Différences entre les versions de « Pierre Drieu la Rochelle »
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− | « Trois mille types à la place de la Concorde, trois mille types à la Gare de l’Est. Et autour d’eux la foule inquiète et amoureuse. Les uns se disent patriotes, les autres communistes. Sans doute n’est-ce pas la même chose. Mais pourtant ces hommes étaient pareils par le point qui me prenait en eux. C’étaient des hommes qui d’un même geste spontané et généreux offraient leur sang et prenaient celui d’autrui. L’un ne va pas sans l’autre et il s’agit de prouver l’amour... Communistes, patriotes : ce n’est pas la même chose... Ils étaient pourtant bien près les uns des autres. | + | « Trois mille types à la place de la Concorde, trois mille types à la Gare de l’Est. Et autour d’eux la foule inquiète et amoureuse. Les uns se disent patriotes, les autres communistes. Sans doute n’est-ce pas la même chose. Mais pourtant ces hommes étaient pareils par le point qui me prenait en eux. C’étaient des hommes qui d’un même geste spontané et généreux offraient leur sang et prenaient celui d’autrui. L’un ne va pas sans l’autre et il s’agit de prouver l’amour... Communistes, patriotes : ce n’est pas la même chose... Ils étaient pourtant bien près les uns des autres. À un moment, vers 10 heures, le mardi, dans la rue Royale, dans la foule qui se ruait vers la place de la Concorde pour subir la grande pétarade de 11 heures, on chantait pêle-mêle ''La Marseillaise'' et ''L’Internationale''. J’aurais voulu que ce moment durât toujours. » |
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« Destruction, destruction. Ce mot était dans sa bouche comme le caillou dans celle de l’homme qui meurt de soif. Il ne fallait pas avoir peur ; la planète était déjà comble de ruines et d’ossements ; un tas de plus ou de moins. Voici qu’après le monde méditerranéen dont il foulait la poussière, le monde de l’Occident avait fait son temps : l’Europe par terre, ailleurs on planterait sa tente. Il songeait avec un tendre mépris à ses chefs russes, à leur hâte de rebâtir avec les morceaux épars la maison à demi renversée. Lui, il croyait que la mort ne pardonne pas, qu’on ne peut pas marchander avec elle. L’Europe était condamnée de l’Oural à Deauville, mais il restait assez de force à l’Est pour renverser l’Ouest. Après on verrait. » | « Destruction, destruction. Ce mot était dans sa bouche comme le caillou dans celle de l’homme qui meurt de soif. Il ne fallait pas avoir peur ; la planète était déjà comble de ruines et d’ossements ; un tas de plus ou de moins. Voici qu’après le monde méditerranéen dont il foulait la poussière, le monde de l’Occident avait fait son temps : l’Europe par terre, ailleurs on planterait sa tente. Il songeait avec un tendre mépris à ses chefs russes, à leur hâte de rebâtir avec les morceaux épars la maison à demi renversée. Lui, il croyait que la mort ne pardonne pas, qu’on ne peut pas marchander avec elle. L’Europe était condamnée de l’Oural à Deauville, mais il restait assez de force à l’Est pour renverser l’Ouest. Après on verrait. » |
Version du 28 avril 2023 à 19:40
Citations
« La religion du progrès consiste à croire que l’homme gagne toujours sans perdre jamais, ou tout au moins que ce qu’il perd n’a aucune importance. »
« Les Russes sont des Européens, mais des Européens qui habitent un autre continent — comme les Américains. »
— Pierre Drieu la Rochelle, Journal, 20 décembre 1944
« Ce qui est profondément nécessaire dans le socialisme intégral, le communisme, c’est le retour de l’humanité au totalitarisme total. Tant pis, si cette théocratie a la tête en bas. Si elle retombe sur ses pieds, l’humanité repartira après un long sommeil pour une nouvelle civilisation ; c’est sa seule chance de continuer à être une force créatrice. Sinon, elle s’endormira pour un plus long sommeil encore. L’humanité a besoin de dormir visiblement. Elle a été trop longtemps éveillée : dix siècles, c’est beaucoup. Mais disant l’humanité, je veux dire, par préjugé, l’Europe. Or, d’autres peuples dormaient depuis longtemps : c’est eux qui prendront en main le communisme. Mais ils se sont inoculé la pourriture de l’Europe ? »
