucolique. De la restauration archaïque et artisanale — au noir — une source de revenus. » | ||
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« C’est le rythme du capitalisme : le rock. Le rythme sans le swing est l’essence temporelle de ce capitalisme. Il est l’expression corporelle de “l’aliénation de l’homme”. La marque du rythme répétitif, saccadé, fébrile, de la machine. La répétition égoïste et sécurisante du Même. La volonté de consommer sans rien produire. Et refus de l’échange, du partage. » | « C’est le rythme du capitalisme : le rock. Le rythme sans le swing est l’essence temporelle de ce capitalisme. Il est l’expression corporelle de “l’aliénation de l’homme”. La marque du rythme répétitif, saccadé, fébrile, de la machine. La répétition égoïste et sécurisante du Même. La volonté de consommer sans rien produire. Et refus de l’échange, du partage. » |
Version du 4 octobre 2019 à 11:16
Citationes
« Pas de mariage et pas d’enfant : l’aventure, la liaison et l’avortement, constant mot d’ordre de la phallocratie bourgeoise. »
« [...] la femme a tout à gagner des lois sociales et le phallocrate a tout à gagner du féminisme. L’émancipation mondaine de la femme non seulement s’accompagne d’une plus grande garantie d’usage pour le phallo mais encore élargit extraordinairement son champ de consommation. »
« Le féminisme est cette idéologie qui consacre une nouvelle et terrible ségrégation dans le sexe féminin. Ségrégation de classe qui organise deux destins de femme.
Celles qui parviennent, arrivent. Qui s’intègrent à la dynamique du système. Celles qui ont droit aux essais et erreurs. Aux expériences non seulement permises mais recommandées. Et qui, en définitive, réussissent ou réussiront leurs mariages, leurs enfants, leurs carrières. Et celles pour qui l’avortement, le divorce, le travail-chômage sont de terribles drames, des traumatismes irrécupérables, des épreuves insurmontables. [...]
Le système a su gérer magistralement cet échec. Grâce à ses lois “sociales” qui empêchent ces femmes de s’insurger. Il a su récupérer le négatif par une bonne gestion de l’échec : un bon avortement, un bon divorce, un bon chômage. Toute une population féminine est assurée de “réussir” ses échecs. Au prix d’une insatisfaction profonde. »
« Le féminisme n’a aucun fondement théorique. [...]
Certes, le féminisme relève d’un bon sentiment. À l’origine, c’est la saine et même sainte colère de la femme outragée. C’est vouloir reconquérir une dignité bafouée. Dignité de la femme scandalisée d’être réduite à la seule valeur d’usage. [...]
Mais ces bons sentiments sont aussitôt récupérés par l’idéologie, par le féminisme. Ce ne sera pas la faute du néo-capitalisme. Ce ne sera pas la social-démocratie libertaire qui sera responsable. Mais l’homme. Pas tel groupe d’hommes. Mais l’homme en général. L’homme en tant qu’essence. Et c’est en défaisant l’homme que la nouvelle femme se fera. »
« La lutte des sexes n’a de sens que par la lutte des classes. »
« La seule mesure de l’égalité politique entre l’homme et la femme, c’est l’égalité devant le travail. C’est l’égalité proposée par le socialisme (celui qui lutte contre la social-démocratie). C’est la seule manière d’en finir à la fois avec l’Ève éternelle et l’Homme éternel. Alors plus de phallocrates ni de féministes. Mais un rôle commun, dans le procès de production et de consommation. [...]
L’émancipation ne peut être que l’émancipation du sexe par le sexe. Alors la contradiction fondamentale du féminisme — l’égalité des sexes par le sexisme — s’avère la coquetterie de la femme moderne. »
« Ce n’est pas la société capitaliste qui a récupéré la libido. Mais la société capitaliste qui a “inventé ” la libido. [...]
