Différences entre les versions de « Léon Bloy »
Ligne 2 : | Ligne 2 : | ||
== Citationes == | == Citationes == | ||
+ | |||
+ | « '''Un homme couvert de crimes est toujours intéressant.''' C’est une cible pour la Miséricorde. C’est une unité dans l’immense troupeau des boucs pardonnables, pouvant être blanchis pour de salutaires immolations. | ||
+ | |||
+ | Il fait partie intégrante de la matière rachetable, pour laquelle il est enseigné que le Fils de Dieu souffrit la mort. Bien loin de rompre le plan divin, il le démontre, au contraire, et le vérifie expérimentalement par l’ostentation de son effroyable misère. | ||
+ | |||
+ | '''Mais l’innocent [[médiocre]] renverse tout.''' | ||
+ | |||
+ | Il avait été ''prévu'', sans doute, mais tout juste, comme la pire torture de la Passion, comme la plus insupportable des agonies du Calvaire. | ||
+ | |||
+ | Celui-là soufflète le Christ d’une façon si suprême et rature si absolument la divinité du Sacrifice, qu’il est impossible de concevoir une plus belle preuve du Christianisme que le miracle de sa durée, en dépit de la monstrueuse inanité du plus grand nombre de ses fidèles ! | ||
+ | |||
+ | Ah ! on comprend l’épouvante, la fuite éperdue du XIXe siècle, devant la Face ridicule du Dieu qu’on lui offre et on comprend aussi sa fureur ! | ||
+ | |||
+ | Il est bien bas, pourtant, ce voyou de siècle, et n’a guère le droit de se montrer difficile ! Mais, précisément, parce qu’il est ignoble, il faudrait quel’ostensoir de la Foi fût archisublime et fulgurât comme un soleil... | ||
+ | |||
+ | Veut-on savoir comme il fulgure ? Voici. » | ||
+ | {{Réf Livre | ||
+ | |auteur=Léon Bloy | ||
+ | |titre=Le Désespéré | ||
+ | |année d'origine=1887 | ||
+ | |éditeur=Flammarion | ||
+ | |collection=Garnier Flammarion | ||
+ | |année=2010 | ||
+ | |ISBN=9782080712561 | ||
+ | |page=237}} | ||
« Le mal est plus universel et paraît plus grand, à cette heure, qu’il ne fut jamais, parce que, jamais encore, la civilisation n’avait pendu si près de terre, les âmes n’avaient été si avilies, ni le bras des maîtres si débile. Il va devenir plus grand encore. La République des Vaincus n’a pas mis bas toute sa ventrée de malédiction. » | « Le mal est plus universel et paraît plus grand, à cette heure, qu’il ne fut jamais, parce que, jamais encore, la civilisation n’avait pendu si près de terre, les âmes n’avaient été si avilies, ni le bras des maîtres si débile. Il va devenir plus grand encore. La République des Vaincus n’a pas mis bas toute sa ventrée de malédiction. » |
Version du 28 avril 2017 à 14:17
Citationes
« Un homme couvert de crimes est toujours intéressant. C’est une cible pour la Miséricorde. C’est une unité dans l’immense troupeau des boucs pardonnables, pouvant être blanchis pour de salutaires immolations.
Il fait partie intégrante de la matière rachetable, pour laquelle il est enseigné que le Fils de Dieu souffrit la mort. Bien loin de rompre le plan divin, il le démontre, au contraire, et le vérifie expérimentalement par l’ostentation de son effroyable misère.
Mais l’innocent médiocre renverse tout.
Il avait été prévu, sans doute, mais tout juste, comme la pire torture de la Passion, comme la plus insupportable des agonies du Calvaire.
Celui-là soufflète le Christ d’une façon si suprême et rature si absolument la divinité du Sacrifice, qu’il est impossible de concevoir une plus belle preuve du Christianisme que le miracle de sa durée, en dépit de la monstrueuse inanité du plus grand nombre de ses fidèles !
Ah ! on comprend l’épouvante, la fuite éperdue du XIXe siècle, devant la Face ridicule du Dieu qu’on lui offre et on comprend aussi sa fureur !
Il est bien bas, pourtant, ce voyou de siècle, et n’a guère le droit de se montrer difficile ! Mais, précisément, parce qu’il est ignoble, il faudrait quel’ostensoir de la Foi fût archisublime et fulgurât comme un soleil...