— Pierre Drieu la Rochelle, Journal, 6 décembre 1944
« [...] j’aime mieux être européen que vassal de qui que ce soit. »
— Pierre Drieu la Rochelle, La Gerbe, 21 août 1941
« L’homme déçu réfléchit et reconnaît que la liberté n’est pas dans ce qui est séparé et isolé, mais dans ce qui est uni et lié. Faute d’Église rénovée, il cherche son secours dans une nouvelle communauté. Nationalisme et socialisme se mettent à travailler dans le sens opposé au libéralisme et à la sommaire démocratie politique. »
« La Révolution qui se produit en Europe est totale parce que c’est la révolution du corps, la restauration des valeurs issues du corps, liées au corps et que, par là-même, c’est la révolution de l’âme qui de nouveau découvre, détaille ses valeurs à travers les valeurs du corps. »
« Le totalitarisme offre les chances d’une double restauration corporelle et spirituelle à l’homme du XXe siècle [...]. »
« À partir du moment où l’homme ne risque plus la mort, il ne peut plus croire dans les dieux, car ils représentent le sentiment de la vie affrontant la mort et la surmontant. L’homme en perdant le sens de la gloire perd le sens de l’immortalité et en perdant le sens de l’immortalité il perd celui de la divinité. »
« Quand la société s’éloigne de la guerre, toute passion et singulièrement tout amour meurt bientôt. Qu’est-ce qu’un amant qui ne peut plus tuer son rival et que son rival ne peut pas tuer ? Qu’est-ce qu’un homme qui n’est pas plus fort que la femme, qui n’est pas promis à des épreuves plus fortes ? Comment une femme peut-elle supporter encore l’enfantement si son mari ne supporte pas le combat ? »
« La machine remplace l’outil. L’agriculture devient en partie une industrie détachée de la nature, imposée à la nature comme les autres industries. Dès lors, étant perdu, comment le paysan pourrait-il encore sauver l’homme de la ville ?
— Du même mouvement que l’homme des villes cesse d’être paysan, il cesse d’être guerrier. C’est encore pour lui une façon de perdre le sens de toute œuvre, de toute pensée. Le travail du guerrier, c’est une autre façon pour l’homme d’éprouver corps et âme, de les maintenir dans un juste rapport, c’est le suprême travail manuel et moral. Et c’est la suprême expression de la nature, sans cesse entre la vie et la mort. »
« Aujourd’hui à quoi servent les mains ? Mains, pauvres mains, qui pendent mortes à nos côtés. Comment voulez-vous que naissent encore des peintres, alors que les mains sont mortes ? Ni non plus des musiciens. Ni même des écrivains. Car le style naît pour ceux-ci comme pour tous les autres de la mémoire de tout le corps. »
« Un homme naît peintre ou musicien. Ce sont les gestes de ses ancêtres qui ont préparé ses gestes. Un homme naît peintre, il ne le devient pas. Les époques surcivilisées sont encombrées de fausses vocations qui sont des vues de l’esprit, des velléités imitatives, parce qu’elles ne sont pas des nécessités imposées par l’hérédité. C’est en vain que de nos jours, un jeune homme s’éveille parmi les trésors des musées ou des concerts et des bibliothèques ; s’il a reçu de ses parents des sens engourdis depuis longtemps, son ambition n’obtiendra que des bafouillements. »
« L’Europe tient au Moyen Âge comme l’être mûr tient à la jeunesse. Tout ce qu’elle a de dru lui vient de là. Elle doit renouer des liens avec ce qui de cette verge première est irremplaçable. Ce Moyen Âge n’a pas ignoré le corps. Ce sont les siècles rationalistes qui l’ont suivi qui ont oublié le corps et qui ont assuré sa destruction, fatale à l’esprit. »
« C’est le mythe du Progrès qui est en question. Mythe étroit, mythe boiteux. L’homme, au cours de votre Progrès, n’a-t-il pas perdu la moitié de lui-même ? Ce qu’il a gagné, n’est-il pas largement compensé par ce qu’il a perdu ? »
« Les Américains, devant César, avoueront ce qu’ils sont : un résidu de bagnards évadés, de transfuges de tout, de planqués – un monde passé directement de la barbarie à la décadence, comme tous les empires des confins de la civilisation. Il y a tout de même plus de civilisation dans le séminariste Staline que dans ce sur-Chamberlain mercantile qu’est Roosevelt. »
