Différences entre les versions de « Chers djihadistes... - Philippe Muray »
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Version du 19 mars 2019 à 10:27
Philippe Muray, Chers djihadistes... (2002), éd. Mille et Une Nuits, 2002.
Chers djihadistes, toutes ces réflexions aussi brèves que superficielles n’avaient pour but que de vous faire savoir où vous mettez les pieds. Et, une fois encore, de vous avertir que nous vaincrons parce que nous sommes les plus faibles.
Craignez la fureur des moutons ! Craignez la colère des brebis enragés !
Vous voulez notre peau, mais sachez que nous nous battrons jusqu’au dernier et que si par malheur vous triomphiez ce ne serait que sur des monceaux de cadavres comme vous ne pouvez pas en imaginer et qui, même à vous, soulèveraient le cœur et supprimeraient jusqu’à l’envie de jouir de votre triomphe.
Mais vous ne triompherez pas. [...] La détermination, certes, et surtout la foi, semblent dans votre camp. Mais il n’est pas dit que la foi, dans le combat qui s’engage, soit meilleure conseillère que notre définitive incapacité à prendre au pied de la lettre les fables de nos anciennes croyances. Vous vous endormez dans les délices du martyre, mais il est plus facile de mourir pour un Dieu que de lui survivre. La sortie de la croyance est un rude sentier dans laquelle nous avons appris des choses que vous ne connaissez pas encore. Sur ce chemin incertain, nous avons acquis une confiance qui vous étonnera. La fureur que nous mettrons à vous résister vous stupéfiera.
Craignez le courroux de l’homme en bermuda ! Craignez la colère du consommateur, du voyageur, du touriste, du vacancier descendant de son camping-car ! Vous nous imaginez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramollis ? Eh bien nous lutterons comme des lions pour protéger notre ramollissement.
Nous nous battrons pied à pied, mètre par mètre et minute par minute.
Nous nous battrons.
Nous nous battrons pour tout, pour les mots qui n’ont plus de sens et pour la vie qui va avec.
Nous nous battrons pour l’ordre mondial caritatif et les endroits où ça bouge bien.
Nous nous battrons pour la vie jeune et les arts alternatifs.
Nous lutterons pour nos tour-opérateurs, pour nos compagnies aériennes, pour nos chaînes hôtelières, pour nos prestataires de service, pour nos pages Web et pour nos forfaits à prix coûtant.
Nous lutterons pour le réchauffement de la Terre, pour la montée du niveau des mers, pour le réduction des émissions de gaz carbonique, pour toutes les catastrophes et pour tous les moyens de limiter l’impact de celles ci.
Nous nous battrons pour un millenium de n’importe quoi, pour les bateaux qui volent, pour la pilule d’éternité, pour les savants fous qui veulent cloner tout le monde et pour une opposition résolue à leurs sombres desseins.
Nous nous battrons pour nos communautés communautaristes, pour nos tribus tribales, pour nos revendicateurs revendicatifs et pour tous nos étudiants en rébellion qui valent de très loin vos étudiants en religion.
Nous nous battrons jusqu’au dernier pour bouger, changer, faire des projets.
Nous nous battrons pour nos bébés prescripteurs et pour leur libre accès aux services culturels.
Nous nous battrons pour nos grandes batailles pour la parité paritaire, pour le repentance repentatoire et pour la surveillance des écarts de langage.
Nous nous battrons pour recommencer à nous déplacer sur nos roulettes sans arrière-pensées et sans pensées devant non plus.
Nous nous ferons tailler en pièces pour la conservation et le développement de nos cellules d’urgence médico-psychiatrique.
Nous nous battrons sans fin parce que la fin est advenue depuis longtemps et que nous n’en gardons même pas la mémoire.
Nous nous battrons pour le plaisir d’avoir oublié jusqu’à notre propre fin.
Nous nous battrons dans le sens du poil et dans le sens du vent.
Nous nous battrons pour la disparition du langage articulé.
Nous nous battrons.
Et nous vaincrons. Bien évidemment. Parce que nous sommes les plus morts.