Différences entre les versions de « Michel Clouscard »
(4 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées) | |||
Ligne 39 : | Ligne 39 : | ||
|page=112-113}} | |page=112-113}} | ||
− | « [...] l’art est abstrait quand il ne peut prendre un contenu. Ce n’est pas un style, c’est un manque. » | + | « [...] '''l’art est abstrait quand il ne peut prendre un contenu. Ce n’est pas un style, c’est un manque.''' » |
{{Réf Livre | {{Réf Livre | ||
|auteur=Michel Clouscard | |auteur=Michel Clouscard | ||
Ligne 867 : | Ligne 867 : | ||
|ISBN=9782915854138 | |ISBN=9782915854138 | ||
|page=69}} | |page=69}} | ||
+ | |||
+ | « '''Le corps comme silhouette à désirer, pur fantasme phallocratique, invention hollywoodienne, produit d’importation américain''', le corps-image, le corps de série — mais corps sophistiqué — la vulgarisation de cette sophistication, seront proclamés le corps libéré ! » | ||
+ | {{Réf Livre | ||
+ | |auteur=Michel Clouscard | ||
+ | |titre=Le Capitalisme de la séduction | ||
+ | |année d'origine=1981 | ||
+ | |éditeur=Delga | ||
+ | |année=2015 | ||
+ | |ISBN=9782915854138 | ||
+ | |page=48-49}} | ||
« Pour ce nouveau banquet, une nouvelle tenue de sortie l’imposait. Le narcissisme de classe change de toilette. Les habits du dimanche deviennent démodés lorsque le dimanche s’étale sur la semaine. [...] | « Pour ce nouveau banquet, une nouvelle tenue de sortie l’imposait. Le narcissisme de classe change de toilette. Les habits du dimanche deviennent démodés lorsque le dimanche s’étale sur la semaine. [...] | ||
Ligne 1 066 : | Ligne 1 076 : | ||
== Bibliographie == | == Bibliographie == | ||
− | {{Affiliation|https://kontrekulture.com/produit/traite-de-lamour-fou|https://cdn. | + | {{Affiliation|https://kontrekulture.com/produit/traite-de-lamour-fou/?asv=7|https://cdn.kontrekulture.com/wp-content/uploads/20200626231212/traite-de-lamour-fou-300x300.png}} |
− | {{Affiliation|https://kontrekulture.com/produit/la-bete-sauvage|https://cdn. | + | {{Affiliation|https://kontrekulture.com/produit/la-bete-sauvage/?asv=7|https://cdn.kontrekulture.com/wp-content/uploads/20200626231211/la-bete-sauvage-300x300.png}} |
− | |||
{{DEFAULTSORT:Clouscard, Michel}} | {{DEFAULTSORT:Clouscard, Michel}} | ||
− | {{ | + | [[Category:Auctores]] |
+ | {{Footer}} |
Version actuelle datée du 12 novembre 2024 à 14:57
Citations
« L’État a été l’instance super-structurale de la répression capitaliste. C’est pourquoi Marx le dénonce. Mais aujourd’hui, avec la mondialisation, le renversement est total. Alors que l’État-nation a pu être le moyen d’oppression d’une classe par une autre, il devient le moyen de résister à la mondialisation. C’est un jeu dialectique. »
« L’économie politique s’est faite constitutive de la relation du français lepéniste avec le Juif et l’Arabe. Les racismes disent la relation à la paupérisation et à l’enrichissement. Bien plus que des boucs émissaires, ils représentent les deux perversités de l’économie du profit. Ils ne font que cacher une stratégie du capitalisme que la plupart des antiracistes méconnaissent. Autrement dit, les bons sentiments ne suffisent pas à débusquer la bête immonde. Certains militants font même le jeu de cette stratégie en défendant la cause de l’immigrant à l’encontre de la logique de l’immigration, en la réduisant au combat de l’homme libre contre une administration bureaucratique. »
« Le Pen nous a appris qu’il fallait au moins deux racismes — divergents, mais complémentaires — pour faire un populisme, à l’égard du Juif et de l’Arabe, de Rothschild et de l’immigrant. C’est qu’il y a une logique des racismes. Hitler ne s’en prenait qu’au Juif en particulier et aux races inférieures en général. Il ne disposait pas de la dimension que l’Arabe apporte. [...]
La paupérisation menaçante, c’est une race : l’Arabe. La richesse interdite, c’est une race : le Juif. “On” est désigné comme race. Les états de pauvre ou de riche sont ramenés à un principe originel, matriciel, général. Le racisme est à double face : il prétend à une supériorité, mais surtout il est la désignation de l’altérité comme une erreur ontologique qui associe la contingence et la malfaisance. L’Autre est de trop. Il n’est qu’une excroissance cancéreuse de la Création. Il n’a rien et il n’est rien : c’est normal, puisqu’il est pure contingence. Il n’est que la forme vide : une race.
Le pauvre, c’est l’immigrant, l’immigrant c’est l’Arabe. Ainsi se constitue une race, un homme vide de toute culture, de tout contenu qui n’est plus qu’une forme : un faciès. Le lepéniste reconnaît la race par le faciès. L’Arabe, dira-t-il, a le faciès de sa race. C’est le signe extérieur qui ne peut être camouflé, le stigmate, la tache indélébile. Le faciès, c’est l’aveu de la race. Et ce pauvre, ce faciès, est un envahisseur, incroyable paradoxe. [...]