Veut-on savoir comme il fulgure ? Voici. »
« Le mal est plus universel et paraît plus grand, à cette heure, qu’il ne fut jamais, parce que, jamais encore, la civilisation n’avait pendu si près de terre, les âmes n’avaient été si avilies, ni le bras des maîtres si débile. Il va devenir plus grand encore. La République des Vaincus n’a pas mis bas toute sa ventrée de malédiction. »
« Le christianisme, quand il en reste, n’est qu’une surenchère de bêtise ou de lâcheté. On ne vend même plus Jésus-Christ, on le bazarde, et les pleutres enfants de l’Église se tiennent humblement à la porte de la Synagogue, pour mendier un petit bout de la corde de Judas qu’on leur décerne, enfin, de guerre lasse, avec accompagnement d’un nombre infini de coups de souliers. »
« La France préludait, alors, à l’apostolat des monarchies occidentales. Les évêques étaient des saints, dans la main desquels la Gentilité barbare s’assouplissait lentement, comme une cire vierge, pour former, avec la masse hétérogène du monde gallo-romain, les rayons mystiques de la ruche de Jésus-Christ. Du milieu de ce chaos de peuples vagissants, au-dessus desquels planait l’Esprit du Seigneur, on vit s’élever, à travers le brouillard tragique des prolégomènes du Moyen Âge, une candide rangée de cierges humains dont les flammes, dardées au ciel, commencèrent, au sixième siècle, la grande illumination du catholicisme dans l’Occident. »
« C’est la pente moderne attestée par le renflement scientifique de la plus turgescente vanité universelle. »
« Notre liberté est solidaire de l’équilibre du monde et c’est là ce qu’il faut comprendre pour ne pas s’étonner du profond mystère de la Réversibilité qui est le nom philosophique du grand dogme de la Communion des Saints. Tout homme qui produit un acte libre projette sa personnalité dans l’infini. S’il donne de mauvais cœur un sou à un pauvre, ce sou perce la main du pauvre, tombe, perce la terre, troue les soleils, traverse le firmament et compromet l’univers. S’il produit un acte impur, il obscurcit peut-être des milliers de cœurs qu’il ne connaît pas, qui correspondent mystérieusement à lui et qui ont besoin que cet homme soit pur, comme un voyageur mourant de soif a besoin du verre d’eau de l’Évangile. Un acte charitable, un mouvement de vraie pitié chante pour lui les louanges divines, depuis Adam jusqu’à la fin des siècles ; il guérit les malades, console les désespérés, apaise les tempêtes, rachète les captifs, convertit les infidèles et protège le genre humain.
Toute la philosophie chrétienne est dans l’importance inexprimable de l’acte libre et dans la notion d’une enveloppante et indestructible solidarité. Si Dieu, dans une éternelle seconde de sa puissance, voulait faire ce qu’il n’a jamais fait, anéantir un seul homme, il est probable que la création s’en irait en poussière.
Mais ce que Dieu ne peut pas faire, dans la rigoureuse plénitude de sa justice, étant volontairement lié par sa propre miséricorde, de faibles hommes, en vertu de leur liberté et dans la mesure d’une équitable satisfaction, le peuvent accomplir pour leurs frères. Mourir au monde, mourir à soi, mourir, pour ainsi parler, au Dieu terrible, en s’anéantissant devant lui dans l’effrayante irradiation solaire de sa justice, — voilà ce que peuvent faire des chrétiens, quand la vieille machine de terre craque dans les cieux épouvantés et n’a presque plus la force de supporter les pécheurs. Alors, ce que le souffle de miséricorde balaie comme une poussière, c’est l’horrible création qui n’est pas de Dieu, mais de l’homme seul, c’est sa trahison énorme, c’est le mauvais fruit de sa liberté, c’est tout un arc-en-ciel de couleurs infernales sur le gouffre éclatant de la Beauté divine. »
« Plus que jamais, il fut un désespéré, mais un de ces désespérés sublimes qui jettent leur cœur dans le ciel, comme un naufragé lancerait toute sa fortune dans l’océan pour ne pas sombrer tout à fait, avant d’avoir au moins entrevu le rivage. »
« Combien en faudra-t-il encore de ces reniements, pour que se décide enfin à chanter le "Coq" de France ? Car c’est la France qui est désignée par le Texte Saint. La France dont le Paraclet a besoin ; la France où il se promène comme dans son jardin, et qui est la Figure la plus expressive du Royaume des cieux ; la France réservée, quand même, et toujours aimée par-dessus les autres nations, précisément parce qu’elle paraît être la plus déchue, et que l’Esprit vagabond ne résiste pas aux prostituées ! »