— Pierre Drieu la Rochelle, Journal, 14 mars 1940
« Il faut rester là et crier la vérité, jusqu’à ce qu’on vous assomme. Il ne faut jamais s’en aller. »
« L’homme moderne est un affreux décadent. Il ne peut plus faire la guerre, mais il y a bien d’autres choses qu’il ne peut plus faire. Cependant, avec son infatuation, son arrogance d’ignorant, il condamne ce qu’il ne peut plus faire, ce qu’il ne peut plus supporter. C’est comme l’art. Il est devenu scientifique parce qu’il ne pouvait plus être artiste. »
« Il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIe siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils s’étaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et ils avaient sacrifié.
Maintenant, cela finissait. Ici, et en Europe. »
« Le monde d’extrême-gauche est incapable de renverser le capitalisme, comme le monde d’extrême droite est incapable de renverser la démocratie — parce que les deux mondes moyens de gauche et de droite se tiennent. »
« Et cette guerre est mauvaise, qui a vaincu les hommes. Cette guerre moderne, cette guerre de fer et non de muscles. Cette guerre de science et non d’art. Cette guerre d’industrie et de commerce. [...] Cette guerre de généraux et non de chefs. [...] Cette guerre faite par tout le monde, sauf par ceux qui la faisaient. Cette guerre de civilisation avancée. [...] Il faut que l’homme apprenne à maîtriser la machine, qui l’a outrepassé dans cette guerre – et maintenant l’outrepasse dans la paix. »
« Trois mille types à la place de la Concorde, trois mille types à la Gare de l’Est. Et autour d’eux la foule inquiète et amoureuse. Les uns se disent patriotes, les autres communistes. Sans doute n’est-ce pas la même chose. Mais pourtant ces hommes étaient pareils par le point qui me prenait en eux. C’étaient des hommes qui d’un même geste spontané et généreux offraient leur sang et prenaient celui d’autrui. L’un ne va pas sans l’autre et il s’agit de prouver l’amour... Communistes, patriotes : ce n’est pas la même chose... Ils étaient pourtant bien près les uns des autres. À un moment, vers 10 heures, le mardi, dans la rue Royale, dans la foule qui se ruait vers la place de la Concorde pour subir la grande pétarade de 11 heures, on chantait pêle-mêle La Marseillaise et L’Internationale. J’aurais voulu que ce moment durât toujours. »
« Destruction, destruction. Ce mot était dans sa bouche comme le caillou dans celle de l’homme qui meurt de soif. Il ne fallait pas avoir peur ; la planète était déjà comble de ruines et d’ossements ; un tas de plus ou de moins. Voici qu’après le monde méditerranéen dont il foulait la poussière, le monde de l’Occident avait fait son temps : l’Europe par terre, ailleurs on planterait sa tente. Il songeait avec un tendre mépris à ses chefs russes, à leur hâte de rebâtir avec les morceaux épars la maison à demi renversée. Lui, il croyait que la mort ne pardonne pas, qu’on ne peut pas marchander avec elle. L’Europe était condamnée de l’Oural à Deauville, mais il restait assez de force à l’Est pour renverser l’Ouest. Après on verrait. »
« Je me fous de l’égalité, mais je veux détruire l’argent, cette dernière hiérarchie qui est imbécile et qui remplace les autres, crevées. »
« Il est plus facile de faire une révolution dans la rue que dans les cœurs. »
« [...] l’avenir ne nous promet plus qu’un métissage confus. »
« Il ne reste plus à nos yeux, aujourd'hui, de toutes les civilisations d’Amérique, d’Asie, d’Europe, qu’une seule civilisation planétaire, tout usée. »
« Le communisme en Russie, parce qu’il n’a point rétrogradé à la horde, rejoint l’américanisme, un idéal de production de fer-blanc. »
« L’homme n’a de génie qu’à vingt ans et s’il a faim. Mais l’abondance de l’épicerie tue les passions. »
« Cette civilisation est-elle morte ou vivante ? En tout cas, il faut vouloir la tuer. Si elle est morte, ce sera vite fait ; si elle est vivante, elle se défendra et alors on verra ce qu’on verra.