Si l’envahisseur menace, s’il peut être encore repéré et désigné par la vigilance nationaliste, l’autre ennemi de l’identitaire a déjà pénétré dans la place : le Juif. Il est l’autre face de l’altérité. L’identitaire est menacé à la fois par la paupérisation et par la richesse, par les propres limites du chrématistique. Le Juif a été désigné par l’Église comme l’usurier, le prêteur, celui qui profite. Mais cette stigmatisation ne suffit pas à expliquer l’antisémitisme. Il est l’ennemi intérieur qui n’a pu s’enrichir qu’en profitant de l’institution nationale sans participer aux frais. Corollaire : l’enrichissez-vous est impossible. C’est le Juif qui détient et qui conserve les moyens du chrématistique, qui dispose des postes de création et de gestion. Les deux racismes sont complémentaires : l’un à l’égard du pauvre, l’autre à l’égard du riche. La peur de devenir pauvre s’exaspère de la colère de ne pouvoir devenir riche. »
« [...] l’art est abstrait quand il ne peut prendre un contenu. Ce n’est pas un style, c’est un manque. »
« Où commence et où finit le prostitutionnel ? C’est l’actuelle économie politique que j’ai définie comme telle. La prostitution est tellement hiérarchisée qu’elle en devient hiérarchie de classe : du travail à la chaîne, “abattage”, à la prestation érotique du mannequin (vedette si possible), de la femme entretenue à la putain culturelle, de la femme soumise à la femme libéralisée, la sexualité paraît surdéterminée par la consommation transgressive. »
« Le capitalisme est le maître d’œuvre de la phénoménologie des mœurs de la mise en relation du procès de production et du procès de consommation. »
« Si les nouvelles couches moyennes ont conquis le moyen budgétaire de la jouissance, ce qui en fait tout à la fois les créatrices du modèle consumériste et ses usagers, l’expansionnisme quasi illimité de la consommation transgressive se réalise essentiellement grâce aux jeunes et aux femmes.
Les deux populations ont été l’objet d’une fabuleuse opération de marketing exhaussé jusqu’à l’espèce humaine. Le succès du libéralisme libertaire se fonde sur cette universalisation d’un modèle qui s’intègre par l’existence même. Femme et jeune représentent une énorme clientèle potentielle. Mais, surtout, ce sont des prescripteurs, des panneaux publicitaires vivants, des mises en pratique, des TP du libéralisme libertaire. »
« La priorité, donc, de la contre-révolution libérale, est de liquider l’avant-garde qu’est la Vieille France. C’est à ce niveau qu’il faut faire intervenir le second principe de la contre-révolution : reprendre le projet socialiste de libérer l’humanité des interdits religieux et moraux, de l’aliénation et de la servitude. Cette libération se fera libéralisation. »
« La liberté sexuelle est la plus prodigieuse conquête de marché, la matière première d’une industrialisation et mercantilisation d’une économie invisible. »
« Ce plan Marshall a eu comme récompense la tête des ministres communistes. Et la soumission politique à l’OTAN. Le libéralisme apporte ce cadeau : la liberté sexuelle. Mais au prix de la soumission politique de la jeunesse.
On connaît bien la formule du clientélisme, “du pain et des jeux” que les riches donnent aux pauvres pour avoir la paix. Le libéralisme libertaire la reprend et la modernise : “du pain et du sexe”. Le jeune est la clientèle d’un nouvel échange qui permet la jouissance au prix du renoncement au politique. La révolution libérale est préférée à la révolution sociale. »
« L’initiation mondaine à la civilisation capitaliste fait apparaître le “principe éducatif” du libéralisme libertaire : le dressage par l’animation machinale. “Être cool”, par exemple, sera la répartie mondaine à la raideur boy-scout, au “toujours prêt”, au “tiens-toi bien” de l’éducation. »
« L’expansion du marché qui est au principe du libéralisme libertaire — “Consommez !” — se fait en promouvant les cibles nouvelles que sont le jeune et la femme, avant-gardes des nouvelles couches moyennes [...]. »
« La prostituée est “la marchandise-clé” de l’économie politique parallèle et souterraine. Elle est à l’origine de l’engendrement réciproque du marché et du désir. »
« L’impérialisme américain a pu mondialiser sa stratégie dans la mesure où il a su concilier ces deux données contradictoires mais constitutives de son expansionnisme : la terreur et la séduction, l’oppression et la permissivité. Ainsi il réalise la plus grande conquête de marché et la meilleure gestion de marché. »
« La philosophie politique du système est celle de la suprématie de la société civile sur l’État et sur la famille, les deux instances qui ont vocation de contrôler l’ordre de la consommation et de l’éducation (cf. La Bête sauvage).
Cette société civile s’est d’abord établie contre l’État et la famille. En son hégémonie, ironie suprême, elle règne grâce à l’appareil d’État et la famille. L’appareil d’État garantie les meilleures conditions du marché du désir ! La famille fonde son éducation sur une progressive intégration au système des objets de ce marché (cf. Le Capitalisme de la séduction).
Les valeurs de la société civile sont celles de la consommation libérée, sans entraves et sans contraintes. Elles proclament la suprématie du principe de plaisir sur le principe de réalité. La société civile est le triomphe du libéralisme, du matérialisme bourgeois, du signifiant. Elle est l’oubli de l’histoire, de la tradition. Elle ne veut que la reproduction de ses conditions d’existence.
