« Ce furent les Anglais qui, finalement, surclassèrent tous leurs rivaux […] Certes, les grands empires coloniaux d’autres peuples européens continuèrent d’exister : l’Espagne et le Portugal, par exemple, conservèrent d’immenses possessions outre-mer ; mais ils perdirent le contrôle des mers et des voies de communication. » (p.49)


« La France, elle, n’a pas suivi le grand élan maritime lié au protestantisme des Huguenots. Par sa tradition spirituelle, elle resta en fin de compte un pays romain et en prenant parti pour la catholicité contre les Huguenots (nuit de la Saint-Barthélemy en 1572 et conversion d’Henry IV au catholicisme), elle choisit par là même la terre contre la mer. Certes, son potentiel maritime restait considérable et aurait pu, même sous Louis XV, tenir tête à celui de l’Angleterre. Mais lorsqu’en 1672, le roi français congédia Colbert, son grand ministre du commerce et de la marine, le choix en faveur de la terre devint irréversible. » (p.50)


« La lutte pour la possession du Nouveau Monde devint une lutte entre la Réforme et la Contre-Réforme, entre le catholicisme mondial des Espagnols et le protestantisme mondiale des Huguenots, des Néerlandais et des Anglais. » (p.68)


« L’apparition de l’avion marqua la conquête d’une troisième dimension après celle de la terre et de la mer. L’homme s’élevait au-dessus de la surface de la terre et des flots et se dotait en même temps d’un moyen de communication entièrement nouveau –et d’une arme non moins nouvelle. Ce fut un nouveau bouleversement des échelles de référence et des critères, et les possibilités de domination humaine sur la nature et les autres hommes devinrent incalculables. » (p.87)

« Il est pensable qu'une action internationale soit menée contre des Etats et des peuples en tant que tels ; mais il est rare que ceux-ci soient assez totalement criminels pour qu'un peuple entier puisse être déclaré « hostis generis humani » et mis au ban de l'humanité. Lorsqu'on exerce des sanctions ou des mesures punitives de portée supra-étatique, la « dénationalisation » de la guerre [ au profit d'une conception universaliste ] entraîne habituellement une différenciation interne à l'Etat et au peuple, dont l'unité et la cohésion subissent un clivage discriminatoire imposé de l'extérieur, du fait que les mesures internationales, à ce que l'on prétend du moins, ne sont pas dirigées contre le peuple, mais seulement contre les personnes se trouvant exercer le pouvoir et leurs partisans, qui cessent par là-même de représenter leur Etat et leur peuple. Les gouvernants deviennent, en d'autres termes, des « criminels de guerre », des « pirates » ou - du nom de l'espèce moderne et mégalopolitaine du pirate - des « gangsters ». Et ce ne sont pas là des expressions convenues d'une propagande survoltée : c'est la conséquence logique, en droit, de la dénationalisation de la guerre. »

— Carl Schmitt, « Le concept discriminatoire de la guerre », 1938