L’idéologie social-démocrate, à partir du plan Marshall, est devenue l’idéologie de l’émancipation libidinale, ludique, marginale. Le fonctionnel — acquis par le travail des autres — devient ludique en même temps que la France se soumet au modèle américain. »
« Autre archétype du rêve libertaire de la social-démocratie : sur les barricades, en jeans, baskets, treillis, cheveux longs ruisselants, estampe estompée par la fumée des grenades (défensives), flou artistique, le sable sous le pavé, le pavé à la main, l’étudiant brave les CRS. »
« Le néo-capitalisme a privatisé à outrance : la différence. Pour produire ce modèle standard : l’individu de la social-démocratie libertaire. Un genre unique. Celui de tout individu. »
« Les civilisations de l’Occident s’étaient transmises ce message. À partir des conflits mythiques de l’Olympe que la civilisation grecque avait proposés pour instaurer et maintenir la hiérarchie de ses valeurs. Mythes repris par le Moyen Âge chrétien : les allégories de la civilisation chevaleresque. L’éthique devenue esthétique. Le mythe féodal s’était prolongé dans le romanesque de la bourgeoisie : l’amour ascèse, le long et douloureux travail de la reconnaissance des âmes dans le monde. Enfin ces catégories — éternelles — s’étaient axiomatisées en un scientisme petit-bourgeois : le Je, le Ça, le Sur-moi. Ultime stade d’une entropie. Tels sont les quatre moments du parcours gréco-judéo-chrétien : quatre moments de la culture de l’âme et du cœur face aux séductions du monde. »
« En ces lieux, chacun se prostitue au succès. L’argent aussi. D’abord l’argent : le producteur est à la remorque du réinvestissement. Il fait la cour au succès qu’il ne faut pas manquer sous peine de faillite. Vedette et producteur se font mutuellement la cour. Quant à Jeunesse et Beauté, elles ne savent plus à qui se prostituer. À la vedette, au producteur, au metteur en scène, au journaliste, à l’animateur ? Il n’y aura de Beauté que reconnue, statutaire, codifiée par tous ces entremetteurs du succès. Peut-il y avoir une Beauté si elle n’est pas mise sur la scène du monde, si elle n’accède pas au pouvoir mondain, si elle n’a pas le rôle de la Beauté : mannequin, artiste de cinéma, cover-girl, etc. ? Que de Cendrillons attendent que leur beauté soit reconnue par ces princes charmants. »
« Cette “civilisation” ne peut revendiquer aucune tradition, aucune référence historique. Elle est radicalement autre. Elle ne peut être justifiée ni par le paganisme ni par le Sauvage. »
« Ce corps a acquis une autonomie quasi totale. »
« Il faut souligner que l’idéologie freudo-marxiste — essentielle composante de l’idéologie social-démocrate — a connu sa croissance et son expansion dans la période d’ascendance du capitalisme monopoliste d’État. Pour culminer et connaître son apothéose en Mai 68 (estudiantin). C’est l’idéologie de la consommation libidinale, ludique, marginale autorisée par la totale expansion de la société civile. »
« Le hippie se situe, lui aussi, dans cette mouvance. Comme un charognard, il s’installe dans la misère rurale. De la désertification, il fait un décor bucolique. De la restauration archaïque et artisanale — au noir — une source de revenus. »
« [...] le libéralisme économique est étatique et l’appareil d’État est social-démocrate. Le capitalisme a viré à gauche — au niveau politico-culturel — et a viré à droite — au niveau économico-social. »
« C’est le rythme du capitalisme : le rock. Le rythme sans le swing est l’essence temporelle de ce capitalisme. Il est l’expression corporelle de “l’aliénation de l’homme”. La marque du rythme répétitif, saccadé, fébrile, de la machine. La répétition égoïste et sécurisante du Même. La volonté de consommer sans rien produire. Et refus de l’échange, du partage. »
« Ce prétendu swing devient du coup le modèle de la contestation, de la subversion de la société industrielle et capitaliste. C’est une substance : un lieu, une race, une essence naturelle. Le Noir swingue et témoigne ainsi d’une pureté ontologique que le Blanc, par son histoire, a reniée, effacée de son corps, pour se soumettre au gestuel policé de la civilisation.
Grâce au rock, le Blanc pourrait retrouver cette innocence d’avant la civilisation (l’antéprédicatif). Ces idéologues diront que le rock libère le corps de son carcan religieux et moral, du maintien gauche occidental. Alors le corps n’est plus guindé, honteux de lui-même. Il s’exprime. Le corps modelé par la religion, culpabilisé, corps du péché, peut se défouler, se libérer des tabous. »
« Le drogué est l’essence même de la société de consommation. [...] La drogue est le fétiche par excellence. [...]
Alors qu’elle se croit marginale, la symbolique contestataire de la drogue non seulement s’intègre au système mais en est le ciment. [...] De modèle sélectif, la drogue est devenue une pratique sociale, de masse.