Cette société civile est le triomphe de la stratégie capitaliste. En douce, en dénonçant le dictatorial, le répressif, l’autorité, elle a pu imposer le système des dictatures molles, celles qui devraient permettre la réalisation de son projet initial : le pourrissement de l’histoire. »
« Les nouveaux moyens d’information et de communication ne doivent pas être considérés comme un système autonome totalement explicable par le seul jeu des règles de son fonctionnement. Cette interprétation, qui est celle de Mac Luhan et de l’idéologie dominante, permet de cacher l’essentiel du phénomène en le réduisant à sa manifestation, au signifiant.
Le système des médias et de l’audio-visuel n’est que le prolongement, mais aussi l’achèvement, des deux dynamiques promotionnelles que sont le management et l’animation. »
« Le marché du désir veut sa maximale expansion par la massification du libéralisme libertaire.
Ce sera Mai 1968 (une partie de Mai 68). Un fabuleux marché était virtuel : industrie du loisir, du plaisir, du divertissement, de la mode etc. mais le consommateur potentiel était encore inhibé par les totems et tabous de la société traditionaliste. La morale interdit de consommer ce que l’on n’a pas produit, alors que le capitalisme bancaire permet de jouir sans avoir ! Il fallait une mutation globale des mœurs mais conquise, autorisée et même légitimée par l’État.
Il fallait Cohn-Bendit et Pompidou, la profonde complicité du libertaire contestataire et du libéral “éclairé” et débonnaire pour liquider “le vieux” [De Gaulle] et rendre possible “la nouvelle société” de Chaban-Delmas reprise et accomplie par Giscard. »
« La dynamique venue de droite est celle de R. Aron, franche du collier. Elle a liquidé la vieille droite bête et méchante, conservatrice et même réactionnaire, qui voulait empêcher le progrès (cette droite, essentiellement des PME venues du CCL, laissées-pour-compte de la monopolisation et de l’étatisation du capitalisme, est devenue un archaïsme — poujadiste — aux résurgences modernistes — Le Pen). Ce libéralisme se dit en termes économiques et politiques. C’est celui du management organisé au sommet : le capitalisme monopoliste d’État, pouvoir de la grande bourgeoisie déjà “libérale” car ayant joué le gaullisme contre le pétainisme. Ce libéralisme économique a mis en place le bloc production de série-consommation de masse, qui est le lieu objectif de la société civile, lieu commun au libéralisme et à la social-démocratie. »
« Le sociologisme parachève le jeu idéologique du libéralisme. D’abord les médias conditionnent. Puis le sociologisme “découvre” scientifiquement, comme expression “spontanée”, la réalité imposée par l’idéologie dominante [...].
Le libéralisme peut ainsi se camoufler derrière le sociologisme. En même temps que l’opinion devient libérale elle est habilitée par la connaissance scientifique. Tout se passe comme si le fait de connaître scientifiquement l’opinion rendait l’opinion scientifique. »
« [...] cette nature libertaire de la société est la finalité du capitalisme. Avec le libertaire, le libéralisme accomplit son concept.
[...] la société civile du marché du désir exige des modèles de consommation libidinale, ludique, marginale d’ordre libertaire. »
« Les nouveaux philosophes ont proposé un rapport d’engendrement réciproque de l’opinion et de la culture par le marketing. »
« [...] alors que la bourgeoisie [...] aurait pu devenir conscience politique et proposer de s’allier à la classe ouvrière, cette bourgeoisie a préféré se convertir en bourgeoisie du libéralisme libertaire. C’est qu’elle accédait ainsi à de prestigieux statuts sociaux, aux postes d’encadrement de cette nouvelle société : management et surtout animation. »
« La doxa n’est que la mise en relation du pouvoir et du sexe, leur témoin à la fois critique et complaisant.
Le mondain est le concept le plus synthétique, qui permet d’appréhender le jeu commun du sexe, du pouvoir, de l’opinion. »
« Le libéralisme a totalement récupéré la Révolution française. »
« Le néo-libéralisme économique et culturel a besoin de l’impérialisme. Il n’existe que dans l’espace géopolitique de cet impérialisme. »
« Le “je” de la psychanalyse n’est donc que la maximale réduction, par le libéralisme, du sujet produit par l’histoire. De même pour les autres composantes gnoséologiques de l’attelage : le sur-moi et le ça.
De la dialectique nature-culture qui a commencé dans la préhistoire et qui à travers la logique de la production (mode de production primitif, esclavagiste, féodal) en est arrivée au mode de production du capitalisme, de tout un processus d’hominisation, il n’est retenu que les pulsions sexuelles comme détermination de la nature ! Il faut le faire. Toute la logique des besoins est écartée, ignorée, et par conséquent toute la dialectique du besoin et du désir qui s’accomplit et s’objective par la dialectique des classes sociales. Le libéralisme est ce moment où le désir peut enfin fonctionner en dehors du besoin. Les pulsions “sauvages” vont se manifester dans un champ culturel constitué par l’histoire. [...]