« [...] la folie des Croisades est ce qui a le plus honoré la raison humaine. »
« Il se dit vulgairement que la joie est le contraire de la douleur et que ces deux impressions de l'âme ou du corps sont incompatibles. On les oppose donc l'une à l'autre. C'est la ressource des littératures. Comment faire comprendre qu'à une certaine hauteur, c'est la même chose et qu'une âme héroïque les assimile avec facilité ? Où sont-elles, aujourd'hui, les âmes héroïques ? Je sais bien que l'héroïsme peut être rencontré, au moins à l'état rudimentaire, chez nos combattants, mais l'héroïsme intégral, sans couture ni tablature, l'héroïsme estampillé d'éternité où donc est-il ? C'est celui du chrétien complet qui a tout donné par amour pour Dieu avant de donner quelque chose à la patrie, et il doit être extrêmement rare. »
« Elle a quinze ans aujourd’hui, notre République, et elle a l’air d’avoir quinze siècles. Elle paraît plus vieille que les Pyramides, cette pubère sans virginité, tombée du vagin sanglant de la trahison. La décrépitude originelle de cette bâtarde de tous les lâches est à faire vomir l'univers. Jézabel de lupanar, fardée d'immondices, monstrueusement engraissée de fornications, toute bestialité de goujat s'est assouvie dans ses bras et elle ressemble à quelque très antique Luxure qu'on aurait peinte sur la muraille d'une hypogée. »
- Léon Bloy, « La République des Vaincus », Le Pal, n°3, 25 mars 1885
« Dans cette Légende d'or de l'histoire de France qu'il s'imaginait toujours entendre chuchoter à son oreille, comme un grand conte plein de prodiges, et qui lui semblait la plus synthétiquement étrange, la plus centralement mystérieuse de toutes les histoires — rien ne l'avait autant fasciné que cet énorme, terrible et enfantine épopée des temps Mérovingiens. La France préludait, alors, à l'apostolat des monarchies occidentales. Les évêques étaient des saints, dans la main desquels la Gentilité barbare s'assouplissait lentement, comme une cire vierge, pour former, avec la masse hétérogène du monde gallo-romain, les rayons mystiques de la ruche de Jésus-Christ. Du milieu de ce chaos de peuples vagissants, au dessus desquels planait l'Esprit du Seigneur, on vit s'élever, à travers le brouillard tragique des prolégomènes du Moyen-Age, une candide rangée de cierges humains dont les flammes dardées au ciel, commencèrent, au sixième siècle, la grande illumination du catholicisme dans l'Occident. »
« Ici, les riches, chrétiens ou non, sont atroces. Nos juifs eux-mêmes, nos puissants juifs n'ont pas compris que l'auteur du Salut par les Juifs avait poussé en faveur de leur nation le plus grand cri qu'on ait entendu depuis le commencement de l'ère chrétienne. »
- Léon Bloy, Correspondance 1900-1914, Josef Florian (L'Âge d'Homme, coll. Correspondances, 1990), lettre du 2 décembre 1900, p. 18.
« L’entraînement avait été si soudain et si prodigieuse l’impulsion que, même aujourd’hui, nul d’entre eux ne paraît s’être avisé de savoir, — décidément, — s’il n’y aurait pas quelque danger grave, pour un cœur sacerdotal, à pétitionner ainsi l’extermination d’un peuple que l’Église Apostolique Romaine a protégé dix-neuf siècles ; en faveur de qui sa Liturgie la plus douloureuse parle à Dieu le Vendredi Saint ; d’où sont sortis les Patriarches, les Prophètes, les Évangélistes, les Apôtres, les Amis fidèles et tous les premiers Martyrs ; sans oser parler de la Vierge-Mère et de Notre Sauveur lui-même, qui fut le Lion de Juda, le Juif par excellence de nature, — un Juif indicible ! — et qui, sans doute, avait employé toute une éternité préalable à convoiter cette extraction. »
- Léon Bloy, Oeuvres de Léon Bloy, tome IX, p. 34
« L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais et tout ce qu’on peut faire c’est de les franchir en bondissant avec plus où moins de fracas, sans aucun espoir de les démolir. »
- Léon Bloy, Le Salut par les Juifs (1892), éd. Mercure de France, 1933, p. 44
« Je le disais, il n’y a qu’un instant, on a vainement assommé, grillé, pilonné les Juifs, pendant des siècles et sur la superficie de tous les empires. Ils sont forcés par Dieu, invinciblement et surnaturellement forcés, d’accomplir les abominables cochonneries dont ils ont besoin pour accréditer leur déshonneur d’instruments de la Rédemption.