Le drogué contestataire fait lui-même la publicité et la promotion du système. »
« Entre les drogues du drogué contestataire et celles de la thérapeutique “normale” il n’y a pas de différence de nature. Mais de dose. De degré dans l’accoutumance. C’est la même maladie, le même syndrome, la même thérapeutique. La drogue cause la maladie, puis la drogue “soigne” l’effet de la maladie ! [...] Extraordinaire paradoxe, certes : la drogue, de marginalité subversive devient norme et prescription médicale. »
« L’urbanisme sauvage, la cité-dortoir sont le résultat d’un formidable déplacement de population. Avec, comme corollaire, la désertification des campagnes.
Aussi, les temporalités traditionnelles — celles qui autorisaient le rythme villageois de la société préindustrielle et qui s’étaient maintenues même sous le capitalisme concurrentiel libéral — ont été totalement liquidées. Naguère, le temps de travail et le temps de non-travail s’organisaient autour de la cellule familiale. […]
Pour substituer au rythme rural le productivisme généralisé, l’exploitation capitaliste a désintégré la cellule familiale. C’est le lieu de l’emploi et non plus le lieu d’origine qui fixe la famille, maintenant. Une extraordinaire diaspora des régions recouvre l’hexagone. »
« L’idéologie de la consommation fait de la sexualité une consommation parmi d’autres. »
« L’humanisme écologisant sera le véhicule de la bonne volonté (celle qui pave l’enfer), de l’idéologie. Il permet de développer un discours bienveillant, cordial, généreux même. Cet aspect humain s’épanouit d’abord dans le paternalisme. »
« La culture de l’incivisme doit aménager un savant mélange de bons sentiments et de contestation subversive. »
« Pour ce nouveau banquet, une nouvelle tenue de sortie l’imposait. Le narcissisme de classe change de toilette. Les habits du dimanche deviennent démodés lorsque le dimanche s’étale sur la semaine. [...]
Le blue-jean permet de franchir d’un bond barrières et niveaux de l’étiquette bourgeoise, pour revêtir le corps idéal, celui qu’Hollywood a mis si longtemps à forger dans son usine à rêver. Les jeans permettent de passer de la robe modèle au corps modèle. »
« [...] le ludique du néo-capitalisme dénonce le sérieux — de la société traditionnelle. Et pour ce faire il dispose de cet alibi : ce sérieux est — aussi — celui de la bourgeoisie du capitalisme concurrentiel libéral. La promotion du ludique sera alors la dénonciation de l’oppression bourgeoise ! »
« Le plan Marshall est bien l’acte étymologique de notre modernité. Son rôle est fondamental. Dans l’immédiat après-guerre, il a greffé une économie d’abondance sur une économie de la rareté, de la misère même. Et il a greffé le module américain culturel dans une société traditionnelle, rurale. Cette acculturation radicale a autorisé ainsi un phénomène radicalement nouveau ; l’immanence de l’économique et du culturel. Alors que dans la société traditionnelle, les deux termes se disposent selon la plus grande distance possible et conservent une autonomie relative certaine, la modernité sera l’immanence de leurs rapports d’expression. Le culturel sera l’expression des besoins idéologiques du marché. C’est la définition de la société civile, que Hegel avait prévue et dénoncée. »
« L’enfant est alors d’une totale disponibilité. A la consommation. Voyez sa manipulation de l’objet-marchandise. Il fait preuve d’une dextérité, d’une désinvolture qui stupéfient le cercle de famille. Il témoigne d’une agilité d’usage, d’une facilité insolentes.
Toute une culture — celle de la technologie de la société industrielle avancée — s’est consacrée, au prix d’un immense travail au développement du confort. Et sa caractéristique est d’avoir pu atteindre une extraordinaire facilité de son usage : il suffit d’appuyer sur un bouton. Le principe de la pédagogie d’intégration au système capitaliste est alors cet usage magique — par l’enfant — du fonctionnel. [...]
Le capitalisme veut que nous restions jeunes et que nous soyons comme des enfants ! Le travail des uns sera l’éternelle adolescence des autres. »
« [...] c’est un phénomène nouveau, énorme,capital —, l’intellectuel de gauche vient d’accéder à la consommation mondaine. Et il en est même le principal usager.
Pire, encore, il est devenu le maître à penser du monde. Il propose les modèles culturels du mondain. Non seulement il a accédé à la consommation mondaine, mais il en est l’un des patrons. Il a la toute-puissance de prescrire et de codifier l’ordre du désir. »