L’Œdipe a libéré le capitalisme : la société civile triomphe. L’atome social est totalement “libéré” dans la mesure où la psychanalyse permet d’“oublier” le processus de son engendrement. »
Le nouveau bourgeois « est passé du positivisme de la libre entreprise économique au positivisme de la libre entreprise libidinale. C’est la même économie politique qui gère l’avoir et le sexe, le même point de vue utilitaire et pragmatique, platement réaliste ; les freudo-marxistes qui radicalisent le discours libéral et les économistes anglais qui ont théorisé le libéralisme économique développent les mêmes principes de l’économie politique libérale : le meilleur profit de la machine (mécanique ou charnelle). Mais, alors que le positivisme de l’entrepreneur libéral s’inscrivait dans un ensemble productif, celui de l’entreprise libidinale du nouveau bourgeois s’inscrit dans le procès de consommation, selon des modèles culturels qui banalisent cette libido. »
« Une nouvelle “élite intellectuelle” a surgi, en totale rupture avec le discours traditionnel de l’artiste et de l’intellectuel. Elle est issue des deux grandes fonctions régulatrices de l’ordre libéral : le management et l’animation. »
« [...] la femme ; les couches moyennes ; l’intellectuel médiatique et l’artiste ; le manager et l’animateur. Ce sont les acteurs de la stratégie de séduction du libéralisme, les prescripteurs de la société civile, les diffuseurs des modèles culturels de l’émancipation et de la libéralisation. »
« Il faut passer de la famille close, monadique, famille nucléaire de l’ordre positiviste, à la famille éclatée, divisée, totalement livrée à l’économie du marché du désir. Il faut faire du surplus, lieu subjectif du manque, de la frustration, le moyen objectif de régulation sociale. »
« La critique du bourgeois est devenue la nouvelle manière d’être bourgeois [...]. »
« Le concurrentiel de la libre entreprise est sous-jacent à la concurrence amoureuse. Entre l’homme et la femme, c’est l’implacable loi de l’offre et de la demande. »
« [...] le romanesque est l’émanation spécifique de la bourgeoisie. [...]
Le romanesque — la plus belle invention de la bourgeoisie après le capitalisme ? [...]
Le romanesque est immanent à la classe bourgeoise. »
« Le romantisme est exclu et s’exclut de toute politique. En ce sens, il peut paraître comme réactionnaire.
Mais, à la différence du vrai réactionnaire, il n’y a pas, chez le romantique, passage à l’acte, travail de restauration. L’homme politique romantique n’existe pas. »
« On passe de l’affrontement des idées à celui des personnes.
Le débat d’idées devient affaire de mœurs. La problématiques de la nature devient celle du sexe. L’accomplissement naturel — sexuel — est empêché, interdit ? Il faut donc transgresser. Le plaisir est autant dans cette transgression — des idées, de l’ordre établi — que dans la jouissance des créature. »
« La division du travail, depuis longtemps a rendu la science et même la recherche fondamentale constitutives de la production. L’innovation et le progrès dépendent essentiellement de l’intervention de ces forces productives directes. »
« Les médias seraient “l’âme” de ces réseaux d’échange, de communication, d’information. La technocratie serait imposée à la vie publique, pour la vider de tout contenu, de toute responsabilité économique et morale. La nouvelle citoyenneté serait celle du consommateur intégral. »
« L’État-nation, pris en tenailles entre l’Europe de la CEE et la régionalisation (ou même l’autonomie et l’indépendance des régions) ne serait plus qu’un super-service de gestion, une sorte de Conseil d’Administration qui coifferait l’ensemble des multinationales. Il perdrait même toute fonction politique : une “fin de l’État” qui serait le triomphe de l’utopie libérale, de la social-démocratie libertaire. Cette “fin de l’État” serait la gestion de la classe unique. »
« [...] l’appareil d’État [s’est] substitué à l’État pour mieux servir les multinationales. [La société civile est] un corps organique qui s’est substitué au corps organique de l’État-nation, mais qui fonctionne dans l’encadrement formel de cet État-nation. »
« Avec le marché du désir, la jouissance devient une marchandise : toute la problématique morale traditionnelle est balayée par la nouvelle économie politique. Le désir est innocenté. Le nouveau genre de vie va témoigner d’un amoralisme radical. »
« Le discours freudien aura fabriqué l’espace anthropologique nécessaire à l’achèvement de l’économie de marché. Le projet initial du libéralisme s’accomplit par la libido. »
« Il fallait une révolution. Il fallait Mai 68 pour débloquer la situation et légaliser, institutionnaliser le marché du désir. »
« La société civile est une nation sans État qui est devenue un marché. »
« Le terrain est libre : la nouvelle forme marchande peut s’élancer à la conquête de la société globale ; la nation va devenir son marché. Elle va faire du citoyen un client, “un consommateur”. Plus d’interdits, un marché du désir en constante expansion [...]. La Bête sauvage va enfler, enfler... »
« Le cinéma est l’art du capitalisme. [...]
Le cinéma est un moment décisif dans l’histoire de l’esthétique... et des modes de production. Entre le potentiel de l’imaginaire et la réalisation cinématographique, le rêve et la réalité, le désir et son objet, le projet subjectif et la marchandise culturelle, il n’y a plus de distance mais rapport d’expression immédiat. On ne peut plus rêver, comme le roman a pu le permettre. Celui-ci a été l’art de l’interprétation, des possibles..., de l’ineffable. Il a inventé... le romanesque : la quête d’une mise en contenu propre à la liberté de chacun. [...]
La lecture du roman est un acte, du sujet-lecteur. Le sujet-spectateur est totalement passif. Le travail de l’imaginaire n’a plus à être fait. Il est consommé. [...]