On recommencerait aujourd’hui le même carnage avec le même insuccès, puisqu’ils ne peuvent absolument pas s’empêcher d’être ce qu’ils sont et qu’il leur faut, au moins, l’arrivée d’Élie et le déclouement des Mains et des Pieds du Christ pour obtenir leur pardon. »
- Léon Bloy, Le Salut par les Juifs (1892), éd. Joseph Victorion et Cie, 1906 (pp. iii-165), pp. 38-39
« Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Il y en a d'autres en plus grand nombre qui ne sont pas meilleurs à entendre. »
« Le monde moderne : une Atlantide submergée dans un dépotoir. »
« Toute grandeur est exilée au fond de l’Histoire et si Dieu veut agir manifestement, il faudra bien qu’il agisse de Lui-même, victorieusement comme il y a deux mille ans, lorsqu’il ressuscita des morts. J’attends les Cosaques et le Saint-Esprit. »
- Léon Bloy, Au Seuil de l'Apocalypse (1916)
« Au fait, que diable voulez-vous que puisse rêver, aujourd'hui, un adolescent, que les disciplines modernes exaspèrent et que l'abjection commerciale fait vomir ? Les croisades ne sont plus, ni les nobles aventures lointaines d'aucune sorte. Le globe entier est devenu raisonnable et on est assuré de rencontrer un excrément anglais à toutes les intersections de l'infini. Il ne reste plus que l'art. Un art proscrit, il est vrai, méprisé, subalternisé, famélique, fugitif, guenilleux, et catacombal. Mais, quand même, c'est l'unique refuge pour quelques âmes altissimes condamnées à traîner leur souffrante carcasse dans les charogneux carrefours du monde. »
« C'est peut-être l'effet le moins aperçu d'une dégringolade française de quinze années, d'avoir produit ces dominateurs, inconnus des antérieures décadences, qui règnent sur nous sans y prétendre et sans même s'en apercevoir. C'est la surhumaine oligarchie des inconscients et le Droit Divin de la Médiocrité absolue.
Ils ne sont, nécessairement, ni des eunuques, ni des méchants, ni des fanatiques, ni des hypocrites, ni des imbéciles affolés. Ils ne sont ni des égoïstes avec assurance, ni des lâches avec précision. Ils n'ont pas même l'énergie du scepticisme. Ils ne sont absolument rien. Mais la terre est à leurs pieds et cela leur paraît très simple.
En vertu de ce principe qu'on ne détruit bien que ce qu'on remplace, ilfallait boucher l'énorme trou par lequel les anciennes aristocratiess'étaient évadées comme des ordures, en attendant qu'elles refluassentcomme une pestilence. Il fallait condamner à tout prix cette dangereuseporte et les Acéphales furent élus pour chevaucher un peuple dedécapités !
Aussi, la Fille aînée de l'Église, devenue la Salope du monde, les a triésavec une sollicitude infinie, ces lys d'impuissance, ces nénuphars bleusdont l'innocence ravigote sa perverse décrépitude ! Si l'Exterminateur ar-rivait enfin, il ne trouverait plus une âme vivante dans les quartiers opu-lents de Paris, rien aux Champs-Élysées, rien au Trocadéro, rien au Parc Monceau, trois fois rien au Faubourg Saint-Germain et, sans doute, il dé-daignerait angéliquement de frapper du glaive les simulacres humainspavés de richesses qu'il y découvrirait ! »
« Le trait le plus saillant et le plus caractéristique des chrétiens modernes, écrivais-je au lendemain de la mort de Louis Veuillot, c'est la haine de l'Art, une haine carthaginoise auprès de laquelle les haines ordinaires ressemblent à de l'amour. »
- Léon Bloy, extrait d'un article paru dans le numéro 4 du Pal, « Le Christ au dépotoir »
« Il est vrai qu'on a pas encore abattu toutes les croix, ni remplacé les cérémonies du culte par des spectacles antiques de prostitution. On a pas non plus tout à fait installé des latrines et des urinoirs publics dans les cathédrales transformées en tripots ou en salles de café-concert. Evidemment, on ne traîne pas assez de prêtres dans dans les ruisseaux, on ne confie pas assez de jeunes religieuses à la sollicitudes maternelles de patronnes de lupanars de barrière. On ne pourrit pas assez tôt l'enfance, on assomme pas un assez grand nombre de pauvres, on ne se sert pas encore assez du visage paternel comme d'un crachoir ou d'un décrottoir...Sans doute. Mais toutes ces choses sont sur nous et peuvent déjà être considérées comme venues, puisqu'elles arrivent comme la marée et que rien n'est capable de les endiguer. »
« Au dix-huitième siècle, qui fut, sans comparaison, le plus sot des siècles, on s'était persuadé que tous les moines vivaient dans les délices, que l'hypocrite pénombre des cloîtres cachait de tortueuses conspirations contre le genre humain, et que les murailles épaisses des monastères étouffaient les gémissements des victimes sans nombre de l'arbitraire ecclésiastique.