Si nous croyons que cette civilisation est capable de se renouveler et de se perpétuer, sans négations absolues, sans destructions irrémédiables, sans proscriptions absurdes, sans le fer, sans le feu, sans le poison, alors... »
« Nous détruirons. Ne meurt que ce qui veut mourir. Avec une joie amère, nous abattrons cette civilisation qui est là, au milieu de nous encore debout. Cette civilisation n’a plus de vêtements, plus d’églises, plus de palais, plus de théâtres, plus de tableaux, plus de livres, plus de sexes. »
« Cette musique de danse est le dernier chant de ces peuples affairés et exténués, chant rempli d’une furieuse frivolité, et qui décourage les cœurs par une représentation infamante de la jouissance. On y sent, dans le désir, l’alliance inattendue du plus précis des races mercantiles et du plus impétueux des races paresseuses, le rut vague du nègre qui se mêle dans la spéculation minutieuse du Levantin [...]. »
« On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? »
« C’est à cause de cet idéal de liberté aussi que je ne puis songer à briser la machine. Ce serait renier la direction essentielle de la civilisation blanche, à qui un climat tempéré ou excitant a permis de rêver de conquérir une liberté terrestre en domptant la matière par de grands effets manuels et mécaniques. Notre race a joué sa partie sur l’enjeu des inventions techniques ; nous ne pouvons jeter les cartes : il est trop tard ou trop tôt, la partie est déjà perdue ou elle est déjà gagnée. Il faut vaincre par la machine en surmontant la machine, ou périr écrasé sous elle ; tel est le lot de l’Homme d’Occident.
C’est sa façon de prier Dieu que de façonner des objets. »
« Le capitalisme ne saurait créer une idéologie : il est une absence d’idéologie, la négation même de tout idéal humain [...] Le communisme ? Je ne puis pas lui faire confiance tant qu’il semble vouloir consolider le matérialisme capitaliste [...] Comme le capitalisme a pour objet la production plutôt que la répartition des richesses, [le communisme] ne peut être efficacement nié par une révolution efficace que dans la mesure où l’homme, soudain, reculera devant la machine, rejettera la production standardisée et changera l’idée qu’il se fait du progrès. »
« Il n’y a plus de partis dans les classes, plus de classes dans les nations, et demain il n’y aura plus de nations, plus rien qu’une immense chose inconsciente, uniforme et obscure, la civilisation mondiale, de modèle européen. Qu’on tâche de se représenter cette grande firme absurde à laquelle les intérêts vitaux de l’humanité sont présentement abandonnés. Il n’y a plus qu’un seul problème total. L’homme qui réfléchit et dont l’esprit dépasse les distinctions qui ne sont plus vivantes, n’aperçoit qu’un danger, mais il est immense, fait de tous les maux que peut engendrer la décadence de toutes les parties de l’être humain. Derrière toutes ces petites questions politiques ou sociales qui tombent en en désuétude, on voit apparaître une grande interrogation sur les fondements de tout, de nos mœurs, de notre esprit, enfin de notre civilisation. Ce procès, notre génération doit l’instruire et la suivante devra le juger, sous peine de mort. Le temps presse. »
« Que soit bénie la foi des hommes qui osent renouveler la figure du monde selon l’idéal qu’ils chérissent. »