Le cinéma est la production du modèle culturel qui met en relation d’engendrement réciproque l’imaginaire et la marchandise (celle qui est spécifique du nouveau marché, le marché du désir). Il tient les deux bouts : le rêve et la réalité, l’esthétique et le marché, l’utile et l’agréable. Il permet aussi d’interdire l’autre, l’ailleurs, l’authentique imaginaire, tout ce qui n’est pas la culture de la technologie cinématographique. Il fait oublier le rêve, du passé, et il interdit tout autre désir, de l’avenir. Ainsi procède l’idéologie monopoliste : elle créé un temps, un vécu, sans mémoire et sans avenir. »
« Les GI’s ont été des conquérants-libérateurs. Ils ont triomphé du nazisme — le débarquement — et importé les premiers produits du rêve américain. L’impérialisme économique est aussi la paix... américaine. [...]
Par le potlatch du plan Marshall, le capitalisme américain a conquis une suzeraineté politique sur les nations européennes, et un marché. »
« Le passage du désir au marché peut très facilement se faire, car les deux sont dans la continuité, l’homogénéité du profit. La consommation transgressive est une forme désirante déjà constituée par l’économie du profit. »
« Mais le grand capital ne fait pas les réinvestissements productifs pourtant autorisés par les surprofits de l’ascendance. D’une part, il va se spécialiser dans des industries d’avant-garde, qui autorisent les exportations, les nouveaux marchés, la rentrée des devises. D’autres part, il va exporter ses capitaux, investir ailleurs, produire non français, abandonner le sol national. »
« La fin de la philosophie d’Aristote (qui avait proposé l’Un de l’unité grecque) est le moment où cette problématique apparaît. Deux héritiers : le stoïcisme et l’épicurisme, proposent des éléments anthropologiques. Quels sont les besoins nécessaires et suffisants ? Mais la solution débouche sur une aporie : soit la jouissance, soit la privation, soit l’extinction des besoins, soit leur développement. »
« Plus de lieu naturel, mais la banlieue anonyme. Tout un acquis de civilisation — le chez soi même du plus pauvre, l’harmonie de la vie privée et de la vie domestique dans une nature humanisée par le travail de l’homme, le pas de porte, ouvert sur la vie communautaire et sur cette nature humanisée (ce que Holderling appelle “le nationel”, qui est le lieu commun de l’éternelle poésie et de la culture populaire) — a été anéanti peut-être à jamais. »
« Pour mettre en place la société civile il faut détruire la culture de la France traditionnelle, France “profonde”, France “réelle”. »
« [...] l’État doit organiser la libéralisation des mœurs qui permettra la meilleure circulation de la nouvelle marchandise. L’État a besoin d’une société civile qui dénonce... l’État. Aussi, le dogmatisme, le gauchisme, les nouveaux philosophes sont les fourriers de la société civile voulue par l’appareil d’État soumis aux multinationales. »
« [...] le capitalisme a produit la société civile, ce que Hegel appelait “la Bête Sauvage” : une société qui n’est plus qu’un marché [...]. »
« Hollywood, c’est la publicité du capitalisme. »
— Michel Clouscard, « Apostrophes », Antenne 2, 26 mars 1982
« Pas de mariage et pas d’enfant : l’aventure, la liaison et l’avortement, constant mot d’ordre de la phallocratie bourgeoise. »
« [...] la femme a tout à gagner des lois sociales et le phallocrate a tout à gagner du féminisme. L’émancipation mondaine de la femme non seulement s’accompagne d’une plus grande garantie d’usage pour le phallo mais encore élargit extraordinairement son champ de consommation. »
« Le féminisme est cette idéologie qui consacre une nouvelle et terrible ségrégation dans le sexe féminin. Ségrégation de classe qui organise deux destins de femme.
Celles qui parviennent, arrivent. Qui s’intègrent à la dynamique du système. Celles qui ont droit aux essais et erreurs. Aux expériences non seulement permises mais recommandées. Et qui, en définitive, réussissent ou réussiront leurs mariages, leurs enfants, leurs carrières. Et celles pour qui l’avortement, le divorce, le travail-chômage sont de terribles drames, des traumatismes irrécupérables, des épreuves insurmontables. [...]
Le système a su gérer magistralement cet échec. Grâce à ses lois “sociales” qui empêchent ces femmes de s’insurger. Il a su récupérer le négatif par une bonne gestion de l’échec : un bon avortement, un bon divorce, un bon chômage. Toute une population féminine est assurée de “réussir” ses échecs. Au prix d’une insatisfaction profonde. »
« Le féminisme n’a aucun fondement théorique. [...]
Certes, le féminisme relève d’un bon sentiment. À l’origine, c’est la saine et même sainte colère de la femme outragée. C’est vouloir reconquérir une dignité bafouée. Dignité de la femme scandalisée d’être réduite à la seule valeur d’usage. [...]
Mais ces bons sentiments sont aussitôt récupérés par l’idéologie, par le féminisme. Ce ne sera pas la faute du néo-capitalisme. Ce ne sera pas la social-démocratie libertaire qui sera responsable. Mais l’homme. Pas tel groupe d’hommes. Mais l’homme en général. L’homme en tant qu’essence. Et c’est en défaisant l’homme que la nouvelle femme se fera. »
« La lutte des sexes n’a de sens que par la lutte des classes. »
« La seule mesure de l’égalité politique entre l’homme et la femme, c’est l’égalité devant le travail. C’est l’égalité proposée par le socialisme (celui qui lutte contre la social-démocratie). C’est la seule manière d’en finir à la fois avec l’Ève éternelle et l’Homme éternel. Alors plus de phallocrates ni de féministes. Mais un rôle commun, dans le procès de production et de consommation. [...]