Au dix-neuvième, la bêtise universelle ayant été canalisée d'une autre sorte,cette facétie lugubre devint insoutenable. L'horreur se changeât en pitié et les criminels devinrent de touchants infortunés. C’est ce courant romantique qui dure encore. Rien de plus grotesque, et, au fond, de plus lamentable que les airs de miséricorde hautaine ou de compassion navrée des gens gavés du monde pour ces pénitents qui les protègent du fond de leur solitude et sans l'intercession desquels , peut-être, ils n'auraient même pas la sécurité d'une digestion ! »
« Combien d'âmes réellement vivantes dans ce grouillement d'êtres humains ? Une par cent mille, peut-être, ou par cent millions. On ne sait pas. Il y a des supérieurs, des hommes de génie même, si on veut, dont l'âme n'a pas été vivifiée et qui meurent sans avoir vécu. Un c?ur simple dira chaque jour, en pleurant d'angoisse : « Où en suis-je avec l'Esprit de Dieu, l'Esprit-Saint ? Suis-je vraiment un vivant ou suis-je un mort à porter en terre ? » C'est effrayant de penser qu'on subsiste au milieu d'une foule de morts qu'on croit des vivants ; que l'ami, le compagnon, le frère peut-être qu'on a vu ce matin et qu'on reverra ce soir, n'a qu'une vie organique, un semblant de vie, une caricature d'existence et qu'il est à peine distinct, en réalité, de ceux qui se liquéfient dans les tombeaux. C'est intolérable de se dire, par exemple, qu'on a pu naître d'un père et d'une mère qui ne vivaient pas ; que ce prêtre que voici à l'autel n'est peut-être pas très différent d'un décédé et que le Pharmaque d'immortalité, le Pain qu'il a consacré pour que votre âme en reçoive la Vie éternelle, il va vous le donner d'une main de cadavre, en proférant d'une voix défunte les saintes paroles de la liturgie ! »
« Il est inutile de respecter les vivants à moins qu'ils ne soient les plus forts. Dans ce cas l'expérience conseille plutôt de lécher leurs bottes fussent-elles merdeuses. Mais les morts doivent être respectés. »
« Plus on est semblable à tout le monde plus on est comme il faut. C'est le sacre de la multitude. »
« Lorsque les hommes se réunissent, ils ne font ordinairement rien de noble. »
- Léon Bloy, Mon journal, éd. Mercure de France, 1904, p. 201
« Je l’ai déjà dit et je serai bien forcé de le dire encore : préférer ce qui est noble à ce qui est ignoble et ce qui est beau à ce qui est hideux ; chercher à comprendre, tenter la conquête de n’importe quoi, en sautant par-dessus bornes et clôtures ; vouloir vivre enfin ; voilà ce qui tombe sous l’anathème. »
« Les plaisirs de ce monde pourraient bien être les supplices de l'enfer vus à l'envers dans un miroir. »
« A force d'avilissement, les journalistes sont devenus si étrangers à tout sentiment d'honneur qu'il est absolument impossible, désormais, de leur faire comprendre qu'on les vomit et qu'après les avoir vomis, on les réavale avec fureur pour les déféquer. La corporation est logée à cet étage d'ignominie où la conscience ne discerne plus ce que c'est que d'être un salaud. »
- Léon Bloy, Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne, éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 1999, p. 472
« Tel est, du moins, l’avis du Premier Homme qui ne veut pas que les mourants soient avertis de la mort « même s’ils le désirent ». Cela il ne le veut absolument pas. Le coma lui semble préférable à l’action de se préparer à mourir et « l’usage atroce » de l’extrême-onction le révolte singulièrement. »
« Les catholiques déshonorent leur Dieu, comme jamais les juifs et les plus fanatiques antichrétiens ne furent capables de le déshonorer. »
« En attendant, le Christ est indubitablement traîné au dépotoir. »
« Malheur à celui qui ne pleure pas. »
« Je n'ai pas subi la misère, je l'ai épousée par amour ayant pu choisir une autre compagne. »
« Mon existence est une campagne triste où il pleut toujours. »