L’émancipation ne peut être que l’émancipation du sexe par le sexe. Alors la contradiction fondamentale du féminisme — l’égalité des sexes par le sexisme — s’avère la coquetterie de la femme moderne. »
« Ce n’est pas la société capitaliste qui a récupéré la libido. Mais la société capitaliste qui a “inventé” la libido. [...]
L’idéologie social-démocrate, à partir du plan Marshall, est devenue l’idéologie de l’émancipation libidinale, ludique, marginale. Le fonctionnel — acquis par le travail des autres — devient ludique en même temps que la France se soumet au modèle américain. »
« Autre archétype du rêve libertaire de la social-démocratie : sur les barricades, en jeans, baskets, treillis, cheveux longs ruisselants, estampe estompée par la fumée des grenades (défensives), flou artistique, le sable sous le pavé, le pavé à la main, l’étudiant brave les CRS. »
« Le néo-capitalisme a privatisé à outrance : la différence. Pour produire ce modèle standard : l’individu de la social-démocratie libertaire. Un genre unique. Celui de tout individu. »
« Les civilisations de l’Occident s’étaient transmises ce message. À partir des conflits mythiques de l’Olympe que la civilisation grecque avait proposés pour instaurer et maintenir la hiérarchie de ses valeurs. Mythes repris par le Moyen Âge chrétien : les allégories de la civilisation chevaleresque. L’éthique devenue esthétique. Le mythe féodal s’était prolongé dans le romanesque de la bourgeoisie : l’amour ascèse, le long et douloureux travail de la reconnaissance des âmes dans le monde. Enfin ces catégories — éternelles — s’étaient axiomatisées en un scientisme petit-bourgeois : le Je, le Ça, le Sur-moi. Ultime stade d’une entropie. Tels sont les quatre moments du parcours gréco-judéo-chrétien : quatre moments de la culture de l’âme et du cœur face aux séductions du monde. »
« En ces lieux, chacun se prostitue au succès. L’argent aussi. D’abord l’argent : le producteur est à la remorque du réinvestissement. Il fait la cour au succès qu’il ne faut pas manquer sous peine de faillite. Vedette et producteur se font mutuellement la cour. Quant à Jeunesse et Beauté, elles ne savent plus à qui se prostituer. À la vedette, au producteur, au metteur en scène, au journaliste, à l’animateur ? Il n’y aura de Beauté que reconnue, statutaire, codifiée par tous ces entremetteurs du succès. Peut-il y avoir une Beauté si elle n’est pas mise sur la scène du monde, si elle n’accède pas au pouvoir mondain, si elle n’a pas le rôle de la Beauté : mannequin, artiste de cinéma, cover-girl, etc. ? Que de Cendrillons attendent que leur beauté soit reconnue par ces princes charmants. »
« Cette “civilisation” ne peut revendiquer aucune tradition, aucune référence historique. Elle est radicalement autre. Elle ne peut être justifiée ni par le paganisme ni par le Sauvage. »
« Ce corps a acquis une autonomie quasi totale. »
« Il faut souligner que l’idéologie freudo-marxiste — essentielle composante de l’idéologie social-démocrate — a connu sa croissance et son expansion dans la période d’ascendance du capitalisme monopoliste d’État. Pour culminer et connaître son apothéose en Mai 68 (estudiantin). C’est l’idéologie de la consommation libidinale, ludique, marginale autorisée par la totale expansion de la société civile. »
« Le hippie se situe, lui aussi, dans cette mouvance. Comme un charognard, il s’installe dans la misère rurale. De la désertification, il fait un décor bucolique. De la restauration archaïque et artisanale — au noir — une source de revenus. »
« [...] le libéralisme économique est étatique et l’appareil d’État est social-démocrate. Le capitalisme a viré à gauche — au niveau politico-culturel — et a viré à droite — au niveau économico-social. »
« [...] ce qui se dit contestation n’est qu’initiation mondaine, niveau supérieur de l’intégration au système, à la société permissive. »
« C’est le rythme du capitalisme : le rock. Le rythme sans le swing est l’essence temporelle de ce capitalisme. Il est l’expression corporelle de “l’aliénation de l’homme”. La marque du rythme répétitif, saccadé, fébrile, de la machine. La répétition égoïste et sécurisante du Même. La volonté de consommer sans rien produire. Et refus de l’échange, du partage. »
« Ce prétendu swing devient du coup le modèle de la contestation, de la subversion de la société industrielle et capitaliste. C’est une substance : un lieu, une race, une essence naturelle. Le Noir swingue et témoigne ainsi d’une pureté ontologique que le Blanc, par son histoire, a reniée, effacée de son corps, pour se soumettre au gestuel policé de la civilisation.
Grâce au rock, le Blanc pourrait retrouver cette innocence d’avant la civilisation (l’antéprédicatif). Ces idéologues diront que le rock libère le corps de son carcan religieux et moral, du maintien gauche occidental. Alors le corps n’est plus guindé, honteux de lui-même. Il s’exprime. Le corps modelé par la religion, culpabilisé, corps du péché, peut se défouler, se libérer des tabous. »
« Le drogué est l’essence même de la société de consommation. [...] La drogue est le fétiche par excellence. [...]
Alors qu’elle se croit marginale, la symbolique contestataire de la drogue non seulement s’intègre au système mais en est le ciment. [...] De modèle sélectif, la drogue est devenue une pratique sociale, de masse.