« Ce sera la Pentecôte, si souvent annoncée, des massacres et des exterminations, l'ablution du feu sur des sociétés excessives et disgrégées qu'il s'agira de réamalgamer dans le creuset d'une surhumaine conflagration, après les avoir écumées dans la chaudière d'une Méditerranée de sang ! »
« Plus on approche de Dieu plus on est seul. C'est l'infini de la solitude. »
« Nous demandons à Dieu ce qu'il nous plaît et il nous donne ce qu'il nous faut. »
« [Q]uand on parle amoureusement de Dieu, tous les mots humains ressemblent à des lions devenus aveugles qui chercheraient une source dans le désert. »
- Léon Bloy, Le Salut par les Juifs (1892)
« Celui qui ne prie pas Dieu prie le diable. »
« Jamais, sans doute, dans une société humaine, l’héroïsme ne fut aussi généralement cocufié par la nature humaine. »
« "Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu" ? Je voyageais en Normandie ou en Bretagne. Le train glissait sourdement dans la nuit opaque et ma tristesse était infinie. J'avais lu le récit d'une de ces immolations épouvantables qui font ressembler la France à une fontaine de sang dont la source paraît inépuisable. Quelques-uns de mes plus chers avaient succombé, et je priais intérieurement Ma Dame de Compassion et tous les Anges lamentateurs de me donner assez de larmes pour laver tous ces pauvres corps abandonnés de leurs âmes qui n'obtiendraient pas même la charité d'une sépulture.
Soudain il se fit un grand silence. Le train s'arrêtait en plein désert comme tant d'autres fois, sans doute pour laisser passer un convoi de blessés ou d'agonisants. Alors, oh! alors il se passa une chose terrible. Du sein de ce paysage inconnu, enseveli dans les ténèbres, s'éleva un sanglot humain traduisant une douleur inexprimable. Ce sanglot, faible d'abord et qu'on aurait pu croire le gémissement d'un oiseau dévoré par quelque rapace nocturne, s'amplifia bientôt, précisant la souffrance humaine à son paroxysme.
Et ce n'était pas la souffrance du corps, oh ! non, mais bien celle de l'âme, la désolation excessive d'une mère qui a vu égorger ses fils et que rien ne consolera. Je ne saurais dire l'angoisse qui naissait de cette plainte exhalée dans l'obscurité et se propageant par toute l'étendue de cette contrée invisible.
Ce n'était pas une plainte articulée, mais, ainsi que je l'ai dit, un sanglot énorme, convulsif, renaissant de lui-même à l'instant où il expirait, une panique d'éploration qui semblait avoir comme un caractère d'universalité, rappelant peut-être ce qui est raconté par les anciens du deuil des femmes barbares passant la nuit à pleurer leurs morts. Cependant cette assimilation classique dont ma conscience ne voulut pas, était démentie par je ne sais quoi d'auguste, de chrétien, qui surnaturalisait le tourment, et me crevait le cœur de compassion...
Le train se remit en marche et je n'entendis plus la terrible lamentation. J'avais des compagnons de voyage qui dormaient profondément et je me souviens qu'il me fallut quelque temps pour découvrir que ce sanglot avait été pour moi seul.
Plus tard je parcourus diverses provinces, l'Orléanais, la Touraine, le Périgord, l'Auvergne, les départements du Midi. Partout le miracle se renouvela. Partout le même sanglot dans la nuit profonde et la même profonde torpeur chez mes compagnons de voyage. Je finis par comprendre que c'était la grande France de jadis qui pleurait en moi, la pauvre vieille mère de tous les enfants de France ! »
Citationes de Léon Bloy
« Je connais, de Léon Bloy, un livre contre l'antisémitisme : Le Salut par les Juifs. Un chrétien y défend les Juifs comme on défend des parents pauvres. C'est très intéressant. Et puis, Bloy sait manier l'invective. Ce n'est pas banal. Il possède une flamme qui rappelle l'ardeur des prophètes. Que dis-je, il invective beaucoup mieux. Cela s'explique facilement, car sa flamme est alimentée par tout le fumier de l'époque moderne. »