Le drogué contestataire fait lui-même la publicité et la promotion du système. »
« Entre les drogues du drogué contestataire et celles de la thérapeutique “normale” il n’y a pas de différence de nature. Mais de dose. De degré dans l’accoutumance. C’est la même maladie, le même syndrome, la même thérapeutique. La drogue cause la maladie, puis la drogue “soigne” l’effet de la maladie ! [...] Extraordinaire paradoxe, certes : la drogue, de marginalité subversive devient norme et prescription médicale. »
« L’urbanisme sauvage, la cité-dortoir sont le résultat d’un formidable déplacement de population. Avec, comme corollaire, la désertification des campagnes.
Aussi, les temporalités traditionnelles — celles qui autorisaient le rythme villageois de la société préindustrielle et qui s’étaient maintenues même sous le capitalisme concurrentiel libéral — ont été totalement liquidées. Naguère, le temps de travail et le temps de non-travail s’organisaient autour de la cellule familiale. [...]
Pour substituer au rythme rural le productivisme généralisé, l’exploitation capitaliste a désintégré la cellule familiale. C’est le lieu de l’emploi et non plus le lieu d’origine qui fixe la famille, maintenant. Une extraordinaire diaspora des régions recouvre l’hexagone. »
« L’idéologie de la consommation fait de la sexualité une consommation parmi d’autres. »
« L’humanisme écologisant sera le véhicule de la bonne volonté (celle qui pave l’enfer), de l’idéologie. Il permet de développer un discours bienveillant, cordial, généreux même. Cet aspect humain s’épanouit d’abord dans le paternalisme. »
« La culture de l’incivisme doit aménager un savant mélange de bons sentiments et de contestation subversive. »
« Le corps comme silhouette à désirer, pur fantasme phallocratique, invention hollywoodienne, produit d’importation américain, le corps-image, le corps de série — mais corps sophistiqué — la vulgarisation de cette sophistication, seront proclamés le corps libéré ! »
« Pour ce nouveau banquet, une nouvelle tenue de sortie l’imposait. Le narcissisme de classe change de toilette. Les habits du dimanche deviennent démodés lorsque le dimanche s’étale sur la semaine. [...]
Le blue-jean permet de franchir d’un bond barrières et niveaux de l’étiquette bourgeoise, pour revêtir le corps idéal, celui qu’Hollywood a mis si longtemps à forger dans son usine à rêver. Les jeans permettent de passer de la robe modèle au corps modèle. »
« [...] le ludique du néo-capitalisme dénonce le sérieux — de la société traditionnelle. Et pour ce faire il dispose de cet alibi : ce sérieux est — aussi — celui de la bourgeoisie du capitalisme concurrentiel libéral. La promotion du ludique sera alors la dénonciation de l’oppression bourgeoise ! »
« Le plan Marshall est bien l’acte étymologique de notre modernité. Son rôle est fondamental. Dans l’immédiat après-guerre, il a greffé une économie d’abondance sur une économie de la rareté, de la misère même. Et il a greffé le module américain culturel dans une société traditionnelle, rurale. Cette acculturation radicale a autorisé ainsi un phénomène radicalement nouveau ; l’immanence de l’économique et du culturel. Alors que dans la société traditionnelle, les deux termes se disposent selon la plus grande distance possible et conservent une autonomie relative certaine, la modernité sera l’immanence de leurs rapports d’expression. Le culturel sera l’expression des besoins idéologiques du marché. C’est la définition de la société civile, que Hegel avait prévue et dénoncée. »
« L’enfant est alors d’une totale disponibilité. A la consommation. Voyez sa manipulation de l’objet-marchandise. Il fait preuve d’une dextérité, d’une désinvolture qui stupéfient le cercle de famille. Il témoigne d’une agilité d’usage, d’une facilité insolentes.
Toute une culture — celle de la technologie de la société industrielle avancée — s’est consacrée, au prix d’un immense travail au développement du confort. Et sa caractéristique est d’avoir pu atteindre une extraordinaire facilité de son usage : il suffit d’appuyer sur un bouton. Le principe de la pédagogie d’intégration au système capitaliste est alors cet usage magique — par l’enfant — du fonctionnel. [...]
Le capitalisme veut que nous restions jeunes et que nous soyons comme des enfants ! Le travail des uns sera l’éternelle adolescence des autres. »
« [...] c’est un phénomène nouveau, énorme, capital —, l’intellectuel de gauche vient d’accéder à la consommation mondaine. Et il en est même le principal usager.
Pire, encore, il est devenu le maître à penser du monde. Il propose les modèles culturels du mondain. Non seulement il a accédé à la consommation mondaine, mais il en est l’un des patrons. Il a la toute-puissance de prescrire et de codifier l’ordre du désir. »
« Les regroupements, je le rappelle, ne se font pas vers les extrêmes mais au contraire vers le centre. Vers une social-démocratie libertaire qui réalise cette unification au-delà des clivages politiques consacrés. L’aile droite recouvre le néo-libéralisme venu de la dynamique ascendante du CME (la “nouvelle société” de Chaban-Delmas, reprise en partie par Giscard d’Estaing). L’aide gauche recouvre une forte partie de l’actuelle clientèle électorale du parti socialiste. Une puissante dynamique d’homogénéisation vers le centre (droit ou gauche, selon l’alternance, selon la liberté social-démocrate), tend à déborder les encadrements politiques. Tout en conservant les particularismes politiques qui garantissent les intérêts corporatifs. »
« On opposera l’état et la liberté. Mais la liberté du libéralisme, celle de la société civile. Et en confondant état et appareil d’état. Sans soupçonner le pouvoir des multi-nationales. On peut alors se poser comme vrai révolutionnaires ! Les nouveaux philosophes dénoncent, partout, la perversion fondamentale du pouvoir. L’État est le principe du mal. Ils font de ce qui n’est qu’un effet la cause même. Ainsi ils peuvent réduire l’action révolutionnaire à la révolte. »
« La condamnation de la “techno-structure”, le confusionnisme de l’idéologie de l’environnement, le catastrophisme (qui n’en est pas à une virgule près) du Club de Rome, amalgament oppression du pouvoir et progrès technologique (cet amalgame s’exprime au mieux par la science-fiction). De là, le succès de la contestation écologique. »
« [...] une moderne Barbarie, celle du désordre radical de la société civile, permettrait à l’impérialisme économique — celui des multinationales — camouflé sous le modèle de consommation libertaire, d’écarter le contrôle des états nationaux et l’opposition politique organisée, institutionnelle. »
« Le modèle de la consommation est même devenu le modèle contestataire !
C’est que l’universalisation du modèle de consommation libertaire doit transcender les classes sociales. [...] En multipliant les intérêts corporatifs de la marginalité, du sexe, de la classe d’âge. En réalisant la plus grande atomisation du corps social. La contestation doit dresser la femme contre l’homme, le jeune contre l’adulte. Chacun contre tous. En multipliant les marginalisations, les anomies, les déviances. Pour que le conflit soit constant, intime. En organisant la guerre civile de la société civile. »
« Le jeune, la femme, l’étudiant, l’intellectuel, l’artiste sont les lieux de diffusion de la prescription idéologique en son “essence”. Les droits à la consommation libertaire — consommation libidinale, ludique, marginale — se sont organisés en une idéologie globale. [...] Ce corporatisme de libertaires constitue l’idéologie du désir. Et toute une caste d’intellectuels et d’artistes à gages s’est mise au service de cette idéologie. S’est constitué ainsi un immense service de publicité sous label culturel. Publicité de l’idéologie, immense réseau qui recouvre presque tout le champ culture. »
« Jeunes et femmes sont le lieu de production et de véhiculation des nouveaux modèles culturels. C’est que ces zones vierges de l’économie de marché étaient totalement disponibles. Aussi l’idéologie a pu s’investir en un secteur extraordinairement réceptif. Très vite et entièrement.
Le conditionnement socio-culturel explique la spécificité de ces nouveaux modèles. Ce sont ceux de la consommation libidinale, ludique, marginale. Exclusivement. Car le jeune, la femme, l’étudiant sont les éléments de la société civile qui sont les plus éloignés du procès de production. (Comparativement à l’homme et à l’adulte.) »
« En mai 1968, un psychodrame s’est joué au sommet de l’État. Il révéla, à l’évidence, les enjeux de l’histoire, incarnée selon trois rôles mythiques : le père sévère (de Gaulle), l’enfant terrible (Cohn-Bendit), le libéral débonnaire (Pompidou). C’est l’affrontement des trois situations de la bourgeoisie, des trois systèmes idéologiques possibles. En scène : la vieille France vertueuse issue de la victoire sur le fascisme et, d’autre part, la nouvelle France qui se cherchait et qui s’est accomplie dans la synthèse d’un libéralisme ô combien répressif dans l’acte de produire et ô combien permissif dans l’acte de consommer. Il a donc fallu l’alliance sournoise du libéral et du libertaire pour liquider le vieux, qui a dû s’en aller. Après ce meurtre rituel du père, a été accordée, au sommet, par l’État, la permission du permissif qui a donné accès au marché du désir. »
« Aucune pitié, aucun sentiment n’est à attendre de l’implacable machine à jouir qu’est le néo-capitalisme. »
« La stratégie de la totale libéralisation du désir consisterait à radicaliser et systématiser la consommation de l’émancipation transgressive pour atteindre la croissance maximale, implanter le désordre immoral, dissoudre les institutions de la Nation, pour que le fonctionnement des multinationales devienne à la fois infrastructure et superstructure, seule instance productrice de la marchandise et du style de sa consommation, pour qu’enfin esthétique, marchandise, éthique soient une seule et même chose et règnent sur des individus massivement schizophrénisés, livrés aux dispersions transcendantales et aux participations panthéistes, par le plus fantastique déploiement de médias, de jeux, de drogues et de fêtes. »
« L’ensemble capitaliste pourrait être considéré selon ces trois moments : le libéralisme traditionnel, le national-socialisme, le néo-libéralisme (société de consommation). Le libéralisme classique apporte la croissance, mais la crise remet en question le principe même de ce libéralisme. Le national-socialisme sauve le capitalisme mais au prix d’un blocage nationaliste de la croissance. »
« Le freudo-marxisme est d’abord le prétexte à une stratégie de diversion puis s’accomplit en philosophie de la contre-révolution ; s’il est le commencement et le camouflage du réformisme il se révèle en sa perfection comme stratégie du néo-capitalisme. »
« La psychanalyse est encore une aliénation, car philosophie de l’émancipation : et non révolutionnaire. Elle est le contrepoint du marxisme. Alors que Marx donnait la démarche révolutionnaire, du producteur (prolétariat), Freud proposait la démarche régulatrice de la nouvelle consommation, pour la classe dirigeante, la nouvelle bourgeoisie, et petite bourgeoise. [...]
Le freudisme est idéologie de contestation : contre la prohibition et la répression du père (c’est-à-dire de la propriété foncière, d’une maîtrise séculaire de l’avoir et de la culture) [...]. »
Bibliographie